Re: Pérégrinations 4.

[Tatonga]

Face à l’univers.

« Tatonga, est-ce que l’univers nous parle ?
-L’univers ne parle pas, Tictoc, il ne te connait pas et ne se connait même pas lui-même. L’univers ne sait rien et ne ressent rien, Tictoc, il ne pense pas, n’a pas d’intention, pas de volonté, pas de but, il suit et subit ses propres lois.

-Il subit ses propres lois ?
-Pour dire les choses simplement, ce qui est plus lourd, plus grand, plus fort, plus intense en lui l’emporte sur ce qui l’est moins, et c’est tout. Il s’ensuit des confrontations entre ses forces et ses composantes, qui aboutissent à des équilibres et à des déséquilibres aussi, qui finissent par trouver un équilibre, etc.

-Et moi, je suis dans l’univers ?
-Dire que tu es ou non dans l’univers n’a aucun intérêt, Tictoc.
-Mais si, puisque tout est dans l’univers et l’univers englobe tout.
-Ce genre de phrase ne veut rien dire, Tictoc. Il n’y a que toi qui affirme, ce n’est que ta façon de voir, et je trouve plutôt saugrenue cette idée de faire de l’univers un contenant et de toi une partie de son contenu.

-Je ne peux quand même pas être à l’extérieur de l’univers, Tatonga !
-Cette approche par l’intérieur et l’extérieur n’est pas très pertinente, Tictoc. Sagissant de l’univers, elle ne doit même pas avoir un sens et ce n’est certainement pas en abordant  ainsi les choses que tu pourrais comprendre.

-Je n’appartiens pas à l’univers ?
-Je viens de te dire ce qu’est l’univers, Tictoc, et je ne vois pas comment tu pourrais en faire partie ou lui appartenir. Toi, tu es conscient, tu te connais et tu connais l’univers, tu le vois, tu l’observes et tu le comprends, tu es capable de penser, de juger et d’apprécier, tu as des intentions, une volonté et la liberté de faire des choix. Comment peux-tu dire dans ces conditions que tu es une partie de l’univers ou que tu lui appartiens ? Tu n’es pas seulement différent de l'univers, Tictoc, tu es autre.

-Je viens d’ailleurs ?
-Je ne sais pas qui tu es ni d’où tu viens, Tictoc. Es-tu un visiteur, un voyageur, un prospecteur, je ne saurais te le dire, mais tu n’es pas de l’univers, tu es face à l’univers. »

[Tatonga]

Il y a ce qui est, mais qu’y a-t-il ?

« C’est donc ça l’univers, Tatonga, il ne sait et ne ressent rien…
-Qui sait ce qu’est l’univers, Tictoc ? Nous disons univers, nous disons infini, mais l’univers c’est quoi, Tictoc ? C’est ce qu’il y a ou ce qui est, soit ! Mais il y a quoi ? Et c’est quoi l’infini ? Les galaxies fuient, dit-on, elles fuient où ? Est-ce au-delà de l’univers, au-delà de l’infini ? Au-delà de l’univers et de l’infini, est-on dans ou hors de l’univers et de l’infini ?

-Drôles de questions, Tatonga…
-Mais oui, Tictoc, nous disons univers, nous disons infini, comme si nous savions ce que c’est. Peut-on donner un nom à ce qui est infini, Tictoc, et ce nom désignerait quoi ? Univers, infini, des mots, Tictoc, rien que des mots pour parler de ce dont on ne sait rien.

-On ne sait donc rien…
-Jusqu’où va l’univers et où s’arrête l’infini ? Qu’y a-t-il dans ces contrées lointaines, Tictoc, et au-delà ? Et au-delà de au-delà ? Qu’y a-t-il et que se passe-t-il là-bas très loin ? Et toi, Tictoc, où se trouve ton origine, où commencent tes racines ? Crois-tu, naïf, qu’il a suffi d’une rencontre entre papa et maman ? Tu les crois, toi, tes savants quand ils te parlent de spermatos et d’ovules ?  Crois-tu donc que c’est aussi simple ? Et même la simple carotte, crois-tu qu’il suffit de mettre une graine en terre pour avoir une carotte ? Eh non, Tictoc, non, tout vient et provient de très loin, le secret de toute chose vient de loin, il vient des profondeurs insondables de l’univers, il vient de l’infini, il vient des confins de l’univers et de l’infini. De là-bas, de très loin, des réseaux et des liens tissent la trame d’une grande intrigue, depuis longtemps. C’est à ce moment-là qu’a commencé ton histoire, c’est depuis ce temps-là que dure ton aventure, une longue Odyssée digne d’Homère.

-Ça a commencé il y a très longtemps ?
-Oui, Tictoc, tu viens de très loin. Enrôlé par l’Histoire pour écrire ta propre histoire, impliqué dans l’aventure au tout début de la grande Aventure, il y a longtemps, très longtemps, tu viens du fond des âges. Tu fais partie de l’intrigue, ton histoire se  confond avec la grande Histoire de l’univers éternel et infini. »

[Tatonga]

Un monde à l’abandon.

« Tatonga, quelle impression te fait le monde ?
-D’être à l’abandon.
-Comment ça à l’abandon ?
-Je crois, Tictoc, qu’au tout début, tout donnait l’impression d’avoir été mis au point pour que les choses évoluent et arrivent progressivement à une situation optimale d’équilibre et d’harmonie, à un monde paradisiaque bien organisé où il ferait bon vivre.

-Ah bon ?
-Oui, réaliser un monde bien construit où rien ne manquerait et où règneraient la joie et le bonheur.

-Ce n’était peut-être pas ça le but du projet, Tatonga…
-Ah la gaffe, Tictoc, la gaffe ! Tu n’as donc pas encore compris que le but de tout projet est toujours de réaliser un paradis, le bonheur ! Ne comprends-tu pas que tout autre but serait absurde ou une farce ?

-Bon, bon, et ça a donc raté ?
-Ce projet a donné l’impression de bien marcher à certains moments, mais les choses se sont gâtées par la suite.

-Ça s’est gâté ?
-Oui, Tictoc, les ressources se sont raréfiées, le climat s’est déréglé, les équilibres se sont rompus et, de paradis qu’il devait être, le monde est devenu un enfer.

-Mais pourquoi ?
-Pourquoi ? C’est la première question que les théologiens auraient dû se poser, Tictoc, mais ils se sont bien gardés de le faire. Les théologiens excellent dans l’art de bien éviter les questions qui les fâchent. Ce projet, Tictoc, comme tout projet, devrait garantir le bonheur, sans conditions, mais c’est loin d’être le cas, et c’est très étonnant, incompréhensible ! Pourquoi ça s’est gâté ? Parce que ce qu’il fallait faire n’a pas été fait. Ce projet avait besoin d’entretien et de maintenance, Tictoc. Il était nécessaire de le surveiller, de renouveler régulièrement les ressources, de veiller constamment aux équilibres et d’opérer des réglages, de ravaler les murs, de refaire les peintures, d’entretenir les boiseries, etc., mais rien de tout cela n’a été fait. C’est à croire que le maitre de l’ouvrage a renoncé à son projet et l’a laissé à l’abandon, et les théologiens ne s’en étonnent même pas !

-Mais n’est-ce pas la faute des hommes ?
-Et voilà, tu as les mêmes réflexes que les théologiens : culpabiliser les hommes ! Que peuvent faire les hommes, Tictoc ? Ils ont cherché des solutions, ils ont fait des découvertes, ils se sont organisés, ils se sont associés, ils ont lutté pour se préserver et préserver les lieux, mais ce n’est pas facile et ce n’est pas à eux de sauver le monde, Tictoc. C’est une tâche qui les dépasse. Non, ce n’est pas à eux d’assumer une telle responsabilité.

-Un monde à l’abandon, donc.
-Oui, Tictoc, tout se dégrade et tombe en ruine, y compris à cause des guerres, des guerres qui ne sont point de la faute des hommes, mais qui s’imposent aux hommes comme une fatalité inexorable. Et c’est à n’y rien comprendre. Et c’est déroutant, Tictoc, de voir ce qui se présentait de prime abord  comme un chef-d’œuvre d’intelligence et de beauté devenir un champ de ruines.

-C’est déroutant ?
-Déroutant, incompréhensible, Tictoc. On ne sait quoi penser. S’agit-il d’un projet abandonné ou faut-il croire que ce qui semblait être une organisation rigoureuse n’était qu’une grossière illusion, un fabuleux mirage, un délire de nos yeux et de notre esprit, et que ce monde n’est finalement qu’un banal bric-à-brac d’objets exposés à tous les aléas et  livrés aux caprices du hasard ? »

[Brahim]

"Vous n'êtes pas une petite étoile, vous êtes le reflet de tout le cosmos. Pouvez-vous entendre le Big Bang dans votre cœur ? Quatre-vingts fois par minute, Dieu frappe aux portes de votre poitrine, pour vous rappeler qu'Il ne vous a jamais quitté, et qu'Il est plus proche de vous que la veine jugulaire de votre cou (50:16)".
A. Helwa

[Tatonga]

"Vous n'êtes pas une petite étoile, vous êtes le reflet de tout le cosmos. Pouvez-vous entendre le Big Bang dans votre cœur ? Quatre-vingts fois par minute, Dieu frappe aux portes de votre poitrine, pour vous rappeler qu'Il ne vous a jamais quitté, et qu'Il est plus proche de vous que la veine jugulaire de votre cou (50:16)".
A. Helwa

Très belle poésie spirituelle.
Le problème avec tous ces poètes inspirés par la foi, c’est qu’ils parlent de Dieu sans pouvoir dire ce qu’il est ni qui il est. Ils justifient leur ignorance en invoquant le très beau et très poétique prétexte que Dieu serait inconnaissable et indéfinissable.
Inconnaissable et indéfinissable, il faut dire que le premier qui a trouvé ce gisement inépuisable ne pouvait être qu’un grand poète. Oui, il fallait être un grand poète.
En partant de ces postulats, les poètes, les religieux, les théologiens, les mystiques et autres ermites peuvent se permettre de dire tout ce qu’ils veulent. En fait, ils ne font que s’enfermer en eux-mêmes, à l’intérieur de leur propre prison, sans cesser de chanter et de tourner en rond pour se convaincre qu’ils ont trouvé Dieu, alors qu’ils n’ont jamais trouvé que leurs rêves. S’il y a des chances (je dis : si) d’approcher Dieu (je ne dis pas trouver), elles sont plutôt du côté de ceux qui le cherchent par la raison.
Ce que ces poètes trouvent en réalité, c’est eux-mêmes au fond d’eux-mêmes. Ils se regardent dans un miroir ou font comme  ce monsieur qui s’est saisi de son propre bras, croyant attraper le bras du pickpocket qui lui explorait les poches. Cela dit, rêver est une bonne chose.

[Tatonga]

Un nouveau messager.

« Tatonga, va-t-on voir arriver un nouveau messager de Dieu ?
-Je ne sais pas, Tictoc. C’est qu’on en a déjà eu tant et tous avaient déclarés, d’une manière ou d’une autre, être le bon et le dernier. Je ne sais pas, Tictoc, un nouveau messager, ça risque de faire grincer des dents. Et puis, à notre époque, on ne va plus à pied en s’appuyant sur une canne ou à dos de chameau.

-La canne et le chameau, on peut s’en passer, Tatonga.
-Peut-être, oui. La tradition en prendrait un coup, mais il faut bien, car depuis le temps, on a inventé plein de choses pour se déplacer et pour communiquer à distance. Beaucoup de choses ont changé. Aujourd’hui, on a des véhicules qui volent, qui parlent, qui vont plus vite que l’éclair, des vaisseaux qui sillonnent l’espace, de grandes oreilles à l’écoute du cosmos, des dizaines d’antennes braquées sur le ciel, des centaines d’oeils qui scrutent les étoiles. Tout message venant de l’au-delà, même dans une langue inconnue, serait immédiatement capté, décrypté et instantanément traduit dans tous les dialectes, patois, langages et langues du monde. Tu as raison, Tictoc, le temps des émissaires et des facteurs à pied ou à bicyclette est révolu.

-Et c’est mieux ainsi, Tatonga, on aura enfin un message unifié, authentique et fiable.
-Là tu fais erreur, Tictoc. C’est compter sans les hommes. Si jamais cela advenait, sois certain que les Américains, les Chinois, les Russes… en livreraient chacun une version différente et se taxeraient les uns les autres de falsificateurs, d’imposteurs, de déviants, d’hérétiques, de païens, de suppôts du diable et d’ennemis de Dieu voués à brûler en enfer.

-Mais pourquoi ?
-Parce que chacun le traduirait à sa convenance, y imprimerait ses sentiments, ses attentes, ses désirs, ses émotions, ses préférences, ses prétentions, ses passions, ses rancœurs, ses rancunes, ses amours, ses haines, ses us et coutumes... et sa photo.

-S’ils font ça, il ne va pas rester grand-chose du message divin, Tatonga.
-Chacun voudrait y affirmer sa suprématie, sa primauté et sa préexcellence, son excellence et sa suréminence pour s’affirmer l’élu, le préféré, le favori de Dieu.


-Mais dis-moi pourquoi ?
-Parce qu’un Dieu pour tout le monde, ça n’avantage personne. Chacun voudrait donc l’avoir pour soi tout seul et exclure les autres, et  ça a toujours été ainsi. La bonne entente et le partage, ça n’a jamais été le fort de la famille des hominidés, Tictoc, plutôt les brouilles, les querelles, les chamailleries, et des problèmes, toujours et partout. Souviens-toi ! Dès le début ça a très mal commencé. D’abord Adam et Eve qui se font chasser de l’Eden à coups de pied dans les fesses pour mauvaise conduite. Proprement, comme des malpropres, et ça, c’est très grave, Tictoc ! Ensuite, il y a eu la brouille entre Caïn et Abel qui a mal tourné. Pas étonnant donc que les hommes continuent de se bouffer encore le nez aujourd’hui. Ça a toujours été comme ça dans la famille. »

[Brahim]

Il y a toujours eu des "messagers" de Dieu (ou ceux qui pensent l'être) et il y en aura encore.
Ils apparaissent aux quatre coins du monde, dans tous les milieux et toutes les cultures.
Les "messagers" actuels se déplacent à bicyclette, en voiture, en train, en bateau ou en avion.
Ils regardent la télé, utilisent internet et fréquentent les réseaux sociaux, comme tout le monde.
Les  "messagers" de Dieu sont généralement apolitiques et transmettent des messages universels.
Ce qui est normal, car un message divin ne peut être qu'universel ou ne pas être.
Le vrai Dieu ne peut être ni pro américain, ni pro chinois, ni pro esquimaux, ni pro zoulous.

[Tatonga]

Oui, on pourrait dire que ceux qui se disent croyants, ou qui sont croyants sans le dire, ou sont croyants sans le savoir, ou quelques-uns d’entre eux sont inspirés par Dieu, certains sans doute plus que d’autres, et qu’ils sont, par leur dire et leur agir, messagers de Dieu.

[Tatonga]

Les mondes du monde.

« Tatonga, que disait Héraclite ?
-Que ce qui est permanent, c’est le changement.

-Et cela veut dire quoi ?
-Que rien ne dure, tout finit par disparaitre pour être remplacé par autre chose, qui disparait à son tour, etc., indéfiniment, éternellement. Toi-même, tu disparaitrais ainsi que tout ce que tu as vu, connu, appris, ta ville, les civilisations, les cultures, les autos, les avions, les langues parlées et écrites les règles apprises, ta grammaire, tes fruits et tes légumes, les mouettes et les cygnes, les empires,  les continents et les océans, la géographie de tes livres, et même ton nom et la tache de vin sur ta tempe. Enfin bref, tu parais et disparais et ton monde aussi, comme les fantômes et les mirages.

-C’est le changement permanent ?
-C’est ce que dit Héraclite, mais Héraclite est bien gentil. Ne serait-il pas plus juste de dire que tout ce qui parait est aussitôt détruit, que le monde est une machine destructrice, qui broie tout sur son passage ?

-On pourrait dire tout aussi bien que c’est une machine créatrice, Tatonga.
-Tu as raison, Tictoc. Je crois que rien n’est créé et rien n’est détruit. Tous ces mondes qui se succèdent existent en même temps et font le monde complet. Il n'y a que nous, humains, qui ne voyons à la fois qu’une facette du monde.

-Nous ne voyons à chaque fois qu’une facette ?
-J’en suis certain, Tictoc, c’est beaucoup plus vraisemblable, c’est un peu comme un film. C’est difficile à expliquer, Tictoc, mais il me semble que c’est à cause du temps. Le temps, Tictoc, le temps, il y a là certainement un jeu des temps, de ton temps et du Temps du monde, un rapport des temps, qui ne te permet pas d’avoir une vue d’ensemble. Le temps, Tictoc, est un grand illusionniste qui adore faire des farces.

-Tous ces mondes existent donc en même temps et forment le monde ? Ça, c’est pas bête, Tatonga.
-C’est sûr, Tictoc, qu’il n’y a qu’un seul monde que nous sommes incapables de voir en entier.

-Ces changements perpétuels ne font donc pas du monde un monde absurde…
-Non, Tictoc, il n’est pas absurde. Toute chose qui existe — et le monde existe — est nécessairement soutenue par une logique interne, une armature, une ossature, une architecture logique, sinon cette chose n’existerait même pas. Tu vois, Tictoc, l’absurde est tout simplement impossible, interdit d’existence. Le monde existe, il n’est donc pas absurde, c’est encore plus évident que le cogito, ergo sum de Descartes.

-Oui, mais la chose dont l’existence n’est pas justifiée par une fin est également absurde, Tatonga. Or, on ne voit pas le but du monde.
-Le monde a bien un but, Tictoc, et c’est d’être le monde. Le monde ne peut pas avoir d’autre but que lui-même, il ne vise pas une fin éloignée, il est réalisé, il est dans le but, il est sa propre fin. Ce n’est pas le monde qui est absurde, Tictoc, c’est de vouloir que le monde ait une autre fin que lui-même qui serait absurde. »

[Brahim]

A la question, comment seraient le monde et l'univers si l'on supprimait la notion de temps, voici la réponse de l'IA :

"Si l'on supprimait complètement la notion de temps, le monde et l'univers seraient fondamentalement différents. Voici quelques changements potentiels :

Séquence linéaire : Sans la notion de temps, il n'y aurait plus de chronologie linéaire dans les événements. Tout se produirait simultanément, sans passé, présent ou futur. Cela signifierait que toutes les actions, les causes et les effets se mêleraient dans un instant continu.

Absence de mouvement : Le temps est étroitement lié au mouvement. Sans lui, il n'y aurait plus de changement, de déplacement ou d'évolution. Le monde se figerait dans une immobilité perpétuelle, sans possibilité de développement ou de croissance.

Perception altérée : Notre perception serait profondément altérée. Nous ne serions plus en mesure de mesurer ou de comparer la durée des événements. Les expériences seraient toutes vécues de manière instantanée, sans durée identifiable.

Conséquence sur les lois de la physique : La notion de temps est essentielle pour comprendre les lois de la physique comme la gravité, la thermodynamique ou la relativité. La suppression de cette notion pourrait potentiellement remettre en question certaines de ces lois et modifier notre compréhension fondamentale de l'univers.

Impact sur la mémoire et l'apprentissage : Sans le temps, notre capacité à mémoriser et à apprendre serait grandement affectée. Les souvenirs et les connaissances seraient difficilement organisables et l'apprentissage deviendrait beaucoup plus complexe.

En somme, si la notion de temps disparaissait, le monde et l'univers seraient chaotiques, immuables et dépourvus de séquence logique. Notre perception, notre compréhension et notre capacité à interagir avec l'univers en seraient grandement modifiées."

[Tatonga]

Cela revient à dire que le temps et l'espace sont des extenseurs, ils étalent l'univers. Sans le temps et l'espace, l'univers se réduirait à un point. Ça résume ce que dit l'IA. Il reste qu'ils sont toujours là et il semble qu'ils n'ont pas toujours et partout la même dimension, ce qui complique (et même fausse) notre perception de l'univers.

[Tatonga]

Ni Dieu, ni cause.

«Le but du monde est d’être le monde, c’est bien ça, Tatonga ?
-Oui, Tictoc, mais parler de but, n’est qu’une façon de dire, le monde n’a jamais voulu ou décidé d’être le monde.
-Il a été créé par une intelligence ?
-Mais où veux-tu trouver une intelligence pour te créer un monde ? Tu divagues, Tictoc. Non, il n’a pas été créé par une intelligence.
-Alors il a été causé par une cause physique…
-Une cause physique pour créer le monde, et tu vas la trouver où cette cause physique ? Tu dois être souffrant pour délirer de la sorte, Tictoc.

-Ni intelligence, ni cause physique, mais comment se fait-il alors que le monde soit là, Tatonga ?
-C’est très simple, Tictoc, le monde est là parce que rien ne l’empêche d’être là, rien ne s’oppose à ce qu’il soit là.
-Là, je ne comprends pas.
-C’est pourtant simple, Tictoc. Le monde est là parce qu’aucune cause ne l’en empêche, par absence de cause négative en quelque sorte.

-Je ne comprends toujours pas, Tatonga…
-Attends, on va chercher une image pour illustrer. Si je place une casserole sous la pluie, une fois la casserole pleine l’eau va déborder. L’eau va s’écouler hors de la casserole parce qu’aucune barrière ne la retient, aucun obstacle ne l’en empêche. Voilà, c’est à peu près ça, Tictoc. Il n’y a pas de cause, et ni la pluie, ni la casserole, ni l’eau ne sont intelligentes.

-Ah bon ?
-Et c’est comme ça que le monde est là, Tictoc, sans cause et sans intelligence. Bon, continuons, l’eau va donc s’écouler, mais pas n’importe comment et n’importe où, elle s’écoulera selon ses propres lois, tantôt à droite, tantôt à gauche, tantôt vite, tantôt lentement, toujours de haut en bas, jamais de bas en haut, et c’est ce que fait le monde aussi, Tictoc, il suit ses propres lois, contraint et forcé.

-Mais d’où viennent ces lois ?
-Elles ne viennent pas, Tictoc, le monde ou la nature les subit, comme tu subis ton poids. Ces lois sont des contraintes qui s’imposent à la nature.

-Et la pluie, elle vient d’où ?
-Ne t’occupe pas de la pluie, Tictoc. Le trop-plein de la casserole n’est qu’une façon d’imager l’advenue du monde. Donc, à la manière de l’eau qui s’échappe de la casserole, la nature est contrainte de suivre plusieurs chemins, qui sont autant de lois, des chemins qui se multiplieront, se diversifieront, se ramifieront sans cesse avec le temps et c’est ainsi que se forment toutes formes, y compris des Tictoc. La seule différence avec l’eau, c’est que la nature est beaucoup plus complexe et donc plus créative.

-Tout ça est bien imagé et imaginé, Tatonga, mais comment expliques-tu que je sois intelligent au milieu de cette nature ?
-En vérité, tu n’es pas intelligent, Tictoc. Tu as été moulé par le moule de la nature, et ce moule a tout naturellement imprimé son empreinte en toi, gravé en toi, plus ou moins nettement, ses propres lois. Si tu réussis à comprendre la nature, c’est parce que tu retrouves en elle les marques qu’elle a laissées en toi. C’est tout. Un semblant d’intelligence donc, toute relative, mais aucune intelligence absolue. Une intelligence absolue est une lubie, Tictoc, ça n’existe nulle part, ni en toi ni au ciel.

-Pas d’accord, Tatonga, je suis sûr qu’une intelligence a créé le monde.
-Si tu y tiens, on va partir d’une intelligence parfaite et tu vas voir que ça revient au même. Une intelligence parfaite va opérer de la meilleure façon possible. Elle ne va pas créer un monde et passer son temps à intervenir pour ceci ou pour cela, pour redresser une barre ou pour faire un réglage. Au contraire, elle va se cristalliser elle-même en un monde en y inscrivant une bonne fois pour toutes sa volonté, ses directives, ses orientations, en un mot ses lois. En se cristallisant en un monde, elle disparait pour n’être plus que la nature, elle se transforme en nature. Tu vois, Tictoc, finalement, ça revient au même, ce que tu as en fin de compte, c’est la nature telle que tu la vois et la connais.

-L’intelligence peut très bien ne pas se cristalliser et demeurer à l’écart, Tatonga.
-Bon, je vais t’expliquer ça autrement. Une intelligence créatrice n’est quand même pas un bonhomme qui a d’autres occupations, c’est un principe créateur. Dire qu’il demeure à l’écart revient à en faire un bonhomme et non un principe. Un principe ne se tient pas à l’écart, il est à la base et tout entier dans sa création. Comme tu vois, on retombe dans les cas précédents, il ne nous reste finalement que la nature sur les bras. Tu peux l’appeler Dieu, mais elle reste la nature qu’elle est, ça ne la changera pas. »

[Tatonga]

La poupée.

« Tatonga, tu n’as pas vu ma poupée…
-Tu as une poupée ?
-Une très belle poupée, Tatonga.
-Oui, je sais, on fait de belles poupées aujourd’hui…

-Une fillette adorable, Tatonga.
-Je sais, je sais, Tictoc.
-Jamais vu sourire plus éblouissant, fossettes plus charmantes… et ces yeux qu’elle a, Tatonga !
-Oui, je sais, Tictoc.

-Ses yeux, Tatonga, il fallait voir ses yeux, si vivants, étincelants, tout s’y reflète, sa joie, ses peines, ses émotions, ses sentiments, son âme… Une âme, Tatonga, pétillante de vie.
-Je sais, je sais, Tictoc.

-Et je l’ai perdue, Tatonga.
-Perdue, comment ça, perdue ?
-Je l’ai trouvée ce matin gisant à même le sol, désarticulée, sans vie.
-Je partage ta peine, Tictoc…

-Et tu sais ce que j’ai vu, Tatonga ? Ah ça, je ne m’en remettrai jamais, jamais je n’aurais cru, tu ne me croirais pas, Tatonga…
-Je sais, je sais, Tictoc. Tu as vu de la bourre, trouvé des vis et des ressorts métalliques, des rondelles en plastique, des fils électriques, des ampoules et des lentilles de verre. Je sais, Tictoc. »

[Tatonga]

L’infini.

« Tatonga, est-ce que l’univers est infini ?
-Oui, Tictoc, l’univers est infini. Pour moi, univers signifie infini et univers infini est donc un pléonasme.

-Est-ce que l’univers est un cercle ou un carré ?
-Non, Tictoc, le cercle et le carré ont une circonférence et des côtés, l’univers n’en a pas, il n’a aucune limite, ni réelle ni théorique.

-Alors pourquoi dit-on que l’univers est en expansion ?
-On ne peut pas être à la fois infini, sans limites et s’étendre. La science appelle univers la petite partie observable de l’univers, et c’est pourquoi elle dit qu’il est en expansion.

-Et c’est quoi alors l’univers ?
-L’univers va au-delà des galaxies ; l’espace au-delà des galaxies fait partie de l’univers. Les définitions que donnent les dictionnaires de l’univers et de l’infini lui vont très bien. C’est l’ensemble de tout ce qui existe, espace, temps, matière, c’est ce en quoi on ne peut observer ni concevoir aucune limite, c’est ce qui est plus grand que tout ce qui a une limite.

-Je vois, je vois…
-Tu crois voir, mais tu ne vois rien du tout. L’univers est inconcevable, car notre esprit ne peut appréhender que ce qu’il peut se représenter en pensée, mais l’univers infini est inconcevable. Tu peux t’amuser à explorer et à étudier les corps célestes, mais l’univers, tu ne pourras même pas l’imaginer.

-Et Dieu, il est où ?
-Forcément à l’intérieur, à moins qu’il ne soit l’univers lui-même, ou seulement dans ta tête. »

[Tatonga]

Le surnaturel.

« Tatonga, que dis-tu du surnaturel ?
-Qu’est-ce que l’univers, Tictoc, si ce n’est une nature ? L’univers tout entier est une nature, il est naturel et tout ce qui y est est naturel. Qu’est-ce donc que ce surnaturel, Tictoc ? Le surnaturel, n’est-ce pas justement ce qui ne peut être, ce qui ne peut exister ?

-Mais qui a créé ce monde naturel ?
-Ce qui est naturel n’a besoin que d’être naturel pour être, Tictoc. Le monde est, parce qu’il est naturel, et tout ce qui est naturel est de soi-même.

-L’univers est donc une nature ?
-A part être une nature, que veux-tu que ce soit d’autre, Tictoc ? Oui, il est naturel comme ton champ. Dans l’univers, il y a toutes sortes de choses, des plus grossières aux plus subtiles, des plus matérielles aux plus immatérielles, toutes naturelles. Rien n’y manque, rien, tout y est, et c’est parce que rien n’y manque qu’il est univers, un univers complet. Même la pensée n’est que l’une des choses de ce monde, ni plus ni moins, et c’est une erreur de l’opposer au reste ou d’y voir un élément plus important.

-Et l’esprit, c’est une chose comme les autres ?
-L’esprit, c’est quoi l’esprit ? Sur la partie Terre de l’univers, pousse la betterave, naissent les chiens et les hommes. La betterave est sucrée, les chiens aboient, les hommes pensent, et tout est égal. Mais l’esprit ou les esprits, c’est quoi ? Encore un mot pour ne rien dire !

-Il n’y a donc pas d’esprit, mais penser c’est quand même extraordinaire, Tatonga.
-Extraordinaire ou non est ton appréciation, Tictoc. Le morceau de bois qui prend feu, produit des flammes et dégage de la fumée est tout aussi étonnant que la pensée de ton cerveau.

-Il y a quand même du mystère.
-Il n’y a aucun mystère, Tictoc. L’univers est une nature que tu es libre de découvrir, comme tu es libre de partir à la découverte d’une ville. Tu es libre de t’y promener, de décrire ses objets, leur forme, leur couleur, leur odeur, et c’est ce que fait chacun, ce que fait la science, et ce que font les animaux aussi, plus ou moins bien. Certaines choses sont apparentes, d’autres cachées, plus difficiles à voir. Tout est naturel et il n’y a rien hormis la nature. C’est ce mot mystère, fruit de ton imagination, qui te fait croire au surnaturel, mais je ne vois rien qui laisse supposer qu’il y ait des phénomènes ou des êtres qui ne seraient pas naturels. »

[Tatonga]

L’après.

-Tatonga, est-ce que les hommes disparaissent définitivement ?
-Je ne sais pas, Tictoc, Khayyâm disait dans son style poétique que personne n’était revenu de l’au-delà pour nous affranchir.

-Et toi, tu en penses quoi ?
-Je ne sais pas, Tictoc, mais si les hommes disparaissaient définitivement, alors le monde n’aurait aucun sens, aucune valeur, aucune utilité, aucun intérêt, et c’est chose impensable, Tictoc.

-Pourquoi impensable ?
-On peut concevoir qu’une chose quelconque soit vaine, gratuite, futile, mais quand même pas le monde, Tictoc ! Comment admettre  que le monde soit là, comme ça, pour rien, sans raison ? Le monde, Tictoc, c’est ce qui existe, c’est en fait l’unique chose qui existe, et tu voudrais que ce soit pour rien. Non, c’est impossible, Tictoc. Si même le monde n’est pas sérieux, qu’est-ce qui pourrait l’être alors ?

-Je comprends, Tatonga, mais ça, c’est ton jugement, c’est d’après ta raison, d’après la raison des hommes.
-Tictoc, la raison n’est pas comparable aux nageoires des poissons ou au bec des oiseaux, ni à une aptitude ou faculté ordinaire, c’est quelque chose de complètement différent. La raison en l’homme n’est pas non plus une raison parmi d’autres possibles. Elle est La Raison, elle est unique, il n’y en a qu’une. C’est ce qui fait que les hommes sont des êtres à part et c’est bien ce qu’ont compris ceux qui disent que la raison est un don de Dieu à l’homme, autrement dit elle tient de la pensée de Dieu.

-Tu crois ?
-J’en suis certain, Tictoc. La raison n’est pas chose anodine, et le fait qu’il y ait la raison en l’homme n’est pas sans… raison, c’est très significatif, Tictoc.

-Tatonga, tu as dit que le monde était une nature.
-Une nature, oui, où tu peux tout trouver, mais qui aurait dit que la vie et la raison pouvaient y être ? Or, elles y sont et ça ne peut absolument pas être un hasard. C’est voulu, c’est flagrant, Tictoc, et il est impossible d’avoir des indices plus explicites et des signes plus probants de l'existence d'un dessein. Va dire à un juge que la vie et la raison sont là sans raison, juste par hasard, que rien n’est prémédité, et tu verras les fous rires, les quolibets et les boutades que tu provoqueras dans la salle d’audience.

-Les hommes ne disparaissent donc pas définitivement ?
-S’ils disparaissent définitivement, alors le monde — ce monde même qui a fait justement éclore et s’épanouir en son sein la vie et la raison — serait là lui-même sans raison. Tu vois bien, Tictoc, que c’est radicalement contradictoire. »

[Tatonga]

Dieu.

« Tatonga, qu’est-ce que Dieu ?
-Tu ne sais donc pas ce qu’est Dieu, Tictoc, pourtant ça fait des siècles que les gens te le disent.
-Je ne comprends rien à ce que disent les hommes de religion, Tatonga, ils parlent beaucoup et n’accordent pas toujours leurs violons.
-Non, pas les hommes de religion, les gens simples, Tictoc, qui ne se targuent d’aucun savoir.

-Et ils disent quoi ces gens simples ?
-Ils disent que c’est Dieu qui fait tourner la Terre.
-Elle tournerait donc par la volonté de Dieu, c’est ça ?
-Oui, par la volonté de Dieu, mais j’ajouterais que Dieu ne se tient pas à l’écart, il est cette volonté même, il se confond avec sa volonté.

-Tu verses dans le fanatisme, Tatonga, cela fait longtemps que la science a expliqué que si la Terre tourne, c’est en vertu de lois physiques.
-Ce sont tes scientifiques qui sont des fanatiques de la physique, Tictoc. Sache que ces lois physiques auraient pu être tout à fait autres, ou avoir des effets contraires, ou ne pas être du tout. Elles auraient pu faire que ce qui tourne ne tourne pas, ou ce qui tombe s’envole, etc. Tu vois bien qu’elles sont l’expression d’une volonté, et si tu ne le vois pas c’est que tu es aveugle.

-Mais, Tatonga, on a beau expérimenter ces lois, le résultat est toujours le même, c’est donc des lois physiques et non une volonté.
-Justement, le résultat n’est pas toujours le même. Comment peux-tu parler de lois physiques alors que tu vois des objets physiques changer de comportement, des corps célestes se heurter par exemple. Et quand le résultat est le même, c’est tout simplement parce que c’est toujours la même volonté qui n’a pas changé. Mais cette volonté peut changer, Tictoc.

-Elle peut changer ?
-Tictoc, ce que nous avons dit de la rotation de la Terre, n’est qu’un exemple, facile à voir. En fait, cette volonté est partout, dans l’atome, dans la cellule… Il n’est nulle chose, nul évènement où elle ne soit présente, rien ne peut bouger sans cette volonté. Oui, elle peut changer et provoquer par exemple la fin du monde.

-La fin du monde ?
-Mais oui, Tictoc. Comment crois-tu dont que surviendra la fin du monde ? Eh bien, c’est simple, Tictoc, il suffirait que ces lois physiques cessent de s’exercer, qu’elles s’annihilent, ou changent radicalement. Les atomes se désintégreraient aussitôt, le soleil exploserait ou imploserait, tout se pulvériserait, s’effacerait. Tu vois bien, Tictoc, que ces lois dites physiques ne sont rien d’autre qu’une volonté qui peut s’exercer dans un sens ou dans un autre ou ne pas s’exercer du tout. C’est bien là qu’est Dieu, Tictoc, il est cette volonté. Mais où croyais-tu donc qu’il se trouvait ? Il est là, il est cette volonté même, il est donc en toute chose et à l’origine de toute chose, donc infiniment intelligent, et invisible, car ce que tu peux voir ce sont les effets de cette volonté, jamais cette volonté elle-même. »

[Tatonga]

La saga.

« Tatonga, les lois sont donc l’expression de la volonté de Dieu, et Dieu n’est autre que cette volonté même ?
-C’est bien ça, Tictoc. Si tu préfères, on peut dire que Dieu a créé les lois qui régissent toutes choses, les plus petites et les plus grandes et s’est éclipsé, ce qui revient au même.

-Mais ça, ce n’est pas un Dieu, Tatonga. Il ne s’intéresse pas au sort des hommes ; malgré ce qui se passe dans le monde, il n’a jamais bougé le petit doigt pour y mettre un peu d’ordre.
-Tictoc, Dieu n’a pas créé des marionnettes pour les animer, les diriger et les protéger en tirant sur des ficelles, c’est absurde, ridicule, infantile. Dieu a créé l’homme libre, libre à ses risques et périls, un homme exposé aux malheurs mais qui peut aussi trouver le bonheur.

-Et c’est quoi le but ultime, c’est pour faire vivre l’homme dans un paradis ?
-Ridicule, Tictoc, infantile ! Dieu n’a pas créé des enfants pour gaver de bonbons les plus méritants. Tu as de ces idées, Tictoc !

-Alors c’est quoi le but ?
-N’oublie pas, Tictoc, que Dieu a aussi créé la vie. Le but est de faire perdurer la vie avec l’homme comme acteur principal.

-Mais les hommes meurent, Tatonga.
-Non, Tictoc, ils passent d’un monde à un autre où doit se poursuivre la vie, dans un cadre différent. Qu’est-ce que la vie, Tictoc, si ce n’est une saga qui ne doit jamais s’arrêter ? Voilà le but, Tictoc, la vie perpétuelle avec l’homme comme acteur, et je te défie de trouver un autre but aussi valable. Même Dieu n’a pas pu et ne peut pas trouver mieux.

- Tatonga, je vais donc passer d’un monde à un autre, éternellement.
-Mais oui, Tictoc. Tu auras à apprendre d’autres tables de multiplication, d’autres conjugaisons, des plus-que-parfaits du subjonctif bizarres, tu auras plein d’emmerdes, des soucis, des tracas et tu connaitras aussi des moments de bonheur. Tu pourrais être roi, ce que je ne te souhaite pas, tu pourrais être un gueux ou femme en Afghanistan, et tu pourrais aussi, avec un peu de chance, avoir une vie paisible, mais ça ne dure jamais longtemps.

-Ah merde, Tatonga, je veux démissionner…
-Impossible ! Ici, on ne démissionne pas, Tictoc. Tu voulais vivre, eh bien voilà, le bon Dieu t’offre la vie éternelle, il t’offre tout le pack avec ce qu’il y a dedans de bon et de mauvais, ha ha ha ! »

[Tatonga]

Fausse équerre.

« Tatonga, que se passe-t-il sur la Terre ?
-C’est impossible à décrire, Tictoc, tu n’as qu’à écouter, toi-même.
-Je n’entends rien, Tatonga.
-Tiens, allonge-toi ici, colle ton oreille au sol et écoute.

-Mon Dieu, Tatonga, j’entends des cris de terreur, des appels au secours, des gens qui fuient, des femmes qui pleurent, des explosions, le rugissement des flots, le mugissement des vents, le vrombissement des incendies.
-Eh bien voilà.

-Et j’entends la même chose, mais c’est plus étouffé, c’est à l’arrière-plan, c’est quoi, Tatonga ?
-Tu viens de le dire, Tictoc, c’est effectivement la même chose, mais ça se passe dans le monde des grandes bêtes et des petites bestioles qui habitent les forêts.

-Mon Dieu, je veux vite changer de monde, Tatonga, tu as dit qu’il y en avait d’autres.
-Peut-être, Tictoc, peut-être…
-Comment ça peut-être, tu as dit qu’il y en avait d’autres…
-C’est les religions qui disent qu’il y en a un ou plusieurs, Tictoc, mais tu sais, les religions, ce n’est que ce que croient et racontent les gens. Depuis que le monde est monde, l’homme essaye d’expliquer le monde avec ses connaissances du moment, ses préjugés, ses aprioris, etc. A chaque époque, son explication, ses hypothèses. Ce n’est que ça, Tictoc, des tentatives d’explication, des hypothèses pour calmer des angoisses, et Dieu n’est qu’un être fictif de ces fictions, il ne faut pas croire que tout cela est vrai.

-Ce que tu viens de dire complique encore les choses, Tatonga, mais de tous ces mondes, en supposant qu’ils existent, lequel est réel ?
-Aucune chose n’est réelle, Tictoc. A chaque esprit, sa vision des choses, mais aucune n’est la réelle réalité. Cette chose que tu vois là-bas, Tictoc, n’est pas comme tu la vois.

-Mais si, Tatonga. Si je prends ses mensurations, si je mesure sa longueur, ses angles, ses courbes… ça confirme qu’elle est bien ce que je vois.
-Mais qui mesure, Tictoc ? C’est toujours ton esprit qui mesure et c’est normal que ce qu’il mesure confirme ce qu’il voit. Un autre esprit que l’esprit humain verrait tout autre chose.

-Je ne comprends pas, Tatonga.
-C’est simple, Tictoc, chaque esprit est une fausse équerre et voit le monde tordu comme elle est elle-même tordue.

-Et la bonne équerre qui voit la réelle réalité, elle est où ?
-Il n’y en a pas, Tictoc. Il n’y a ni bonne équerre ni réelle réalité. Il y a une vision pour chaque esprit, c’est tout. A chaque esprit, sa vision. Tout monde est la vue d’un esprit, il n’y a pas de réalité indépendante de tout esprit. Une vérité vraie et une réalité réelle qui seraient posées quelque part, ça n’existe pas, ce sont des chimères, Tictoc, des inventions de ton esprit.

-Je commence à comprendre, Tatonga. Donc si je change de monde…
-Dans cette hypothèse… fort hypothétique, il faudra un autre esprit que le tien d’humain, Tictoc. Un autre esprit pour voir un autre monde. Il n’est même pas nécessaire de se déplacer vers un autre monde, il suffit d’un autre esprit pour voir en ce même monde un autre monde.

-Je vais donc changer d’esprit.
-Ce n’est pas ce que je dis, Tictoc, je dis qu’il faut un autre esprit. Toi, tu es ton esprit, tu ne peux pas en changer, voyons ! »

[Tatonga]

Du mythe à la réalité.

« Tatonga, tu dis souvent que les religions sont des contes, des légendes…
-Oui.

-Comment expliques-tu alors le succès de ces contes auprès de toutes les générations qui se sont succédé.
-C’est simple, Tictoc, les religions traitent de questions qui tiennent à cœur à tous les hommes. Quelle que soit son époque, l’homme veut comprendre, avoir réponse aux questions qu’il se pose, savoir d’où il vient et ce qu’il va devenir.

-Mais comment sont nées ces religions, Tatonga ?
-Certainement pas d’un seul coup, Tictoc, mais petit à petit, au fil du temps. Le temps s’écoulant, des clans  ont compris tout l’ascendant qu’ils pouvaient avoir sur les autres clans ou tribus en créant une religion. Ils s’attribuent ainsi un statut supérieur qui leur confère un immense pouvoir moral, des droits particuliers, du prestige et le pouvoir politique avec ses privilèges moraux et matériels. C’est cette soif du pouvoir qui explique la pluralité des religions, les guerres qu’elles se livrent et les schismes à l’intérieur de chaque religion. Et ça dure toujours, Tictoc, on revendique encore aujourd’hui le trône en se prévalant d’une très ancienne ascendance religieuse.

-Et ces contes tiennent toujours ?
-Ils sont constamment nourris par un nombreux personnel qui a vite compris le prestige et les privilèges qu’il peut en tirer. Ce personnel innove au fil des siècles, il déploie des trésors d’imagination pour ravaler et rénover ces contes afin de les maintenir toujours vivaces. Il innove tout au long des siècles, mais le procédé est essentiellement toujours le même : la botte de foin et le bâton.

-Les promoteurs des religions ont inventé des rites et des rituels, Tatonga…
-Je sais, Tictoc. C’est pour créer une addiction afin de maintenir sous emprise les adeptes déjà acquis et en conquérir d’autres.

-Les religions, ce n’est donc que ça ?
-Oui, Tictoc, mais avec le temps, elles ont pris une autre dimension. Les hommes s’y sont tellement attachés, tellement habitués, en si grand nombre et depuis si longtemps, que ces religions ont gagné en consistance et en profondeur, ont pris du galon pour devenir quasiment une vérité. Elles occupent une place importante dans la vie des hommes. L’homme en a fait son patrimoine spirituel, les a adoptées comme partie de lui-même, de sa culture, de son être. C’est un choix de vie, Tictoc, et à ce titre, il doit être respecté. C’est sacré. »

[Tatonga]

Résidents permanents.

« Tatonga, si tu réduis les religions à de simples légendes, où trouver alors réponse à nos questionnements ?
-Tu ne trouveras pas de réponses, Tictoc. Il n’est même pas certain que les questions que tu te poses soient pertinentes. Au fond, elles n’ont peut-être même pas de sens.

-Comment ça, pas de sens ?
-Parce que je suis certain que notre pensée n’est que notre pensée, mais pas La Pensée. Chaque espèce a sa pensée, mais il n’y a nulle part une pensée qui serait La Pensée avec un grand P. Bah, c’est un peu comme les oiseaux. Suppose qu’ils s’interrogent sur nos matches de foot. Tu imagines les questions qu’ils se poseraient et les réponses qu’ils trouveraient !

-Mais toi, Tatonga, qu’as-tu compris ?
-Pour moi, il y a l’univers que personne n’a créé. Il est là, c’est ce qui existe, tout simplement. En langue arabe, il est appelé El-kaoune, littéralement ce qui existe.

-D’accord, mais dans l’univers, il y a nous, et c’est ça qui intrigue.
-Pour moi, c’est très simple, Tictoc. Il y a l’univers, comme je viens de le dire, que tu peux appeler nature ou matière, comme tu as pris l’habitude de l’appeler. Dans cet univers, il y a toutes sortes de choses, y compris  des esprits.

-Des esprits ?
-Oui, toi et moi. Des esprits dont nous disons qu’ils sont vie, conscience, pensée. Toi et moi, et il faut ajouter tous les êtres vivants quel que soit leur niveau de conscience. Il y a des esprits dans l’univers, comme il y a des tomates, point barre.

-Mais d’où viennent-ils, ces esprits ?
-Ils ont probablement toujours fait partie de l’univers. Ou peut-être sont-ils nés un peu plus tard de la matière. Je ne sais pas. Ce qui me semble évident, c’est qu’ils sont très différents du reste. Ils sont invulnérables, indestructibles et passent leur temps à se nicher dans la matière, à s’incarner si tu veux. Mais différents, tu sais, tout est différent de tout dans l’univers.

-Ils ne peuvent pas venir de la matière, Tatonga. S’ils viennent de la matière, ils sont forcément matière et donc périssables.
-Philosophie de quat-sous ! Ce sont nos mots qui sont maladroits, imparfaits, Tictoc. Nous disons matière  et nous l’opposons à esprit, mais ce mot matière ne nous apprend rien, en fait. Au contraire, il crée en nous des préjugés : nous disons que la matière est comme-ci et comme ça, alors qu’au fond, on n’en sait rien et on n’en saura jamais rien. Nous distinguons vie, conscience, pensée, mais ne sont-elles pas une seule et même chose ? Nous disons qu’une chose est le contraire ou l’opposé d’une autre chose, mais je doute fort que la réalité, si réalité il y a, soit faite de similitudes et de contraires. Des mots, Tictoc, rien que des mots qui ne signifient pas grand-chose. La réalité est certainement beaucoup plus complexe et plus subtile que nos mots, en supposant qu’il y ait une Réalité en dehors de celle que notre esprit se confectionne.

-Pas de Pensée avec un grand P et maintenant pas de Réalité avec un grand R. Bon, ça va comme ça, Tatonga. Tu penses donc que dans l’univers il y a toutes sortes de choses, y compris des esprits invulnérables et indestructibles qui habitent la nature.
-Parfaitement, Tictoc, et il n’y a là rien d’extraordinaire ou d’étonnant. C’est au contraire ce qui est périssable qui devrait t’étonner. Oui, Tictoc, ce qui devrait t’étonner, c’est qu’une chose soit puis ne soit plus.

-C’est donc nous qui sommes le dieu éternel…
-Si tu tiens absolument à garder ce mot dieu qui appartient aux religions, tu peux dire que ce sont les créatures vivantes – ces êtres qui sont à la fois vie, conscience et pensée – qui sont dieu, un dieu non pas créateur de l’univers, mais habitant éternellement l’univers et changeant souvent de logis, je veux dire de corps. »

[Tatonga]

Il s’en fout.

« Tatonga, est-ce que la science finira un jour par tout expliquer ?
-Qu’elle explique ou non, l’univers s’en fout, Tictoc. Il n’en continuera pas moins de suivre son petit bonhomme de chemin.

-Il suit un chemin ?
-Il suit son chemin, Tictoc, mais sans jamais s’en aller. Un chemin sans fin et sans fins.

-Il parait qu’il y a une grande précision mathématique dans l’univers, Tatonga.
-L’univers ignore la précision et les mathématiques, tout cela est juste dans ta tête, Tictoc. Les choses sont comme elles sont, c’est tout. L’univers s’en fout de tes mathématiques.

-Mon corps est quand même bien organisé, Tatonga.
-Pour l’univers, rien n’est bien ou mal organisé, Tictoc. Bien et mal organisé c’est juste dans ta tête, l’univers suit son chemin et s’en fout.

-Il y a du sensé dans le monde, Tatonga.
-L’univers ignore le sensé et l’absurde, Tictoc, les causes et les fins. Tu peux te demander pourquoi il y a quelque chose plutôt que rien, l’univers ne te dira jamais rien, car il n’en sait rien. Tu peux t’effrayer de l’éternel silence des espaces infinis, l’univers ne te dira jamais un mot, il suit son chemin, il s’en fout.

Tu peux admirer les étoiles, écrire des poèmes, chanter au clair de la lune, aimer et détester, être heureux ou malheureux à fendre les cœurs et les pierres, rire ou pleurer, geler ou griller, vivre ou mourir, l’univers s’en fout, Tictoc.

Tu peux te laisser pousser des ailes ou créer des êtres vivants, des hommes et des cochons, même plus performants, l’univers s’en fout, Tictoc, il n’en continuera pas moins de suivre son petit bonhomme de chemin.

Tu peux être bon ou mauvais, tu peux sauver ou détruire l’humanité, l’univers s’en fout, Tictoc. Il ne fait aucune différence entre le mal et le bien, il suit son chemin sans jamais s’arrêter.

Tu peux inventer des religions, des prières, des prophètes et des messagers, des rites et des rituels,  tu peux inventer un dieu ou des dieux ou dire que l’univers est dieu, tout cela n’est que dans ta tête, l’univers s’en fout, Tictoc.

-L’univers n’a donc pas de tête ?
-Non, Tictoc, l’univers n’a pas de tête et pas de cœur. L’univers n’est pas un homme, Tictoc, pour avoir une tête. »

[Brahim]

[Tatonga]

Dieu est à la fois difficile à trouver et difficile à ignorer. Il dépend du regard de celui qui regarde ; c'est dans ce regard et seulement dans ce regard qu'il se trouve ou ne se trouve pas.

[Tatonga]

Matière spirituelle ou esprit matériel.

« Tatonga, est-ce qu’il y a de l’intelligence dans l’univers ?
-Il n’y a que de l’intelligence, Tictoc, partout de l’intelligence, partout.

-Comment le sais-tu ?
-Je le vois, Tictoc, je vois que l’herbe pousse, les arbres fleurissent, les oiseaux volent et pondent des œufs, les hommes mangent, marchent, parlent, pensent et même déconnent.

-Bah non, Tatonga, tout ça a été expliqué par les sciences. Il y a un environnement, des éléments et des facteurs qui interagissent, des conditions propices, etc… enfin, tu comprends, je ne vais pas entrer dans les détails. Tout cela a fait qu’il y a ce qu’il y a et a été expliqué par les sciences.
-Expliqué, mon œil ! Et c’est quoi l’intelligence, si ce n’est justement tenir compte des éléments, des facteurs, des conditions, etc. et les combiner de manière à obtenir quelque chose qui fonctionne, qui marche ? Or, toi, tu marches bien ou alors j’ai la berlue.

-D’accord, Tatonga, mais ce n’est pas la même intelligence que la nôtre.
-Heureusement que ce n’est pas la même intelligence que la tienne, Tictoc, parce qu’avec la noix desséchée qui te sert de cerveau, tu n’aurais même pas été fichu de seulement imaginer ce que cette intelligence a réalisé.

-Tatonga, cette intelligence n’a pas d’intention.
-Pas de doute, Tictoc, tu as été sauvagement endoctriné par des pseudo-savants et par les matérialistes. Comment fais-tu donc pour savoir s’il y a intention ou non, tu consultes ta boule de cristal ? Comment oses-tu dire qu’il n’y a pas intention quand le résultat est là, quand c’est réussi, quand tu es toi-même une grande réussite technologique, toi, la plante qui pousse et l’aigle planant au-dessus de ta tête ? Veux-tu me faire croire que tout est accidentel ou œuvre d’un hasard qui adore faire des farces ?

-Si c’est ainsi, Tatonga, cette intelligence est dieu, et les religions disent vrai.
-Les religions ont-elles vraiment désigné un dieu, Tictoc ? As-tu bien lu tes Livres ? Ce qu’elles appellent dieu n’est autre que l’univers ou, si tu préfères, la nature. Relis tes Livres en remplaçant le mot dieu par univers et tu comprendras. C’est lui, l’univers, qui est effectivement créateur de la Terre, des cieux et des hommes, des hommes qui sont bien ses enfants. C’est lui le créateur intelligent et il est tout à fait capable de te ressusciter et de te conduire au paradis ou de te jeter en enfer, mécréant.

-Ce que disent les religions est donc vrai ?
-Pas tout, mais l’essentiel, car les religions viennent des hommes et les hommes se trompent, mais se tromper ne veut pas dire que tout est faux. Et puis, il fallait que ces religions soient comprises par les hommes de l’époque. Elles ne pouvaient pas leur dire que la nature crée la nature, elles n’auraient pas été comprises et elles avaient alors usé de la métaphore dieu.

-Mais, Tatonga, si la nature est dieu, alors dieu est périssable.
-Quand vas-tu arrêter de dire des âneries, Tictoc ! Où as-tu appris ça ? Tu ne sais rien de la nature, tu ne sais pas grand-chose de la matière, tu ne sais rien de l’esprit, tu n’es même pas sûr que matière et esprit soient deux choses distinctes, tu ne sais pas ce que veut dire périssable, ni même s’il y a du périssable et du non périssable, et tu viens me dire sur un ton docte que… la-nature-est-périssable.

-Mais ce dieu est indifférent…
-Il n’est pas indifférent, il est intelligent et sérieux, Tictoc, il n’est pas là pour jouer à la poupée. Il t’a créé libre à tes risques et périls, il n’a pas créé une marionnette pour l’animer en tirant sur des ficelles et pour se porter à son secours chaque fois qu’elle est menacée. Tu as été créé libre, et donc responsable, et le jour viendra où tu devras rendre compte. »

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