Re: Pérégrinations 3.

[Tatonga]

Le fleuve.

« Tatonga, à t’écouter parler, on croirait que tu as tout compris…
-Il n’y a rien à comprendre, Tictoc, rien, le fleuve nous raconte tout.
-Quel fleuve ?
-Le monde, Tictoc, le monde est un fleuve, il ne cache rien, il dit tout.

-Et moi, je ne comprends pas ?
-Tu ne comprends pas parce que tu n’écoutes pas le fleuve, tu t’écoutes parler, tu te regardes, tu t’interroges, tu te focalises sur toi-même et sur tes questionnements. Tu ris si les choses se passent comme tu voudrais, tu t’étonnes et tu pleures si elles contrarient tes attentes, tu crois que le fleuve est là pour toi. Et, bien évidemment, tu ne comprends rien au fleuve, il t’intrigue.

-Et que dit le fleuve, Tatonga ?
-Le fleuve est un fleuve, Tictoc, il est là pour couler, il coule toujours sans jamais cesser de couler, il a toujours coulé et ne s’arrêtera jamais. Il charrie des boues, des nutriments, des composts, des poisons aussi, il fait briller des étoiles, en éteint d’autres, élève des collines, creuse des ravins. Sur son chemin, toute chose peut pousser ou ne pas pousser. Il coule, Tictoc, sans jamais s’interroger, sans jamais se retourner, sans se soucier de rien.

-Et moi, je suis l’une de ces choses ?
-Oui, Tictoc, et peu lui importe que ce soit toi, un rocher, un arbre, un dinosaure, il vous fait pousser puis vous abandonne et vous dépasse pour continuer de couler.

-Est-ce qu’il sait ?
-Non, Tictoc, il ne te connait pas, il fait tout pousser et ça lui suffit, peu lui importe qui et quoi pousse ou ne pousse pas, c’est un fleuve, Tictoc, il doit couler, il coule, c’est tout. »

-Et moi, je deviens quoi ?
-Ce que tu deviens ? Ah voilà encore tes questions, Tictoc ! Ce sont tes questions et c’est ton problème, cela ne concerne pas le fleuve. Ce que tu deviens, mais que veux-tu devenir donc ? Ne sais-tu pas que c’est déjà fait, que tu es déjà devenu ce que tu es ?

-Je sais, Tatonga, mais je veux savoir ce que je deviendrai après.
-Ce que tu deviendras après ? Après quoi, après toi ? Mais après toi, c’est après toi, Tictoc. »

[Tatonga]

L’erreur.

« Tatonga, c’est quoi dieu ?
-Tictoc, tout le monde se trompe.
-Tout le monde se trompe ?
-Oui, Tictoc, on se trompe dans les temples, on se trompe quand on s’interroge, on se trompe dans les discussions, on se trompe quand on veut prouver son existence ou sa non-existence. Dieu n’est pas une personne, ni la cause première, ni une puissance, ni un pouvoir, ni un horloger.

-Ah bon ?
-Oui, Tictoc. Que le monde soit, par exemple, bien ou mal organisé au regard des normes du physicien et du chimiste, ne prouve en rien qu’il y a ou non un dieu. Cela peut même se faire tout seul sans l’intervention d’un horloger. Et puis, Tictoc, franchement, en supposant même qu’un horloger y ait mis la main, quelle importance cela aurait-il, la question dieu resterait toujours posée.

-Même si on sait que le monde est l’œuvre d’un horloger, la question dieu ne serait pas réglée ?
-C’est bien cela, Tictoc, que ce soit une personne, la cause première ou un horloger, on s’en fout, ce n’est pas nécessairement un dieu. Et c’est là l’erreur de tout le monde, Tictoc, surtout des dialecticiens et autres raisonneurs qui se targuent de prouver. Ils me font rire, Tictoc.

-Je ne vois pas bien l’erreur qui te fait rire, Tatonga.
-Tictoc, tu peux porter un chapeau, mais tout homme portant un chapeau n’est pas forcément Tictoc. De même, la Cause première ou la personne ou l’horloger peut être ou ne pas être dieu. La preuve de la Cause première n’est donc pas preuve de dieu.

-Et c’est quoi alors dieu ?
-Je te l’avais dit maintes fois, Tictoc, mais tu oublies vite. Il faut aller au fond des choses pour comprendre ce qu’est dieu, tout au fond pour comprendre la question que se posent les hommes. Dieu existe signifie que le monde a un sens, c’est-à-dire que les hommes comptent et y ont une place, un rôle et un devenir ; dieu n’existe pas signifie que le monde n’a aucun sens et les hommes aucune importance. Voilà le fond de la question, tout le reste n’est que diversion, bavardage et bavage d’escargots.

-Je comprends, Tatonga, il peut y avoir une cause première, un horloger, etc., mais pas de dieu, dieu est sens, et est-ce que le monde a un sens, Tatonga ?
-Pour savoir si le monde a un sens, il faut savoir s’il y a un dieu, et pour savoir s’il y a un dieu, il faut savoir si le monde a un sens, Tictoc.

-Tu te moques de moi, Tatonga.
-Non. Mais dieu et le sens étant la même chose, une seule et même chose, tu ne peux les percevoir séparément et tu ne peux donc déduire l’un de l’autre, comme tu ne peux rien déduire de la cause et de l’horloger. Dieu ne se déduit pas, il peut se voir ou ne pas se voir, c’est tout. Est-ce que tu le vois ?

-Je vais essayer de le voir, Tatonga.
-Il y a un autre problème, Tictoc, tu pourrais le voir sans le reconnaitre et tu pourrais aussi croire le reconnaitre sans pour autant le voir. Comme tu vois, Tictoc, je ne sais pas si quelqu’un se moque ou non de toi, je ne sais pas si c'est toi ou un autre, mais ce n’est certainement pas moi. »

[Tatonga]

L’esclave.

« Tatonga, c’est où ton pays ?
-Qu’est-ce que ça peut te faire, Tictoc, ça ne te regarde pas.
-C’est juste pour savoir si tu as été esclave.
-Plusieurs fois, Tictoc, plusieurs fois, quatre, cinq ou six, esclave de beaucoup de gens, esclave des Ottomans…

-Les Ottomans, c’est qui ça ?
-Les Turcs, Tictoc, les Turcs. Il ne faut jamais prononcer ce nom sans faire une prière avant pour conjurer le mauvais sort et une autre après pour éloigner le diable. Pendant plus de trois siècles, Ils s’étaient incrustés dans ce pays, trois siècles maudits. Pendant trois siècles, réduits à l’état de bêtes, nous avions erré sur nos terres, en haillons, le ventre creux, couverts de poux, les yeux hagards, tels des chiens galeux, les enfants allaient nu-pieds dans la neige, dans la boue, affamés et grelottant de froid, tous étaient des Gavroche et des Cosette. Il n’y avait pas encore les poubelles, Tictoc, c’est dans les buissons, en fouillant la terre, en mâchant des herbes, qu’ils cherchaient leur pitance.

-Et les Turcs, ils faisaient quoi ?
-Ils attendaient que nous grattions la terre avec nos araires et élevions quelques bêtes, puis ils passaient prendre leur part pour la partager entre eux, entre caïds, aghas, bachaghas, beys, deys, après avoir expédié ce qui revenait au sultan demeuré là-bas en Turquie. Si par malchance nous n’avions rien à donner, ils nous basculaient dans le vide du haut d’une falaise, enfermés dans un sac avec des chats qui nous griffaient pour s’accrocher.

-Et ils ne faisaient rien ?
-Rien, Tictoc, à part se prélasser dans leurs harems. Pendant plus de trois siècles, pas une route, pas une salle de soins, pas une école, pas une seule, rien, Tictoc, rien. Nous avions vécu hors du temps, à l’écart de l’évolution de monde. Ils n’étaient là que pour rançonner et racketter.

-C’est des esclavagistes ?
-Pire, Tictoc, pire. Tu sais, Tictoc, l’esclavagiste assumait ses responsabilités, il se préoccupait de son esclave, il le soignait, le protégeait et le nourrissait pour ne pas le perdre, mais les Turcs, Tictoc, ils prenaient leur part et tournaient le dos pour se retrancher dans leurs palais, peu leur importait que tu crèves de maladies et de faim. Des dizaines de générations ont trainé leur misère sur la face de cette terre, plus malheureux que des limaces.

-Ton peuple a beaucoup souffert, Tatonga.
-Tous les peuples ont souffert, Tictoc, tous, mais il ne faut jamais oublier l’occupation Ottomane. Les Ottomans se réclamaient du même dieu, ce qui les légitimait aux yeux d’un peuple sans instruction, et ils en avaient abusé pour ravaler ce peuple à la condition animale.

-Comment sais-tu tout cela, Tatonga, c’est dans tes livres d’histoire ?
-Non, Tictoc. L’histoire est confisquée, c’est les maitres du moment qui l’écrivent pour se légitimer en tant que pouvoir. Ils n’en ont cure de cette époque lointaine qu’ils n’ont pas vécu. Ils préfèrent l’oublier et blanchir les Ottomans pour faire croire que le monde n’a commencé à exister que bien après, que le monde n’est là que depuis qu’ils y sont, eux, qu’ils en sont les héros, qu’il est leur propriété et qu’il leur donnait tous les droits.

-Je comprends, mais malgré tout, ça va quand même mieux aujourd’hui…
-Oui, les Ottomans sont bien partis, mais que de misère et de larmes, Tictoc, des siècles et des siècles, et le joug est toujours là. La muselière, Tictoc, est le pire des jougs, il n’y a pas pires chaines, Tictoc, que la muselière. Danton se trompait quand il disait que l'éducation était le premier besoin d'un peuple après le pain, il se trompait. Le premier besoin d’un peuple, bien avant le pain, c’est la parole, Tictoc. La parole c’est toi, la parole c’est ton âme, sans la parole, tu n’es rien, tu n’as rien, ni honneur ni dignité, tu es mort, tu n’es plus qu’une bête qui broute. »

[Tatonga]

Iran

« Tatonga, que se passe-t-il en Iran ?
-Ce qui se passe en Iran se passe aussi ailleurs, Tictoc. Les femmes sortent dans la rue, imitées par des écolières, se révoltent, mettent le feu à leurs voiles, pendant que les hommes piétinent le portrait du tyran. Je crois que l’humanité commence à sortir d’un long coma, lentement, mais commence à en sortir.

-Un coma ?
-Oui, Tictoc, et je ne comprends pas, je ne comprends pas qu’après deux ou trois centaines de milliers d’années d’évolution, l’humanité en soit encore là. Comment expliquer que des hommes et des femmes aient pu croire un instant des mabouls, des fêlés de la tête, qui viennent leur dire qu’ils savent ce qu’il veut Dieu et que Dieu exige que la femme se couvre les cheveux ?

-Effectivement, Tatonga, c’est à mourir de rire.
-Je peux te dire, Tictoc, sans fausse modestie, que je ne suis pas plus intelligent qu’un autre, pas même moyennement intelligent, mais jamais, même au berceau, je n’aurais cru de telles balivernes. Je comprends, Tictoc, que les hommes aient besoin de religion, de prier, de jeûner et d’accomplir les bonnes œuvres, et c’est ce qu’a toujours été la religion, la bonne, mais de là, que des adultes prêtent l’oreille à des charlatans qui ne duperaient même pas un enfant attardé, c’est à n’y rien comprendre.

-C’est des charlatans ?
-Tu ne manques pas de perspicacité, Tictoc, alors je te pose la question : qui peut prétendre savoir, à part le diable ? Seul le diable en est capable, Tictoc, justement pour te tromper et te détourner de Dieu.

-Et que se passe-t-il en Iran ?
-C’est une très longue histoire qui a commencé il y a longtemps, pas seulement en Iran, mais un peu partout dans le monde. Un… un… une merde, voilà, c’est le mot, s’amène entourée d’une bande de truands, prend le pouvoir par la ruse ou la force et, au lieu de gérer les affaires communes, construire des écoles, des routes, des hôpitaux, créer de l’emploi, s’arme d’un fouet pour imposer à son monde ses croyances et ses lubies. Pourquoi tout le monde devrait-il penser comme cette merde, je ne sais pas.

-Moi non plus je ne comprends pas, Tatonga.
-C’est un gang, Tictoc, il n’y a pas d’autres mots, un gang avec à sa tête une crapule qui, non contente de soumettre tout le monde à ses croyances, envoie des bandes de voyous, de truands arpenter les rues pour interpeller les femmes sur leur façon de s’habiller. En principe, on devrait l’enfermer en urgence dans un asile psychiatrique.

-Tout à fait d’accord, mais qui va l’enfermer, Tatonga ?
-Le problème, Tictoc, c’est que non seulement il n’est pas enfermé, mais reçu partout comme une auguste personnalité, un honorable chef d’Etat. C’est à peine si on lui dit du bout des lèvres et de loin qu’il ne devrait pas agir ainsi, ce qui ne l’empêche nullement de continuer à embastiller, à torturer, à tuer. La moindre des choses, Tictoc, serait de le mettre en quarantaine, lui et ses acolytes, en attendant de les pendre haut et court. Cela suffirait largement pour faire disparaitre à jamais cette engeance. Mais non, ils sont plus que tolérés. Alors peut-on dire que l’homme a évolué depuis Cro-Magnon ? Certainement pas, Tictoc, absolument pas.

-Tu crois que ça suffirait ?
-Oui et ce n’est pas compliqué, Tictoc. Il suffirait de les mettre vraiment en quarantaine, de les mettre au ban de l’humanité. La vérité, Tictoc, c’est qu’on sait fabriquer des fromages et des missiles, mais pour une véritable conscience commune, un consensus sur les valeurs et les principes les plus fondamentaux, il faudra revenir, on n’y est pas du tout, chacun tire à hue et à dia, et c’est ce qui laisse le champ libre à toute une faune de tyrans, de despotes et de brigands. »

[Tatonga]

Une fillette.

« Tatonga, c’est vrai qu’il y a un dieu, n’est-ce pas ?
-Tu sais, Tictoc, hier, j’ai vu une jeune femme qui marchait dans la rue.
-Oui ?
-Elle tenait par la main une fillette de quatre ou cinq ans.

- Mais de qui parles-tu ?
-Un poème de joliesse, cette fillette, Tictoc.
-Mais, Tatonga…
-Dieu, oui, il y en a un. Elle marchait difficilement, Tictoc, elle claudiquait.

- Tatonga, je…
-Elle portait un pantalon, mais j’ai pu voir.
-Tu as vu quoi, Tatonga ?
-Elles avait les jambes toutes roses comme les poupées.

-C’est normal pour une fillette, Tatonga !
-Elle avait les jambes en celluloïd, Tictoc, sûrement des genoux jusqu’aux pieds.

-Mais c’est… c’est horrible, Tatonga.
-Alors, pour une fois, c’est à toi de me répondre, Tictoc. Qui est ce dieu, qu’est-ce qu’il est, que pense-t-il, que ressent-il, de quoi s’occupe-t-il, est-il là et pour quoi faire, que veut-il et que va-t-il faire ? Va, Tictoc, va, interroge les prêtres, interroge les papes, interroge les imams, interroge les rabbins, interroge les saints, interroge les sages, les mages et les mystiques, interroge les poètes, interroge les philosophes, interroge le ciel, les mers et les déserts, interroge les pierres, les aigles dans les airs et les poissons dans l’eau, va, Tictoc, va, et apporte-moi la réponse. »

[Tatonga]

Les mystiques.

« Tatonga, est-ce que les mystiques se rapprochent de Dieu ?
-Tictoc, si tu veux que je te réponde, il faut éviter la terminologie religieuse. Je ne suis pas contre, mais ce langage ne mène pas loin… ou te mène très loin et partout sans te faire avancer d’un pas.

-Alors de quoi se rapprochent-ils ?
-Pour que tu comprennes de quoi ils se rapprochent, il faut d’abord savoir de quoi est fait l’univers, le sais-tu ?

-Il est fait de galaxies, de planètes, d’eau etc., … il y a des bêtes, des hommes, des arbres, de l’air…
-Quel naïf, tu fais, Tictoc ! Ce que tu cites là, ce n’est que des grains, tu oublies l’essentiel. L’univers est plein, Tictoc, c’est évident, et ce que tu vois, ce n’est que de petits grains qui n’occupent même pas un milliardième de l’univers. Il est plein comme l’océan, sans aucun vide, et tout ce que tu vois et perçois, c’est les petits poissons. Il est fait de courants et de flux qui s’entrelacent pour le tisser comme une étoffe aux mailles serrées.

-Et pourtant, je vois du vide, si ce vide n’est pas vide, il est plein de quoi, Tatonga ?
-L’univers est plein, Tictoc, et les objets que tu vois baignent dans un bain fait de courants et de flux, dont nous ignorons totalement la nature, un réseau très dense de flux, mais que tu ne peux percevoir par aucun de tes sens, imperceptibles à tout appareil d’observation. C’est dans ce bain que tout baigne, que baignent les petits grains que sont les planètes et les galaxies que tu vois.

-C’est la science qui le dit ?
-Je ne sais pas ce que dit la science, Tictoc, mais la science écrit des contes pour enfants en s’intéressant aux petits grains. Ah, mon Dieu, quelle naïveté ! Les planètes tournent et gravitent, mais si tu crois que c’est pour les raisons avancées par Pythagore, Copernic, Newton, Einstein, etc., c’est que tu es une vraie cruche. Si la terre tourne, Tictoc, c’est sûrement parce qu’il y a ces courants et flux dans lesquels elle baigne et dont je te parlais tout à l’heure.

-Tatonga, tu dis que la science et naïve et invente des contes pour enfants, mais alors que dire de toi qui inventes des courants et des flux que personne n’a jamais perçus ?
-Ce n’est pas aussi simple, Tictoc, c’est justement l’idée absurde de vide dans l’univers et la naïveté de la science qui croit que l’univers est fait de grains qui me font entrevoir avec certitude l’existence de ces courants et flux. Celui qui avait dit que tout était vide, Bouddha, je crois, se foutait le doigt dans l’œil ; au contraire, tout est plein. Mais dis-moi, Tictoc, toi, tu es fait de quoi ?

-Moi ? Je ne sais pas, Tatonga, de cellules, de bras, de chromosomes, de neurones pour penser…
-Et tu crois ça ? Pauvre, Tictoc, tu me rappelles ce monsieur qui explique la voiture en parlant de pistons, de poulies, de courroies, de pignons, de leviers, etc. qui convertiraient le mouvement longitudinalement, transversalement et circulairement avant de le transmettre aux roues… et qui ne sait pas que tout vient du carburant et que sans le réservoir de carburant, rien de tout cela ne peut être. Toi aussi, tu fais la même chose, Tictoc, tu crois qu’il suffit d’assembler toutes ces pièces détachées que tu as énumérées, cellules, bras, cerveau, etc. pour faire un Tictoc qui marche, vit, parle, pense et rit. Alors, je vais te dire une chose, Tictoc : aucun Tictoc n’est possible sans ce bain, ces courants et flux. Hors de ce bain, tu ne peux rien être, même pas une vieille chaussure racornie.

-Tatonga, tu ne veux pas que je dise que tout vient de Dieu, et tu ne me dis toujours pas de quoi se rapprochent les mystiques.
-De quoi veux-tu qu’ils se rapprochent, Tictoc ? Ils sont sûrement doués d’une grande sensibilité, une sensibilité innée, ou ont fini par l’acquérir par la méditation et la contemplation, une sensibilité qui leur permet de percevoir un peu, un petit peu, ce bain, c’est-à-dire ces courant et ces flux. Ils sont comme le petit poisson qui prendrait conscience de la température de l’eau océanique.
Contrairement aux mystiques, moi, je ne perçois rien de ce bain, j’ai seulement compris qu’il existe.

-Et ce bain fait de courants et de flux imperceptibles à l’homme et que les mystiques appellent Dieu, est-ce Dieu, Tatonga ?
-Ce bain est le bain, Tictoc, il est l’univers. Ce qu’on peut dire c’est qu’il est capable de tout faire, puisqu’il a fait le monde, puisqu’il s’est fait monde. Mais pour être Dieu, cela ne suffit pas. Peut-être est-il Dieu, peut-être non, on en parlera une autre fois. »

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