Re: Pérégrinations 4.

par Tatonga Mer 1 Mar - 1:04

Tout nous trompe.

-Il n’est donc pas possible de comprendre, Tatonga ?
-Ecoute, Tictoc, tu sais bien, par exemple, que ce que tu perçois des objets, ta table, ton chien, ta maison, n’est pas leur véritable réalité. C’est comme si l’univers, ta vue, tes sens, ton cerveau, s’étaient ligués pour te tromper. Comment et avec quoi pourrais-tu dans ces conditions comprendre ?

-C’est pour se moquer de nous ?
-Non, ce n’est pas pour se moquer de nous. Quel intérêt cela aurait-il ?

-On ne veut pas qu’on comprenne ?
-Mais si. Les sens et le cerveau, c’est fait pour, et tu ne pouvais pas les avoir par hasard, sans raison, surtout pas ça. Il ne faut pas déconner, Tictoc, si on t’a doté de sens reliés à un cerveau, c’est bien pour que tu comprennes et ce n’est certainement pas pour le plaisir de te jouer un mauvais tour.

-Mais qui est ce « on » dont tu parles ?
-On s’en fiche, Tictoc, ça peut être l’univers, un dieu, peu importe, ce n’est pas notre préoccupation du moment. Pour l’instant, contentons-nous de dire « on ».

-Ha ha ha ! je te prends en flagrant délit, Tatonga, tu fais bien appel ici à un pouvoir occulte !
-On a beau faire, Tictoc, on ne peut rien expliquer autrement, surtout ton cerveau, tes sens, ta pensée. Je vais te dire une chose, Tictoc : croire qu’il n’y a pas une grande pensée à l’origine de la pensée générée par ton cerveau serait d’une absurdité absolue.

-Et « on » voudrait donc qu’on comprenne ?
-Sans le moindre doute, Tictoc. Sinon, on ne t’aurait pas doté des moyens nécessaires.
-Mais alors pourquoi ne comprenons-nous pas ?
-Il est tout aussi certain qu’on ne veut pas que tu comprennes la vraie réalité, le fond des choses.

-On n’est peut-être pas suffisamment armés pour ça.
-Non, Tictoc. Pourquoi veux-tu qu’on te dote de moyens insuffisants ? Ce que tu dis n’a pas de sens. Il est évident qu’on a voulu que tu saisisses certaines choses, mais pas tout.

-Peut-être n’avons que l’intelligence pratique ?
-Non, Tictoc, tu sais bien que notre pensée est capable de planer très haut dans les sphères abstraites, mais je t’accorde qu’il lui manque quelque chose. Je ne dirai pas qu’elle est insuffisante, mais bridée.

-Mais pourquoi cette restriction ?
-Je ne sais pas, Tictoc. Peut-être que la découverte de la vérité t’effrayerait, peut-être que tu n’es pas encore prêt pour connaitre la vérité. Je ne sais pas. Ce qui est sûr et certain cependant, c’est qu’on veut que tu comprennes. »

par Brahim Jeu 2 Mar - 14:57

Tatonga a écrit:Tout nous trompe.-Il n’est donc pas possible de comprendre, Tatonga ?
-Ecoute, Tictoc, tu sais bien, par exemple, que ce que tu perçois des objets, ta table, ton chien, ta maison, n’est pas leur véritable réalité. C’est comme si l’univers, ta vue, tes sens, ton cerveau, s’étaient ligués pour te tromper. Comment et avec quoi pourrais-tu dans ces conditions comprendre ?

Tout se passe comme si l'univers est "quelque chose" aux facettes infinies, chaque être vivant ne percevant que quelques unes d'entre elles. Le monde que perçoit un être vivant dépend, de ce que lui renvoient ses organes des sens (ses capteurs externes), de sa capacité à traiter ces informations par son cerveau (son ordinateur central) et de son niveau de conscience.
Un homme, un chat, un oiseau, une fourmi, etc, situés au même endroit, ne perçoivent pas ce lieu de la même manière. Certains perçoivent des choses que les autres ne voient pas et vice versa. Chaque être vivant ne perçoit de ce monde que ce dont il a besoin pour vivre une vie spécifique conforme à son espèce. Ainsi, nous n'avons aucune idée de ce qu'est l'univers dans sa globalité.

L'être humain a cependant un petit avantage sur les autres êtres vivants de la Terre, car il a la capacité d'améliorer ses organes des sens et son pouvoir d'une façon très significative. L'être humain a été capable de créer des instruments qui lui permettent d'être des milliers de fois plus performant que ce que son corps physique et son cerveau, réduits à leur plus simple expression, ne pouvaient faire. Il a pu ainsi porter des charges beaucoup plus lourdes, voir des millions de fois plus loin, microscopiquement et macroscopiquement, calculer plus vite que son cerveau, se déplacer des milliers de fois plus vite que ne lui permettent ses jambes, aller dans des endroits normalement invivables pour lui (fonds des mers, espace), fabriquer des pièces de rechange pour son propre corps (prothèses de toutes sortes), etc.
Grâces à ces avancées, l'être humain est capable de comprendre un peu mieux le monde. Cette avancée reste encore minime, mais elle semble être sans limite ...

par Tatonga Sam 4 Mar - 0:03

Profanation.

« Tatonga, la vie est ce qu’il y a de plus précieux, n’est-ce pas ?
-Pour toi, oui. Sans la vie, tu n’as rien… et tu n’es rien.

-Ça veut dire quoi je ne suis rien ?
-Ça ne s’explique pas, Tictoc. Être rien n’est pas un état, on ne peut pas mettre des mots dessus. C’est un non-état, et, comment disait je ne sais plus quel grand sage d’orient, il ne faut rien dire de ce qui n’est pas.

-Mais pourquoi dis-tu qu’elle est précieuse pour moi ? Pour moi seulement ?
-Il faut voir, Tictoc, toutes ces hécatombes qui déciment les hommes, il faut voir combien ils sont nombreux les hommes à tomber comme des mouches, pour un rien, pour un oui ou pour un non, parce qu’il a venté ou parce qu’il a plu, combien ils sont nombreux à se voir éliminés pour très peu et si facilement, comme s’ils ne valaient rien, combien nombreux à se voir écrasés tels les grains dans les moulins des meuniers. Une collision, un naufrage, un crash, une guerre, une calamité, et ils sont emportés par centaines, par milliers, par millions. Au cours des deux premiers mois seulement de cette année, vingt-deux catastrophes naturelles dangereuses ont été recensées par le GDACS. Peut-on dire alors que la vie est précieuse, précieuse pour qui ? Et comment alors parler de Dieu ?

-Mais qu’est-ce que Dieu a à voir ici ?
-Sans l’homme, qu’est Dieu, Tictoc, et n’est-ce pas Dieu qui a gonflé l’homme de Son propre souffle, et l’homme n’est-il pas la plus grande réalisation de Dieu ? Quand l’homme est ainsi profané sous le regard indifférent de l’univers, qu’il est réduit à moins que rien et que sa vie ne vaut pas mieux qu’un oignon ou un radis, n’est-ce pas un sacrilège, un outrage à Dieu, et que faut-il penser, que faut-il dire, Tictoc, quand on voit ainsi étouffé et piétiné ce qu’il y a de plus sacré ? Je ne suis pas le seul à m’étonner, Tictoc ; des croyants notoires ont vu leur foi ébranlée par le silence, qu’on dirait complice, du cosmos. »

par Brahim Dim 5 Mar - 11:09

Notre monde terrestre obéit à une règle implacable, à savoir que tous les êtres vivants qui s'y trouvent doivent mourir un jour ou l'autre et être remplacés par de nouveaux.
Donc, que la mort soit provoquée par un tremblement de terre, un cancer, un accident de la route, une bombe qui nous tombe dessus, un arrêt cardiaque, une avalanche qui nous ensevelit, ou la vieillesse qui nous use, cela ne changera rien à la règle établie. La mort est une et ses causes sont multiples.

Notre attitude vis-à-vis de la mort dépend de notre conception de ce qu'est un Homme.
Si on considère que l'être humain est réduit à son propre corps physique, issu de nulle part et disparaissant définitivement après la mort, oui notre vie ne vaut pas celle d'un radis.
Si au contraire, nous considérons que l'être humain est avant tout un être spirituel, venu sur Terre s'incarner dans un corps physique pour vivre certaines expériences, puis se séparer de ce corps physique au moment de la mort, pour aller vivre autre chose ailleurs, cela change tout.

par Tatonga Lun 6 Mar - 0:26

Veinard !

« Donc, Tatonga, on ne peut rien savoir ?
-On ne peut rien savoir, Tictoc. Pas plus qu’un pépin ne peut imaginer la pomme et le pommier dont il est issu, tu ne peux rien savoir du monde où tu es plongé. Non seulement tu ne peux pas comprendre, mais je crois qu’il n’y a rien à comprendre. Le monde n’est ni logique ni illogique, il est alogique.

-On s’en passera, Tatonga, ne pas comprendre, ce n’est vraiment pas un problème.
-Mais si, il y a un problème, Tictoc. Figure-toi que personne n’a voulu venir de son plein gré dans ce monde. Je suis sûr, Tictoc, que les humains dans leur très grande majorité n’auraient jamais accepté de s’embarquer dans cette aventure s’ils avaient été consultés. D’ailleurs, certains ne se privent pas de le dire.

-Les humains sont là malgré eux ?
-Oui, Tictoc, et ils y sont détenus malgré eux, par la carotte et le bâton, par l’opium et le bâton. Sans ces attaches et ces menaces, ils auraient tous fiché le camp d’ici.

-Ça alors !
-Oui, Tictoc, ils sont ligotés par des attaches, des attachements qui les retiennent, et menacés de souffrances s’ils tentaient de s’évader. Ils sont prisonniers, et esclaves aussi.

-Esclaves, esclaves de qui ?
-Allons, allons, Tictoc, il y a des moments où il faut savoir regarder la réalité en face. Tu ne vois donc pas que tu as été lesté d’un corps que tu dois trimbaler partout, obligé de le laver, de le raser, de le coiffer, de le soigner, de l’habiller, et de trimer comme un esclave pour le nourrir ? Tu aurais facilement compris que tout cela n’est pas normal, Tictoc, si tu y avais fait attention.

-Esclave de mon corps, mais tu deviens fou, Tatonga !
-Pas du tout, Tictoc, il suffit de regarder froidement la réalité bien en face. D’ailleurs, c’est bien ce que pensaient ceux qui avaient invoqué le péché originel. Ils avaient compris que nous étions prisonniers et esclaves, mais ils avaient inventé le péché originel pour imputer la faute aux humains. Comme d’habitude, c’est toujours toi le coupable, et si ce n’est toi, c’est ta femme, aurait dit La Fontaine. Pauvres hommes, ils sont là à tout subir, l’intenable et l’intolérable, sans y être pour rien, et tout serait de leur faute !

-Mais comment vivre sans corps, Tatonga ?
-Oui, un corps est nécessaire, mais entendons-nous bien. Un monde sans drames et sans tragédies ne serait pas un monde, Tictoc, il ne serait qu’une nature morte et morne. Avant toi, le monde était bien triste et il faut dire qu’il s’est fichtrement bien animé depuis que tu es là. A la télé, il n’est question que de toi, veinard ! C’est toi la vedette, on peut te voir écrasé, lapidé, laminé, déchiqueté, écrabouillé. Oui, un corps était nécessaire pour que le monde soit monde. Voilà pourquoi tu es là, Tictoc, il ne faut pas chercher plus loin, tu sais bien que tu n’es bon à rien d’autre. »

par Tatonga Mer 8 Mar - 0:35

L’univers et les mondes.

« Tatonga, est-ce que l’univers est infini ?
-Pour répondre à cette question, Tictoc, il est nécessaire de spécialiser les mots. Appelons univers tout ce qui existe. L’univers est alors un espace libre où tu peux trouver tout et n’importe quoi, c’est un fourre-tout, les objets qui y sont n’ont aucun lien, sont différents et indépendants, même s’ils peuvent se ressembler parfois ou s’influencer plus ou moins quand ils sont proches les uns des autres. Bref, l’univers n’est pas un ensemble cohérent, homogène, un corps organisé, il n’est rien, on ne devrait même pas dire que c’est une entité, on ne devrait même pas en parler. N’étant pas un corps organisé, il n’a pas de peau, il est virtuellement étendu à l’infini, rien ne le limite.

-Ça, c’est pour l’univers…
-Dans cet univers, je dirai qu’il y a des mondes, pas un monde, mais plusieurs, différents et indépendants, différents même si on peut voir dans les uns et les autres quelques similitudes. Mais un monde est un ensemble organisé et cohérent, dont les éléments intérieurs sont reliés les uns aux autres, interagissent, s’influencent et se soutiennent. Un monde n’est pas infini, il se limite à l’étendue, à la portée, des interactions et influences des éléments qui le composent. On peut dire, par exemple, que ton monde se limite à la voie lactée ou à une partie seulement de cette galaxie, où lune, terre, soleil, sont en communion.

-C’est ça mon monde ?
-Les autres mondes ne te concernent pas. Oui, c’est ça, ton monde, et c’est lui qui a forgé ton corps, tes dents, tes yeux ainsi que ton mental, ta pensée, ta raison, ta logique. Contrairement à ce qu’on t’a toujours laissé croire, ta pensée et ta raison appartiennent à ton monde, elles ne sont pas absolues, mais valables uniquement dans ton monde. Ailleurs, elles ne valent rien, ne te serviraient à rien, pas plus que les ailes des oiseaux et les nageoires des poissons ne permettent de voler et de nager dans un autre milieu que l’air et l’eau. Et ce que je dis de ta pensée et de ta raison est valable aussi pour tes dents et tes yeux.

-Mon monde a fait tout ça de moi, mais comment est-ce possible ?
-C’est grâce aux interactions et influences des éléments qui le composent, des éléments pas banals du tout, Tictoc, capables de produire des effets surprenants. Il n’y a pas que toi qui sois étonnant, l’électricité, l’électromagnétisme, la chaleur, etc. proviennent aussi de ces éléments et sont tout aussi étonnants. Petit à petit, ces éléments, ces objets qui t’entourent, t’ont façonné, Tictoc, comme la marche finit par user tes semelles et l’écoulement des eaux par éroder la pierre.

-Donc, plusieurs mondes différents et indépendants ; pourtant, ils proviennent tous du même big-bang, Tatonga…
- Peut-être, mais le big-bang a disparu, Tictoc, il n’est plus là pour les relier. Du big-bang, il ne reste que des débris, formant chacun un monde à part, différent et indépendant. »

par Tatonga Ven 10 Mar - 0:58

Des éléments indéfinissables.

« Ainsi donc, Tatonga, le monde, notre monde, serait un ensemble composé d’éléments qui interagissent entre eux ?
-Oui, et ces éléments, je préfère ne pas m’aventurer à les citer. Sait-on vraiment ce que c’est ? Appelons-les éléments, choses, matières, substances… mais n’oublions pas qu’on ne sait pas ce que c’est au juste.

-Et ces éléments m’auraient forgé avec mes dents, mes yeux, mon esprit, ma conscience, ma pensée… ?
-Ecoute, Tictoc, il est certain que ces éléments ne sont pas banals, ont des propriétés exceptionnelles, sinon il n’y aurait pas eu de monde du tout. Il faut autre chose que du banal pour faire un monde. Après tout, il n’y a que toi qui t’étonnes et ton étonnement vient de ton ignorance, Tictoc. Dis-toi bien que ceux qui ne connaissaient pas encore l’électricité ont été sûrement fort étonnés en recevant une décharge électrique et ont cru peut-être que c’est un Djinn qui leur donnait un coup de pied. Alors ne va pas à ton tour imaginer que c’est un être invisible qui t’a façonné.

-Quand même, Tatonga, c’est difficile à admettre.
-Je ne trouve pas, Tictoc. Et puis, tout compte fait, tu n’es pas grand-chose, et ces éléments naturels peuvent très bien t’avoir façonné.

-Dans ce cas, Tatonga, ces éléments pas banals, exceptionnels, dont on ne sait rien, pourraient tout aussi bien avoir tous les pouvoirs que nous attribuons à Dieu.
-Tout à fait, Tictoc. Pour un pouvoir exceptionnel dont on ne sait rien, tout est possible, et ce que nous appelons Dieu peut n’être finalement que ce pouvoir, le pouvoir de ces éléments. Et c’est bien ce qui se passe dans ce monde sous tes yeux ahuris. Mais oui, Tictoc, c’est bien ça, à moins de vouloir un Dieu avec des bras et des jambes comme toi, ce pouvoir ferait très bien l’affaire.

-On est donc d’accord, mais il y a un problème, Tatonga, car ce pouvoir serait alors un pouvoir de la matière.
-Non, Tictoc, ce n’est pas un pouvoir de la vile matière, c’est un pouvoir des éléments constitutifs du monde, des éléments dont on ne sait rien. On ne sait pas vraiment comment et de quoi ils sont faits, ni comment les appeler, et tu pourrais très bien dire que ce sont les doigts de Dieu.

-Les doigts de Dieu ?
-Ce n’est qu’une façon de dire, Tictoc. Tu peux dire que ces éléments indéfinissables, sans cesse à l’œuvre, sont Dieu lui-même.

-Il y a un deuxième problème, Tatonga, tu avais dit que Dieu doit être…
-Doit avoir tes sentiments et tes valeurs ? C’est là que ça grince, Tictoc. Sauf dans les discours des prêtres et des je-suis-jésus, ce Dieu-là, il va être très difficile à trouver. »

par Tatonga Dim 12 Mar - 0:28

Le rebelle.

« Tatonga, l’homme est donc un animal ?
-Oui, Tictoc, et je le savais alors que j’étais encore tout petit.

-Tu le savais ?
-Pas tout à fait, Tictoc, je ne savais pas que l’homme descendait de l’animal, mais je m’étonnais beaucoup que le bon Dieu utilise les mêmes matériaux, de la chair, des os, des poils, du sang, pour concevoir les deux créatures. Je ne trouvais pas cela normal et je me disais que le bon Dieu aurait dû quand même distinguer l’homme en utilisant autre chose pour le façonner.

-Maintenant, on le sait, Tatonga, c’est bien un animal.
-En vérité, un drôle d’animal, Tictoc, qui ne cessera jamais de nous étonner.

-Parce qu’il est intelligent ?
-Non, Tictoc. Qu’il soit intelligent, ça ne m’étonne pas du tout. Tous les animaux sont plus ou moins intelligents et il faut bien que l’un d’eux soit plus intelligent que les autres et fasse de grandes découvertes.

-Pourquoi dis-tu alors que c’est un drôle d’animal ?
-Tictoc, l’homme sait bien qu’il n’est rien et qu’il finira comme les chameaux crevés dans le désert, les mâchoires démantelées et les membres disloqués. Mais il n’entend pas passer pour un moins que rien, il se rebelle, Tictoc, il proteste, revendique un autre statut. Il sait qu’il ne fait que passer et qu’il finira crâne énucléé et ossements dispersés dans les sables, mais il exige que ce soit dans la dignité. D’accord, semble-t-il dire, je ne fais que passer, mais je refuse d’être traité comme un moins que rien, alors un peu de respect, s’il vous plait !

-Ah bon ?
-Dignité, honorabilité, respectabilité ! Peu après être apparu, il s’est levé pour marcher debout, Tictoc, et il a inventé la chaise pour ne pas s’allonger à même le sol comme font les animaux.

-C’est vrai ce que tu dis, Tatonga, et c’est vraiment étonnant. Comment ne l’ai-je pas remarqué ?
-Tu vois, Tictoc, ce n’est pas son intelligence qui doit t’étonner, mais cette exigence d’un statut particulier. Tout en sachant n’être rien, il revendique un rang, il exige le respect, il se rase, se coiffe, se coupe les ongles, s’habille par décence, pour bien marquer sa différence. Il a même inventé le nœud papillon et des habits de cérémonie. Manger est tout un art pour lui, il ne veut pas se goinfrer comme une bête, il lui faut un couvert et il ne dédaigne pas les raffinements, les parfums, l’humour, la poésie, les plaisirs, pour agrémenter son séjour. Et pourquoi pas un cigare et un pousse-café, semble-t-il dire, puisqu’il faut être là !

-C’est vrai, Tatonga, que c’est un drôle d’animal.
-Oui, Tictoc, et il entend être un grand seigneur, il veut des fêtes pour sa naissance et ses mariages, des rituels et des recueillements pour son enterrement. Il a établi des principes nobles et des valeurs. Et des règles même pour se battre, comme le respect de l’adversaire et des prisonniers de guerre. Il prône la solidarité, l’équité, la fraternité. Oui, Tictoc, il refuse de passer pour un sauvage et il entend s’affirmer comme un grand seigneur. Il a même inventé des religions pour dire qu’il n’est pas un vulgaire ruminant et qu’il est capable de spiritualité. Comme tout grand seigneur, il revendique la plus haute ascendance en se déclarant fils de Dieu.

-C’est très étonnant, Tatonga, venant d’une créature d’extraction animale.
-Oui, Tictoc, et c’est là le plus grand des mystères. »

par Brahim Dim 12 Mar - 11:11

A cela j'ajouterais que l'homme est probablement le seul "animal" à savoir qu'il va inexorablement mourir un jour. Certes, les animaux ont l'instinct de défense et de survie, mais celui-ci fonctionne automatiquement. C'est la raison pour laquelle ils vivent pleinement l'instant présent et ne se préoccupent pas du lendemain, contrairement à l'homme qui, sachant qu'il va partir un jour, cherche toujours à améliorer ses conditions de vie (et celles de ses descendants), durant le laps de temps qui lui est alloué sur Terre.

par Tatonga Mar 14 Mar - 1:01

Le rocher.

« Tatonga, quand le bon Dieu m’avait créé, savait-t-il comment ma vie allait se dérouler ?
-Sûrement pas, Tictoc. Il te balance à l’eau et il te laisse te débrouiller. Ça servirait à quoi de te balancer à l’eau s’il sait d’avance comment tu vas finir. Et comment te jugerait-il ? Non, Tictoc, je ne pense pas qu’il sache. Il te balance à l’eau et puis c’est tout.

-S’il ne sait pas, il n’est donc pas omniscient, Tatonga !
-Tiens, ça, ça ressemble à l’argument de la fameuse histoire du rocher, un argument selon lequel l’omnipotence de Dieu serait auto-contradictoire : si Dieu peut créer un rocher qu'il ne peut pas soulever, alors Dieu n'est pas omnipotent. Si Dieu ne peut pas créer un rocher si lourd qu'il ne peut pas le soulever, alors Dieu n'est pas omnipotent non plus. C’est ça, n’est-ce pas ?

-D’accord, d’accord, Tatonga, c’est un argument nul. Omnipotent ne veut pas dire réaliser l’impossible et omniscient tout savoir.
-Mais non, il n’est pas nul. Omnipotent veut bien dire faire l’impossible et omniscient tout savoir, sinon, on pourrait dire que l’homme aussi est omnipotent et omniscient, et ces deux mots appliqués à Dieu ne voudraient alors plus rien dire.

-Bon, bon. Et si, étant à l’eau, j’appelle Dieu à l’aide ?
-S’il te balance à l’eau pour te laisser te débrouiller tout seul, ça rimerait à quoi, Tictoc, qu’il vienne te sortir la tête de l’eau chaque fois que tu lances un S.O.S. Et puis, s’il accourt à ton secours, il pourrait tout aussi bien faire le contraire, le lendemain : t’enfoncer la tête dans l’eau. Non, Tictoc, je ne pense pas que ça amuserait Dieu de jouer à ce jeu infantile. Il te balance à l’eau, et puis c’est tout.

-Donc, il n’intervient pas ?
-Tu vois bien qu’il n’intervient pas, Tictoc, tu le constates tous les jours. Inutile donc de te lamenter, de lui reprocher sa passivité et son indifférence ou de lui manifester ta gratitude.

-Tu as raison, Tatonga. Si Dieu sait d’avance comment ça va se passer, à quoi cela servirait-il de me jeter à l’eau. De même, s’il ne sait pas comment cela va se passer et qu’il intervient à chaque fois pour me sortir la tête de l’eau ou pour l’y enfoncer, ce serait un jeu tout autant inutile et puéril, dont même un enfant se lasserait très vite. Il doit donc me laisser me débrouiller tout seul pour que j’acquière de l’expérience.
-Une expérience terrestre qui te servirait beaucoup, Tictoc, si tu devais demeurer éternellement sur terre, mais comme tu dois t’en aller…

-Tu as encore raison, Tatonga, cette expérience de la vie sur terre ne servirait à rien hors de la terre, et là, je ne comprends plus rien.
-Il est tout à fait normal que tu ne comprennes pas, Tictoc, car en vérité l’histoire de Dieu tout entière, toutes les histoires de Dieu sur l’omnipotence, l’omniscience, le mal et le bien, le jugement dernier, etc., sont des versions de l’histoire du rocher, des histoires auto-contradictoires.

-Pas bien compris…
-C’est l’idée même de Dieu qui détruit l’idée de Dieu. »

par Tatonga Jeu 16 Mar - 0:54

L’espèce corrompue.

« Ainsi donc, Tatonga, le bon Dieu n’intervient pas ?
-On se pose beaucoup de questions à propos de Dieu, Tictoc, mais il y a deux questions, très importantes, primordiales, que je n’ai vu encore personne se poser.

-Deux questions que personne ne s’est jamais posées ?
-Oui, Tictoc, et elles passent avant toutes les autres. La première : est-ce que l’homme mérite un Dieu ? Je te laisse regarder le monde, t’interroger sur ce que fait l’homme, sur ce qu’il a fait avant et au cours des siècles précédents. N’est-il pas la pire des choses qui puisse exister, n’est-il pas une souillure, une salissure, la seule, sur la face du monde ? Alors dis-moi pourquoi il y aurait un Dieu pour l’homme et pourquoi la préférence de Dieu irait-elle à l’homme ? Une colombe, une hirondelle, un papillon ne valent-ils pas mieux ?

-L’homme est un être pensant et conscient, Tatonga…
-Parce que Dieu aurait besoin d’un penseur et de ta petite conscience ? Est-ce que tu t’es regardé, Tictoc, et t’es-tu demandé quel usage tu as fait de ta grande pensée ? Ne vois-tu pas que c’est toi qui te choisis les critères qui t’arrangent pour te prévaloir d’une soi-disant prééminence et nourrir tes fantasmes ?

-Bon, ça va, et c’est quoi la deuxième question ?
-Elle est liée à la première, Tictoc : est-ce que l’homme mérite de durer ici ou ailleurs, est-ce la créature qu’il faut sauver, qu’il faut garder ? Est-il en harmonie, en symbiose avec la création, l’embellit-il, l’enrichit-il ? N’est-il pas plutôt une espèce originellement corrompue, viciée dès le départ, qui fiche la pagaille, le désordre et enlaidit l’ensemble et n’est-il pas ce dont il faut se débarrasser au plus vite ? »

par Brahim Jeu 16 Mar - 15:11

Bien que nous soyons des humains, nous ne savons pas réellement ce qu'est un être humain.
Aussi il nous est difficile de dire si l'être humain mérite d'avoir un Dieu ou mérite de perdurer.
Par contre, on peut dire sans hésiter que l'être humain a besoin de Dieu, car Celui-ci lui sert de Guide, ou de Point de mire ; une sorte de "GPS" qui lui permet d'aller droit au but, ou de retrouver son chemin et de ne pas s'égarer.

par Brahim Jeu 16 Mar - 19:01

Si tu permets, Tatonga, voici la réponse du Coran à ta question. Pérégrinations 4. - Page 4 569146778

Coran, Sourate 2 (al bakara), verset 30 :
"Lorsque ton Seigneur confia aux anges : "Je vais établir sur la Terre un vicaire (khalifa)", ils dirent : "Vas-tu y désigner quelqu'un qui mettra le désordre et répandra le sang, alors que nous (les anges) nous sommes là à Te sanctifier et à Te glorifier ?" Dieu leur dit : "En vérité, Je sais ce que vous ne savez pas".

par Tatonga Sam 18 Mar - 0:43

La pensée-conscience.

« Tatonga, pourquoi l’homme croit-il à Dieu ?
-C’est très simple, Tictoc, c’est parce qu’en ce monde, il y a une pensée-conscience qui crée et organise toute chose, tout être, et dont tu es toi-même empreint.

-Et cette pensée-conscience est de Dieu ?
-Pourquoi de Dieu, pourquoi veux-tu qu’elle appartienne à ? Il y a une pensée-conscience et ça suffit pour dire il y a Dieu.

-C’est le Dieu des religions ?
-C’est le même, mais sans les broderies et les dentelles dont l’ont affublé les religions des hommes.
-Tout ce qu’en disent les hommes est donc pure fantaisie ?
-Je ne sais pas si tout est fantaisie, mais ils lui ont attribué beaucoup de choses de leur imagination.

-Toi-même tu avais dit que Dieu, pour être Dieu, devait avoir des sentiments humains…
-Je te parlais du Dieu imaginé par les hommes, Tictoc. Ce qu’il y a effectivement, c’est une pensée-conscience, le reste est broderie.

-Pour certains, la pensée-conscience n’est qu’une sécrétion, une exsudation de la matière, Tatonga.
-Là, il faut bien faire attention aux mots, Tictoc. Ce que nous appelons matière est supposé être une matière inerte, stérile, morte, inactive, c’est-à-dire l’opposé diamétral, le contraire irréductible de la pensée-conscience. De quelle matière parlent-ils, où se trouve-t-elle ? Cette matière stérile et morte n’existe sans doute même pas. Ce qu’il y a, c’est la substance dont est fait le monde. Si cette substance génère la pensée-conscience, comme on le prétend, peut-on et doit-on continuer à l’appeler matière ? Comprends-tu, Tictoc ? Ceux qui disent que la pensée-conscience vient de la matière font un tour de passe-passe, ils jouent sur les mots. Ils appellent matière ce qui n’est pas matière.

-Et Dieu viendrait donc de cette substance ?
-Ce n’est pas ce que je dis, Tictoc. Je te faisais seulement remarquer que la thèse qui soutient que la pensée-conscience vient de la matière est fondamentalement auto-contradictoire. Dire que le stérile est fécond est contradictoire.

-Il y a donc Dieu, mais il ne se manifeste pas, c’est ça ? Indifférent aux appels que lui lancent des milliards d’êtres…
-Il a autre chose à faire, beaucoup de choses à éliminer et beaucoup d'autres à mettre sur les rails, que de se manifester comme tu voudrais qu’il se manifeste, Tictoc. Il est très occupé à pétrir et à modeler le monde, sinon toi et le monde ne seriez même pas là. Sans cette pensée-conscience, tu n’aurais jamais existé, rien n’aurait existé, Tictoc. »

par Tatonga Lun 20 Mar - 0:47

Quelque part et nulle part.

« Tatonga, où sommes-nous ?
-Quelque part et nulle part, Tictoc.
-Je ne comprends pas.
-Il y a très longtemps, Tictoc, il n’y avait ni le soleil, ni la Terre, ni la lune, ni Neptune.

-Ça, je le sais.
-Plus tard, tout disparaitra, le soleil, la Terre, la lune et Neptune. Comment peux-tu dire alors où tu te trouves ? Là où tu te trouves se trouverait où ? En vérité, tu n’es nulle part, tout en étant quelque part… quelque part, sans être nulle part.

-Ce n’est pas possible !
-C’est qu’il n’y a pas de terrain d’assiette, la pensée-conscience Dieu n’en a pas pour y établir solidement son monde. Tu as des repères et des coordonnées, mais le monde n’en a pas. Le monde, Tictoc, n’a pas de repères, pas de points cardinaux, pas d’orientation, et tout y est instable, variable, changeant, provisoire, éphémère, tout bouge et disparait avec les repères de tes repères. Comment pourrais-tu dire où tu te trouves ?

-Mais pourquoi tout change ?
-Parce qu’il n’y a pas un monde, mais une infinité de mondes possibles, et le bon Dieu n’a aucune raison de s’en tenir à un seul. Après que ta grand-mère a été une belle jeune fille, doit venir le tour de sa petite-fille d’être belle jeune fille, après avoir longtemps brillé chaque étoile doit s’éteindre. Le monde doit sans cesse changer, chaque monde doit disparaitre pour céder la place au suivant, indéfiniment.

-Pourtant, j’ai le sentiment très fort de me trouver dans un monde très stable.
-C’est une impression à cause du rapport des temps, Tictoc, le rapport de ton temps au temps du monde. Il fallait naitre avant le soleil et vivre après le soleil pour voir que rien n’est stable, que tout change. Mais tu ne vis qu’au sein de la Terre le temps que vivent les roses, d’où ton impression de stabilité. Et ce n’est pas l’unique fausse impression. Si tu te tiens immobile au milieu d’un fleuve, tu auras l’impression soit de reculer soit d’avancer selon le sens d’écoulement des eaux. Tu vois, il n’est pas difficile d’avoir de fausses impressions.

-Il n’y a donc rien de vrai ?
-Rien, Tictoc. Même ce que tu appelles justice n’est qu’une règle que tu as établie toi-même pour t’en servir dans tes rapports avec les autres. Il n’existe aucune vérité, aucune justice qui serait conservée quelque part dans une chambre forte pour servir de modèle et d’étalon de mesure universel. Ni étalons, ni heure GMT, ni heure UTC. Tu n’es nulle part, Tictoc, tu n’as aucun repère de temps, aucun repère d’espace et il n’y a nulle vérité.

-Mais ce n’est pas sérieux.
-C’est comme ça et c’est tout ce qu’il y a. Tu peux dire que ce n’est pas sérieux, que c’est une plaisanterie, que c’est un canular, dire tout ce que tu veux, mais c’est comme ça et c’est ainsi et pas autrement. »

par Tatonga Mer 22 Mar - 1:01

Le miroir.

« Tatonga, où se trouve la pensée-conscience ?
-Tictoc, tu n’as pas encore compris ce qu’est le monde. Il n’y a pas un objet ou un être ou une pensée-conscience qui serait cause du monde et qui se trouverait quelque part ailleurs. Ce sont les petites choses de ton petit monde terrestre qui ont des causes, mais le monde est monde, il est monde, tout le monde, à lui tout seul, sans rien hors du monde. Croire que le monde est une entreprise gérée de loin par un directeur à partir de son bureau, ça peut passer à l’époque de l’Egypte antique et de ses pharaons, mais aujourd’hui, Tictoc ?

-Il n’y a donc que le monde ?
-Mais bien sûr, Tictoc. S’il y a une chose qui n’a pas besoin d’un tuteur, c’est bien le monde.
-Pourtant c’est bien toi qui parles de pensée-conscience Dieu.
-Oui, et toi, tu parles bien du jus d’orange de l’orange. La pensée-conscience est partout, Tictoc, partout dans le monde, comme l’huile d’olive dans l’olive.

-Et elle est pensée-conscience ?
-Oui, Tictoc, sinon rien n’aurait pu s’organiser et se réaliser, une pensée-conscience dont ont résulté notre pensée et notre conscience, et c’est très surprenant, Tictoc.

-Qu’est-ce qui t’étonne ?
-Ce qui m’étonne, Tictoc, c’est que cette pensée-conscience ne s’est pas contentée de réaliser et d’organiser un monde, elle a pensé aussi à générer en nous une pensée et une conscience, et c’est très étonnant, Tictoc, même s’il ne s’agit pas tout à fait de la même chose. Ce qui est encore plus surprenant, c’est que notre pensée et notre conscience soient capables d’émettre des jugements et des critiques sur cette grande pensée-conscience dont nous sommes issus, de dire par exemple comme toi que ce qu’elle fait n’est pas sérieux. C’est totalement incompréhensible, Tictoc, c’est à croire que l’un de vous est le miroir où l’autre s’observe. »

par Tatonga Ven 24 Mar - 1:45

Un moi est de trop.

« Donc, Tatonga, l’un de nous est le miroir où l’autre s’observe ?
-Je crois, Tictoc, qu’il serait plus juste de dire que vous êtes – la pensée-conscience et toi avec ta pensée et ta conscience – le miroir l’un de l’autre.

-Explique, Tatonga.
-S’il n’y avait pas la pensée-conscience et son avatar qu’est le monde en face de toi, pourrais-tu penser et être conscient ? Non, Tictoc. Suspendu dans le vide face au vide, face au néant, tu ne pourrais ni penser, ni être conscient de quoi que ce soit, ni conscient de toi-même. Pour te voir toi-même, c’est-à-dire être conscient et conscient de toi-même, tu as besoin d’avoir en face de toi la pensée-conscience et son avatar le monde. Ce sont eux qui te révèlent à toi, te font prendre conscience de toi-même.

-Oui, je comprends.
-Il en est de même pour la pensée-conscience et son monde, Tictoc. Sans toi pour les reconnaitre, que seraient-ils ? Rien, Tictoc ! Sans ton regard, sans toi pour la nommer, en parler, la juger, la critiquer, l’admirer, que serait la pensée-conscience ? Rien, Tictoc. Elle aussi a besoin de ton regard, a besoin d’être reconnue par ta conscience. C’est dans ta conscience qu’elle est reconnue, qu’elle se reconnait. Tu sais aussi que la pensée-conscience ne crée que de l’informe, et c’est toi qui donnes forme à ses réalisations, des formes à son monde, c’est toi qui en fait des fleuves, des mers, des montagnes, des océans et des prairies en fleurs. C’est toi qui révèles la pensée-conscience et son monde.

-C’est donc pour se reconnaitre pleinement, pour être consciente d’elle-même et de son œuvre que la pensée-conscience m’a créé, a créé ma pensée et ma conscience ?
-Si tu as bien suivi mes explications, tu devrais comprendre que tu fais partie d’elle. Vous êtes chacun le complément de l’autre, le miroir de l’autre. Vous avez toujours été ensemble. Elle n’a jamais existé sans toi et tu n’as jamais existé sans elle. La pensée-conscience et toi avec ta pensée et ta conscience formez un ensemble indivisible. Tu n’es pas venu plus tard, elle ne t’a pas créé après coup, vous êtes simultanés. Peut-on même dire qu’elle t’a créé ?

-Nous existons donc en même temps ?
-Mais bien sûr, Tictoc, la pensée-conscience et toi, vous vous appartenez et vous vous compléter, vous êtes un. C’est peut-être cela justement que pensent ceux qui disent que Jésus est Dieu, fils de Dieu et homme ? Et le soufi Al-Hallaj disait-il autre chose quand il écrivait :
"Je suis Celui que j’aime et Celui que j’aime est moi
Nous sommes deux esprits dans un seul corps
Et si tu Le vois, tu nous vois."
Disait-il autre chose quand il écrivait : "je suis Lui en vérité." Et quand il écrivait : "loin de moi, loin de moi l’affirmation de deux" ... et… "Entre Toi et moi, un moi est de trop", disait-il autre chose ?

-J’ai du mal à croire que je suis si important, Tatonga.
-C’est parce que tu n’as pas encore compris que ta pensée et ta conscience ne sont pas choses anodines, qu’elles sont au contraire le summum de ce qui pourrait exister, qu’elles sont inégalables et indépassables. »

par Tatonga Dim 26 Mar - 1:02

Le hasard infaillible.

« Tatonga, est-ce que la vie est apparue par hasard ?
-Tu sais, Tictoc, que tu me fais sourire quand tu me poses cette question ? Ce qu’il y a de plus important, de plus essentiel au monde, la vie, eh bien, mesdames, messieurs, c’est dû tout simplement au hasard ! Tu te rends compte de ce que tu dis, Tictoc ?

-Ce n’est donc pas un hasard ?
-Non, Tictoc, c’est impossible et je le sais de façon certaine. Tu peux appeler cela lucidité, clairvoyance, perspicacité, intuition, flair, et même inspiration ou révélation, mais je le sais de manière certaine. Tout ce que je peux te dire, Tictoc, si ça peut t’aider à comprendre, c’est qu’il est impossible que le monde soit fait uniquement de ce que tu appelles matière, sans que jamais la vie y apparaisse. Tu imagines un tel monde, Tictoc, pourrait-on même dire que c’est un monde ? Non, Tictoc, il est évident que, dès le début, pour ainsi dire, le monde devait porter la vie, je dirai même que s’il y a un monde c’est pour qu’il y ait la vie. C’est évident, Tictoc.

-Evident, évident, mais tout ça, c’est ton impression, Tatonga. Pour d’autres, c’est le hasard.
-Je vois que tu es un fan des probabilités, Tictoc. Supposons que tu sois ce hasard, tu pourrais fabriquer n’importe quoi en tâtonnant, aussi compliqué soit-il et aussi faible que soit sa probabilité. En tâtonnant longtemps, tu pourrais y arriver, à condition toutefois de disposer de toutes les pièces nécessaires. Mais la vie, ça, jamais, Tictoc. Il faut avoir une bien piètre idée de la vie pour croire qu’elle peut résulter du hasard, il faut être vraiment naïf pour croire que les éléments et les conditions nécessaires à la vie étaient là par hasard, attendant que le hasard les assemble et fasse fuser la vie. Et il y a autre chose, Tictoc.

-Autre chose, quoi donc ?
-Si on met à ta disposition tous les éléments et toutes les conditions nécessaires et qu’on t’accorde suffisamment de temps pour tâtonner, tous les probabilistes te diront qu’en vertu de la loi des grands nombres ou de l’espérance mathématique, tu réussiras de façon certaine. Comme le monde est éternel, l’apparition de la vie n’est plus un hasard, mais une certitude. Tu vois, Tictoc, si on va au fond des choses, même le hasard finit par devenir certitude si on lui en donne le temps.

-Donc, la vie était prévue ?
-Oui, Tictoc. Comme tu viens de le voir, même en suivant les adeptes du hasard et des probabilités dans leur raisonnement, elle devait apparaitre inévitablement, dès lors que les éléments et les conditions nécessaires sont disponibles et le temps suffisant. Et dans ces conditions-là, ce n’est plus un hasard, mais une certitude.

-Le bon Dieu a donc fait ce qu’il fallait faire et a laissé faire, sachant d’avance ce qui allait se produire ?
-Oui, Tictoc. Il faut comprendre que le monde n’est pas fait de ce que tu appelles trivialement la matière. C’est beaucoup plus compliqué. Pour faire simple, disons qu’il est fait d’une substance particulière, unique en son genre, qui est à la fois matière, vie, esprit, pensée, conscience. Toutes ces qualités sont les qualités de cette substance unique qui occupe tout l’espace, elles sont consubstantielles à cette substance. Tu peux dire que c’est ça le bon Dieu, unique et capable de tout faire grâce à ses qualités. Un bon Dieu in-comparable, car il est seul à exister, sans semblable et sans contraire. En toute vérité, Tictoc, ni la vie, ni rien d’autre n’a été créé, tout se trouve depuis toujours et pour toujours dans cette substance éternelle. Il n’y a que Tictoc qui voit des apparitions et des disparitions. »

par Tatonga Mar 28 Mar - 1:48

Tchernobyl.

« Tatonga, sais-tu d’où vient le monde ?
-On le sait, Tictoc, grâce à la science, on le sait. Il y a 13,7 milliards d’années, il y a eu une très grande déflagration, le Big Bang, une explosion nucléaire, un Tchernobyl. Pourquoi ça a explosé, on ne le sait pas encore, on le saura peut-être un jour, peut-être jamais. Il en a résulté un grand chao, l’apocalypse, des éclats en feu, des gaz, des corps qui partent dans tous les sens, se heurtent, s’entrechoquent, et ce n’est pas fini, ça continue, et ça continuera encore longtemps. Plus près de toi, des bourrasques, des tornades, des cyclones, des volcans bouillonnants, des torrents fous, des tsunamis et des séismes. Enfin, bref, Tictoc, c’est la matière dans tous ses états, tout le contraire d’une oeuvre organisée et maitrisée.

-Et d’où vient l’homme ?
-Ecoute, Tictoc, des milliards d’années après cette formidable déflagration, il n’y a rien d’étonnant qu’il y ait des suites et des conséquences imprévisibles et surprenantes, qu’apparaissent et poussent toutes sortes de choses, des matières en putréfaction, des composts, des champignons, des bactéries, des végétaux, des bestioles. Des bébêtes voraces, petites et grandes, qui se déchiquètent à qui mieux mieux. L’homme en fait aussi partie, et c’est même la plus mauvaise graine que j’aie jamais connue. Là encore, Tictoc, on est très loin d’une œuvre organisée et disciplinée, loin d’une création réussie. Tu ne trouveras aucun modèle de créature parfaite, mais un foisonnement d’êtres difformes, sauvages, incontrôlés, la jungle intégrale.

-La jungle ?
-Ouvre les yeux, Tictoc, c’est partout le désordre intégral. Dans ce désordre, il est normal que certaines choses te paraissent organisées, car même des corps en errance peuvent se mettre mécaniquement dans un certain ordre, tu peux trouver aussi des personnes charmantes, mais cela ne doit pas te cacher l’implacable réalité. Le monde est un grand chao. Les plus illustres penseurs ont essayé de trouver un sens au monde, à la vie, à l’homme, en vain. Et pour cause ! Un chao n’a pas de sens, Tictoc, c’est aussi simple que cela.

-Et Dieu ?
-Je sais que tout le monde en parle, Tictoc. Tout le monde parle de Dieu, du diable, des anges, de l’enfer, du paradis et de beaucoup de choses. Oui, tout le monde en parle. »

par Tatonga Jeu 30 Mar - 2:00

Voici la vérité.

« Tatonga, qu’y avait-il avant que ça explose, avant que se produise le Big Bang ?
-La science ne le sait pas encore, Tictoc, peut-être le saura-t-elle un jour, peut-être jamais.
-Et toi, Tatonga, tu n’as pas une idée ?
-Moi, je le sais, Tictoc, … sans vraiment savoir.

-Comment ça, tu sais sans savoir ?
-En fait, Tictoc, tout est très simple. La première chose à comprendre est que le vide intégral, le néant, n’a jamais existé. Il y a toujours eu quelque chose, quelque chose a toujours existé de toute éternité, il n’a jamais commencé et il ne disparaitra jamais. On peut dire que l’espace n’a jamais été vide. La deuxième chose, qui n’est que le corollaire de la première, est qu’il n’y jamais eu de création ex nihilo. Voilà ce que je sais.

-Et qu’est-ce que tu ne sais pas ?
-Ce quelque chose – appelons-le substance pour faire court – je suis incapable de te dire ce que c’est, de le décrire ou de le définir. Cela, je ne le sais pas, la science le saura peut-être un jour.

-D’où vient cette substance, Tatonga ?
-Voilà bien une question stupide, juste bonne à te précipiter dans un tunnel sans fin et sans fond. Tu n’as donc pas encore compris qu’il doit y avoir nécessairement quelque chose sans cause et sans antécédent, une réalité première, qui soit là sans venir de nulle part. C’est d’une évidence à crever les yeux.

-Et cette substance a explosé ?
-Oui, elle a explosé pour devenir ce que tu appelles aujourd’hui le monde. Plus tard, elle prendra une autre forme. Avant d’être cette substance qui a explosé, elle avait certainement une autre forme. Tu vois, Tictoc, c’est très simple : une substance dont on ne sait rien existe de toute éternité et se transforme éternellement, sans rien perdre d’elle-même et sans que rien ne vienne s’y ajouter. Simple, simple, Tictoc, le principe de Lavoisier n’a jamais été aussi vrai.

-Une énergie qui devient matière et vice versa ?
-Si cela te convient mieux, tu peux le dire comme ça, Tictoc.

-Et moi avec mon esprit, ma pensée, ma conscience, mon souffle de vie, je serais issu de cette substance ?
-C’est cela qui t’a toujours aveuglé, Tictoc. Ce que tu énumères là n’a rien de vraiment sensationnel, il n’est pas plus sensationnel que l’électricité, le magnétisme, le feu, la fumée, la chaleur, le froid, il n’y a rien d’extraordinaire que tu saches qu’il y a du carotène dans la carotte, c’est toi qui en fais tout un plat. La substance du monde est tout simplement une substance particulière dont tout peut résulter, y compris la vie et l’esprit. C’est sa caractéristique, Tictoc, il n’y a que toi qui t’étonnes et t’extasies. Pour cette substance, rien n’est supérieur ou inférieur, meilleur ou pire. Chaque chose est ce qu’elle est, c’est tout, et ton esprit n’est pas plus brillant qu’un galet exposé au soleil.

-Cette substance est-elle consciente, Tatonga ?
-Placée exactement dans les mêmes conditions, je crois que cette substance réagirait toujours de la même manière, en raison même de sa nature. Peut-on dire alors qu’elle est consciente ? Je ne pense pas. Ce que tu appelles ta conscience, tes sentiments, tes valeurs, tes émotions, ta morale, la vie, etc. sont la conséquence de ses transformations, mais elle n’a rien de tout cela. C’est une substance éternelle, qui n’a jamais été créée, qui se transforme éternellement, un point, c’est tout. Tout le reste n’est que délires de ton imagination. »

par Tatonga Mer 5 Avr - 1:14

Les damnés.

-Tatonga, à t’entendre parler du monde, on croirait qu’il est peu de chose.
-Tictoc, aucune chose n’a d’importance en soi, elle n’en a que pour quelqu’un. Si le monde te parait tellement important, c’est parce que tu es en plein dedans, c’est parce que tu es enchainé à ce monde par la tête, par les pieds, par le dos et par le ventre. Sans le monde, tu n’es rien, mais si tu l’observes de l’extérieur, tu verras qu’il a tout d’une nature sauvage et rien de fantastique.

-L’observer de l’extérieur ?
-Oui, si tu l’observes de l’extérieur, tu verras qu’il n’est pas grand-chose, que ce n’est qu’une île battue par les tempêtes, où les hommes, tels les rescapés d’un naufrage, se trouvent coincés et exposés à tous les dangers. Tu entendras les plaintes des bagnards et les gémissements des suppliciés, le hurlement sinistre des vents et le grondement terrifiant des tonnerres. Tu verras tomber la foudre et se déchainer les éclairs. Une île hantée, Tictoc.

-Le monde ?
-Eh oui, Tictoc ! Je suppose que ce qui compte le plus à tes yeux, ce sont les hommes. Eh bien, observe-les bien, ils ont échoué là depuis des centaines de milliers d’années et depuis des centaines de milliers d’années, ils succombent par millions et par milliards sous les éboulements de cette nature sauvage. Depuis des centaines de milliers d’années, rien n’a changé, Tictoc, c’est toujours les mêmes drames, les mêmes souffrances.

-Le monde est donc une nature sauvage ?
-Oui, Tictoc, une nature sauvage et rien de fantastique, il est peu de chose finalement. Et, comme disait le grand poète Khayyâm, de tous ceux qui sont partis après avoir souffert dans leur cœur et dans leur chair, aucun, pas un seul n’est revenu pour nous dire ce qu’il en est. »

par Tatonga Dim 9 Avr - 2:03

La Présence.

« Ainsi donc, Tatonga, le vide intégral, le néant n’a jamais existé. Il y a toujours eu quelque chose et il n’y a donc jamais eu de création ex nihilo ?
-Je crois que c’est très mal dit, Tictoc, c’est même une erreur de le dire ainsi. Je crois que l’alternative n’est pas entre quelque chose ou rien, mais entre Présence et non-Présence.

-C’est quoi la Présence ?
-Impossible à expliquer, mais je peux t’en donner une idée. N’as-tu jamais senti une Présence dans ton dos ou dans ta chambre, sans même voir sa forme ou sa couleur, sans rien entendre et sans rien sentir d’autre qu’une Présence ? Tu sais, tu sens juste une Présence, comme un œil qui te regarde, eh bien, c’est ça une Présence.

-C’est donc ça, la Présence ?
-Oui, Tictoc, et le mot Présence n’est ni fortuit ni gratuit. C’est l’opposé de la non-Présence, de l’absence. La Présence est le recto de l’absence et, comme l’absence, elle est indescriptible, indéfinissable, insaisissable. Tu comprends maintenant pourquoi le mot Présence ?

-Et toi, tu sens cette Présence, Tatonga…
-D’autres la sentent, Tictoc, mais tu peux tout simplement comprendre que c’est bien elle qui est là, qui a toujours été là. C’est facile à comprendre, Tictoc. Ne comprends-tu pas qu’avant toute chose, il doit d’abord y avoir une Présence, que toute chose qui existe suppose et implique d’abord une Présence ?

-Et il y a donc toujours eu la Présence ?
-Voilà, c’est ça, Tictoc, c’est la Présence qui a toujours existé et c’est pour cela qu’il y a toujours eu un monde. Il n’y a jamais eu de non-Présence. La non-Présence est inconcevable, Tictoc, impossible.

-Cette Présence, c’est Dieu, n’est-ce pas ?
-Le mot Dieu, Tictoc, désigne une conception particulière de Dieu, chacun a une conception particulière de Dieu et aucune de ces conceptions particulières n’est Dieu, mais je crois que cette Présence est bien le vrai Dieu. Je dirai mieux : Dieu est une Présence.

-Et c’est la Présence qui a tout créé, la Terre, la lune, le soleil… ?
-Faut-il dire qu’elle a créé, Tictoc ? Peut-être, je ne sais pas. Mais il est certain que c’est parce qu’elle est là qu’il y a tous ces objets, et bien d’autres, des chats qui miaulent, des Tictoc, des oiseaux qui volent…

-Mais pourquoi des oiseaux et des chats ?
-Toute chose, toute forme, y compris celles que tu ne connais pas et ne peux même pas imaginer, doit apparaitre sous le regard de la Présence. Nulle chose n’est exclue, car nulle chose n’échappe au regard de la Présence et la Présence peut tout voir. Son regard est illimité. Tu peux dire que c’est le regard de la Présence qui les fait apparaitre, donc les crée, et tu peux dire qu’une chose existe parce qu’elle est vue… et toutes sont vues. »

par Tatonga Sam 15 Avr - 1:32

La conception.

« Tatonga, tu dis que la Présence est non physique et qu’elle est cause de ce qui est physique.
-Oui, la cause ou le concepteur, si tu veux.

-Mais pourquoi la cause ne serait-elle pas tout simplement physique ?
-Quand tu poses une question pareille, je ne te reconnais plus, Tictoc. Ce que tu dis n’a pas de sens. Si la cause est physique, elle fait alors partie du monde physique et tu ne peux pas dire avoir trouvé le concepteur du monde physique. Or ta raison exige que ce qui est physique soit conçu.

-Pas d’accord, Tatonga. Le monde physique peut être son propre concepteur, concepteur de lui-même.
-S’il est son propre concepteur, Tictoc, c’est que le concepteur se trouve dedans, et ça revient au même : il y a un concepteur ! Et un concepteur est pure pensée conceptrice non physique, sinon ce n’est pas un concepteur.

-D’accord, Tatonga, mais ce concepteur, cette Présence non physique, la science n’en a jamais parlé.
-La science, Tictoc, c’est les hommes qui s’astreignent à des règles quand ils font de la science. Des règles formant une épistémologie élaborée par les philosophes. C’est la philosophie qui sert de guide à la science dans sa quête de la connaissance, Tictoc. Et elle pose des interdits. C’est comme les footeux quand ils jouent au foot, ils leur est interdit de jouer avec les mains. Mais cela ne veut pas dire que les mains ne servent à rien et que tout ce qui se ferait avec les mains hors du stade ne vaut rien. Aux hommes de science, il est également interdit d’invoquer la Présence pour expliquer un phénomène physique. Alors, tu vois, ceux qui te disent qu’il faut attendre que la science trouve et prouve ne savent pas ce qu’ils disent.

-Il y a donc un concepteur ?
-Oui, Tictoc, il y a un concepteur parce que quelque chose s’est construit, il y a un monde, il y a toi, il y a moi… Il ne faut jamais oublier ça, Tictoc.

-Mais certains disent que c’est le hasard, qui, au bout de milliards d’années et de combinaisons, finit par construire.
- Oui, ils disent qu’après des milliards d’années quelque chose finit par se construire par hasard. Des savants le disent, Tictoc, mais je peux te dire mon sentiment. Comment se fait-il que ce hasard qui construit ne détruise pas ce qu’il construit ? Au cours des milliards d’années, il a eu tout le temps de le faire et on devrait avoir en principe, non pas un monde construit avec des Tictoc vivants, conscients et pensant, mais, soit rien, soit un capharnaüm. Ne vois-tu donc pas qu’il y a un concepteur intelligent ?

-Mais, Tatonga, ces savants parlent aussi de destruction.
-Oui, je sais, Tictoc, ils disent que ce qui est mauvais est détruit et ils appellent ça la sélection, etc. Etrange quand même que ce hasard choisisse de détruire le moins bon pour garder le bon.

-Donc ce hasard n’est pas un hasard ?
-Moi, je n’appellerai pas ça hasard, Tictoc. Ce hasard qui conçoit comme un architecte, qui embauche, hé, hé, hé, des ouvriers spécialisés (cellules, matériel génétique, atomes, sentiments d’amour, reproduction, instinct de conservation, etc.) pour construire et des manœuvres (la sélection) pour débarrasser les déblais, est un drôle de hasard, Tictoc. Si tu veux mon avis, les savants font des acrobaties et parlent de hasard pour ne pas prononcer le nom de la Présence conceptrice, chose que l’épistémologie leur interdit en leur qualité de scientifiques.

-Il y a donc un concepteur ?
-C’est évident, Tictoc. Quelque chose s’est construit et ce qui s’est construit n’est pas rien, est très loin d’être anodin. Et ça, ça devrait te suffire, le résultat parle de lui-même, tu n’as besoin ni de démonstration ni de preuves. »

par Tatonga Lun 17 Avr - 2:15

Les paillettes du monde.

« Tatonga, comment suis-je venu au monde ?
-Tu n’es pas venu au monde, Tictoc. Personne ne vient au monde et personne ne le quitte, personne n’entre dans le monde et personne n’en sort, rien ne vient s’ajouter au monde et rien ne s’en détache.

-Pourtant, je suis bien venu au monde…
-Si tu avais un brin de lucidité, tu aurais compris que ce que tu dis est insensé. Tu ne peux pas surgir dans le monde comme un intrus ou un magicien. On n’entre pas dans le monde comme dans un moulin, Tictoc.

-On sait pourtant que je viens de mes parents, qui, eux-mêmes…
-On s’en fout, Tictoc, des voies, des tunnels et des labyrinthes que tu as arpentés, des spermatos et des ovules. Tu as toujours été dans le monde, c’est évident, tu n’es pas apparu comme ça, d’un coup, par magie.

-Je n’ai rien compris, Tatonga.
-Tu n’as pas compris parce que tu crois naïvement que le monde joue à faire apparaitre et disparaitre des choses ou qu’il chemine pour se rendre quelque part.

-Et c’est quoi alors ?
-Le monde a toujours existé complet et entier. Tout y était pour ainsi dire depuis le premier jour. Tes petits-enfants y sont déjà et tes grands-parents aussi. Rien n’est venu s’y ajouter et rien n’en est sorti. Il n’y a que toi qui vois les choses différemment, c’est toi qui vois les choses défiler dans le temps, tu les vois à travers le temps. Pris dans les filets du temps et de l’espace, tu as l’illusion de voir des apparitions et des disparitions, et tu crois n’exister que depuis ta naissance alors que tu ne fais que te réveiller à ta nouvelle réalité comme le dormeur qui sort de son sommeil. Tu es une paillette du monde, une facette de la mosaïque du monde, Tictoc.

-Mais comment sais-tu tout cela, Tatonga ?
-Ouvre bien les yeux de ton esprit, Tictoc, et tu verras ce que je vois. »

par Tatonga Mer 19 Avr - 1:44

L’océan.

« Tatonga, qu’est-ce que le monde ?
-Le monde, c’est le monde, Tictoc.
-Oui, mais qu’est-ce que c’est ?
-Tu ne sauras jamais ce que c’est, Tictoc, car il est sans limites, sans commencement, sans fin, sans cause, sans but.

-Et pourquoi je n’en saurai jamais rien ?
-Parce que tu ne peux pas comprendre ce qui est sans limites. Il te faut des repères, des débuts et des fins, des largeurs, des longueurs, des durées, des épaisseurs, des poids, des causes et des effets, des raisons et des buts, et le monde n’en a pas.

-Tu ne me dis toujours pas ce qu’il est…
-Impossible, Tictoc. Il est le monde, c’est tout. Il est impossible d’en dire plus. Depuis que les hommes sont là, ils n’ont cessé de s’interroger, mais toutes les questions qu’ils se posent sont fausses, et il n’existe même de bonnes questions, car il est inconnaissable. Tout ce que je puis te dire, c’est qu’il est seul à être.

-Pourquoi seul à être ?
-Parce qu’il est ce qu’il y a et il est donc tout ce qu’il y a.

-Est-ce Dieu, Tatonga ?
-Tu peux lui donner tous les noms que tu veux, tu peux l’appeler Dieu, tu peux l’appeler monde, ça ne t’avancerait pas davantage et ça ne le changerait pas, Tictoc. Il est ce qui est, c’est tout.

-Et moi, qu’est-ce que je fais dedans ?
-Le monde lui-même n’en sait rien, Tictoc. Personne ne t’a demandé de venir, personne ne t’a fait venir. Le monde est comme l’océan, il est océan, c’est tout. Il est là pour lui-même, c’est lui qui vit, c’est lui qui respire, il n’est là pour personne, il n’empêche personne de venir et n’oblige personne à s’en aller. »

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