Avant, c'était bien.

[Tatonga]

C’était bien, avant.
Il y avait la Terre plate, le soleil, la lune et c’était à peu près tout. Et il y avait Dieu penché sur son élevage d’hommes, que n’importe qui pouvait voir, entendre, toucher.
C’était si simple, si commode, les gens étaient heureux, la vie était belle et l’avenir tout tracé.

Et voilà qu’un beau jour, un jour maudit, un trouble-fête, puis un deuxième sont venus dire que la terre n’était pas le centre du monde.
Sacrilège ! Blasphème ! grand émoi dans la basse-cour et colère noire des clercs.  

Puis vinrent d’autres rabat-joies pour déclarer qu’il y avait des milliards de galaxies. Malheur ! Catastrophe ! L’homme et la terre n’étaient donc plus qu’une poussière insignifiante à la périphérie de l’univers, pas plus importants qu’un corona de quelques dizaines de nanomètres. Dès lors, Dieu devenait beaucoup plus lointain, moins audible, et son image de plus en plus floue, très floue.
C’est fichu, tout est fichu et tous les rêves partis en fumée.

Mais que fout-on dans cette merdouille ? Heureux ceux qui ne sont jamais venus, mais on ne peut même pas le dire, ils n’existent pas.
Pourquoi a-t-il fallu que je vienne ? Pourquoi Moi ? Tout ceci est une farce, pourquoi a-t-il fallu que la première bactérie fût farceuse ?
Que serai-je dans dix mille ans ? Question  idiote. Tatonga s’arrête à sa mort, il n’y  a pas d’après.
C’est un monde de fous, ha ! ha ! ha !, un monde de fous !

[Tatonga]

La matière inanimée, chauffée à bonne température, s’était donc animée.
C’est la vie.
Une première cellule, farceuse comme on l’a vu, apparait. Mais non contente d’être farceuse, elle se met, une fois devenue homme, à danser, à chanter, à faire de la musique. Ha ! ha ! ha ! Si ce n’est pas ça une foldingue, alors il faut m’expliquer. Je ne sais pas si vous savez regarder les choses sous leur véritable jour ou si vous avez du brouillard dans les yeux, je ne sais pas si vous savez vous étonner comme Newton quand il a vu une pomme tomber de l’arbre ou si vous êtes endormis, mais moi, je vois clair et une bactérie qui chante, ça me fait rire aux larmes !

Végétal ou animal, elle pense, la bactérie. Devenue homme, elle pense aussi ; en plus d’être corps, elle se fait esprit, et vient alors à l’homme pensant une idée que seul un fou peut avoir, ha ! ha ! ha ! Il s’envoie en l’air corps et esprit, très haut dans le ciel, après quoi il entreprend de s’adorer, d’adorer sa propre double image, à l’implorer, à la supplier, ha ! ha ! ha ! Marrant !

C’est fou, je vous dis que c’est un monde de fous, il suffit de bien regarder.
Une folie d’ailleurs… normale, car qu’est-ce qu’une matière inanimée qui s’anime si ce n’est une matière qui a perdu la raison.
La tête lui a trop chauffé, ha ! ha ! ha !

[Tatonga]

Matière inanimée qui s'anime....
Non, évidemment non, c'est idiot, autant croire au surnaturel.
Si la vie et l'esprit émergent de la matière, c'est qu'ils y sont en latence.
Non, c'est encore idiot.
Non, ils n'y sont pas en latence. Pourquoi et comment y seraient-ils en latence, cachés en ses tréfonds ?

Si la matière "inanimée" à nos yeux se transforme en vie et esprit, c'est qu'elle n'est que cela, entièrement vie et esprit, et n'apparait ainsi à nos yeux que si certaines conditions physico-chimiques sont réunies.
Une seule substance donc partout, et non pas deux, et cette substance est vie et esprit, vie et esprit indissolublement liés, inséparables.
Que faut-il en inférer encore ? Sais pas.

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