sans titre
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sans titre
1 – Jérôme
Jérôme jette un œil à sa boite aux lettres. Rien. Amélie ne lui a rien écrit, il a toujours l’espoir de trouver sa petite écriture, les cœurs, les smileys, ces choses qu’il trouvait ridicules trois ans plus tôt. Maintenant, Amélie vit dans une maison de poupée et elle l’affiche sur Facebook. Elle possède un bébé bien rose qu’elle exhibe fièrement, et prétend que le bonheur est son plus fidèle ami. Elle aime toujours Jérôme, c’est évident. Quand on s’est aimé si fort, ça ne s’oublie pas. Quand on a connu le vrai amour à quoi sert-il de vivre encore ? Quel bébé rose ? Quelle maison fleurie ? Quel mari qui pose sur une photo peut remplacer un grand amour ?
Jérôme a toujours été un peu grossier. Il a toujours repeint en noir les rêves d’Amélie, sans le vouloir. Pour elle, il aurait pourtant donné sa vie. Il l’aimait comme personne ne l’aimera jamais. Il l’envoyait balader et elle revenait se pendre à son cou. Elle versait une toute petite larme et il aurait décroché la lune pour elle. Quand elle est partie, Jérôme a cru qu’elle reviendrait. Maintenant, ça fait mille trois cent vingt-six jours qu’il croit qu’elle reviendra. Il n’est pas du genre à s’abaisser à compter. Il compte comme ça, sans réfléchir. Elle reviendra. Aujourd’hui elle n’est pas revenue.
Il prend l’escalier, tape deux coups à la porte de l’appartement du second en passant pour que Manuella sache qu’il est rentré. Quand elle aura couché ses enfants elle montera partager un joint avec lui. Ou plus d’un. Ils seront ensemble. Ils parleront un peu. Peut-être qu’il la sautera, si elle veut se détendre. Si elle se montre tendre comme les jours où elle a envie de lui. Il arrive au troisième et entre chez lui. Ça sent le renfermé, ça sent l’appart où l’on moisit. Il n'y a pas de vie ici. Il ouvre grand les fenêtres et vide les cendriers. Il ramasse ses vêtements de la veille et sûrement ceux de l’avant-veille aussi. Il ne fait pas la vaisselle, ce monticule de plats sales le rebute.
Il se laisse tomber sur le canapé lit.
« Aide-moi »
La voix d’une jeune femme, absolument limpide, près de lui, le fait sursauter. Télévision éteinte, ordinateur éteint, le téléphone… rien. Juste le bruit des voitures qui monte de la rue et s'engouffre par la fenêtre ouverte.
« Aide-moi »
Encore une fois. Ça devient angoissant. Machinalement, il allume la télévision, pour avoir un fond sonore. C’est étrange cette histoire de voix qui appelle mais il n’est pas du genre à croire au surnaturel. Il y a forcément une explication rationnelle. Il retourne fouiller dans son frigo pour y chercher quelque chose à manger, il a passé une longue journée à répéter la promotion du mois, à son poste de vendeur d’abonnement téléphonique. Il voulait s’engager dans l’armée, ouvrir un parc d’attraction, mettre en place le plus grand réseau de trafic de drogue du monde ou devenir une rock star, bien qu’il n’ait jamais appris la musique. Il avait plein de rêves, il y a dix ans. Amélie l’aimait, elle l’admirait, il était assis sur le sommet du monde. Et puis, il a fallu remplir des contrats, satisfaire les attentes de l’école, des employeurs, d’Amélie. Elle ne l’admirait plus. Elle le bousculait. Elle disait qu’il n’avait pas de cœur. Il a appris à jouer de la guitare. C’était comme le reste, c’était une prison quand il fallait s’y tenir. Il a rangé la guitare dans un coin. C’était juste une guitare. Pourtant quand elle est partie, Amélie lui a dit : « regarde ta guitare, elle est posée dans ce coin depuis des années. Pourtant tu la voulais, tu l’as aimée quand tu l’as eue, mais dès qu’il a fallu un peu d’effort et de persévérance tu l’as abandonnée sans un remord. Oui, tu m’as aimée, mais pas au point de te donner la peine de tenir un job plus de trois mois, pas au point de me prévenir quand tu ne rentres pas, pas au point de te forcer un peu pour me faire un sourire quand j’en ai besoin. Mais je ne suis pas une guitare, tu ne peux pas me poser dans un coin. »
C’était juste une guitare, alors qu’Amélie c’était toute sa vie. Elle avait ce genre de colère où elle disait tout un tas de choses injustes et puis elle revenait une heure après avec un nouveau projet, lui racontant une vie imaginaire qu’ils auraient, elle appelait ça leur projet commun. Il lui disait d’aller se faire foutre et il allumait un joint. C’était une dispute comme toutes les autres. Cette fois elle est partie. Depuis, Jérôme travaille chez France télécom. Il ne se dispute plus avec ses collègues. Il est encore plus taciturne qu’avant , mais les autres appellent ça de l’humour. Parfois, ils disent que c’est de l’humour noir. Le noir dans lequel il baigne n’a rien de drôle pourtant. Mais pourquoi ne pas en rire ? Quand il n’est pas trop triste il fait rire Manuella. Les autres soirs, il répète les plus tristes morceaux de guitare qu’il peut trouver. Ces soirs-là, il ne peut pas voir Manuella, il ne peut parler à personne. Il se rappelle des yeux d’Amélie quand elle attendait tout de lui. Quand il aurait décroché la lune pour elle. Quand elle avait dix-sept ans et qu’il en avait vingt, quand il était un héros dans ses yeux. Elle suivait, l’approuvait, l’applaudissait. Elle s’abandonnait dans ses bras et il possédait le plus grand trésor du monde. Quelques années plus tard, elle traçait son chemin, atteignait ses objectifs de vente, faisait des projets communs pour lui et le trainait comme un chien mort au bout d’une laisse. Il se contentait de la mordre lorsqu’elle venait lui donner une caresse. Il l’aimait encore, quand on a connu un grand amour, on ne peut pas l’oublier.
« Aide-moi »
Cette fois ça vient de la télé. Jérôme se précipite au salon et il trouve une jeune femme comme enfermée dans sa télé, elle l’appelle, le supplie.
« Aide-moi ! »
C’est effrayant, elle a les yeux terrifiés. Ses poignets sont mortifiés par des liens qu’elle a dû porter. Ses cheveux tout emmêlés, ses ongles sales, tout en elle est rebutant. D'un geste brusque, Jérôme éteint la télévision.
Ce n’est pas le genre de Manuella, les plaisanteries de si mauvais goût. Ça doit être ses connards de collègues de France télécom, ils passent leur temps à s’envoyer des vidéos dégueulasses. Mais cette vidéo-là, on dirait une vraie, elle était horrible. Était-ce vraiment une actrice ? Un tel souci du détail. Et ces poignets entaillés…
Avant de devenir complètement fou, le célibataire bourru tape deux coups sur le plancher. Il est temps que Manuella monte le rejoindre. Il est un faux solitaire, à quoi sert d’être désinvolte si l’on n'a personne à repousser. Manuella c’est son amante, son amie, sa mère, sa sœur, … mais c’est aussi sa voisine. Quand on a un bruit bizarre dans sa maison, on frappe chez la voisine. Normal.
« Allez, ramène-toi, Manuella »
Jérôme n’a jamais besoin de personne, il ne va pas la supplier quand même.
Jérôme jette un œil à sa boite aux lettres. Rien. Amélie ne lui a rien écrit, il a toujours l’espoir de trouver sa petite écriture, les cœurs, les smileys, ces choses qu’il trouvait ridicules trois ans plus tôt. Maintenant, Amélie vit dans une maison de poupée et elle l’affiche sur Facebook. Elle possède un bébé bien rose qu’elle exhibe fièrement, et prétend que le bonheur est son plus fidèle ami. Elle aime toujours Jérôme, c’est évident. Quand on s’est aimé si fort, ça ne s’oublie pas. Quand on a connu le vrai amour à quoi sert-il de vivre encore ? Quel bébé rose ? Quelle maison fleurie ? Quel mari qui pose sur une photo peut remplacer un grand amour ?
Jérôme a toujours été un peu grossier. Il a toujours repeint en noir les rêves d’Amélie, sans le vouloir. Pour elle, il aurait pourtant donné sa vie. Il l’aimait comme personne ne l’aimera jamais. Il l’envoyait balader et elle revenait se pendre à son cou. Elle versait une toute petite larme et il aurait décroché la lune pour elle. Quand elle est partie, Jérôme a cru qu’elle reviendrait. Maintenant, ça fait mille trois cent vingt-six jours qu’il croit qu’elle reviendra. Il n’est pas du genre à s’abaisser à compter. Il compte comme ça, sans réfléchir. Elle reviendra. Aujourd’hui elle n’est pas revenue.
Il prend l’escalier, tape deux coups à la porte de l’appartement du second en passant pour que Manuella sache qu’il est rentré. Quand elle aura couché ses enfants elle montera partager un joint avec lui. Ou plus d’un. Ils seront ensemble. Ils parleront un peu. Peut-être qu’il la sautera, si elle veut se détendre. Si elle se montre tendre comme les jours où elle a envie de lui. Il arrive au troisième et entre chez lui. Ça sent le renfermé, ça sent l’appart où l’on moisit. Il n'y a pas de vie ici. Il ouvre grand les fenêtres et vide les cendriers. Il ramasse ses vêtements de la veille et sûrement ceux de l’avant-veille aussi. Il ne fait pas la vaisselle, ce monticule de plats sales le rebute.
Il se laisse tomber sur le canapé lit.
« Aide-moi »
La voix d’une jeune femme, absolument limpide, près de lui, le fait sursauter. Télévision éteinte, ordinateur éteint, le téléphone… rien. Juste le bruit des voitures qui monte de la rue et s'engouffre par la fenêtre ouverte.
« Aide-moi »
Encore une fois. Ça devient angoissant. Machinalement, il allume la télévision, pour avoir un fond sonore. C’est étrange cette histoire de voix qui appelle mais il n’est pas du genre à croire au surnaturel. Il y a forcément une explication rationnelle. Il retourne fouiller dans son frigo pour y chercher quelque chose à manger, il a passé une longue journée à répéter la promotion du mois, à son poste de vendeur d’abonnement téléphonique. Il voulait s’engager dans l’armée, ouvrir un parc d’attraction, mettre en place le plus grand réseau de trafic de drogue du monde ou devenir une rock star, bien qu’il n’ait jamais appris la musique. Il avait plein de rêves, il y a dix ans. Amélie l’aimait, elle l’admirait, il était assis sur le sommet du monde. Et puis, il a fallu remplir des contrats, satisfaire les attentes de l’école, des employeurs, d’Amélie. Elle ne l’admirait plus. Elle le bousculait. Elle disait qu’il n’avait pas de cœur. Il a appris à jouer de la guitare. C’était comme le reste, c’était une prison quand il fallait s’y tenir. Il a rangé la guitare dans un coin. C’était juste une guitare. Pourtant quand elle est partie, Amélie lui a dit : « regarde ta guitare, elle est posée dans ce coin depuis des années. Pourtant tu la voulais, tu l’as aimée quand tu l’as eue, mais dès qu’il a fallu un peu d’effort et de persévérance tu l’as abandonnée sans un remord. Oui, tu m’as aimée, mais pas au point de te donner la peine de tenir un job plus de trois mois, pas au point de me prévenir quand tu ne rentres pas, pas au point de te forcer un peu pour me faire un sourire quand j’en ai besoin. Mais je ne suis pas une guitare, tu ne peux pas me poser dans un coin. »
C’était juste une guitare, alors qu’Amélie c’était toute sa vie. Elle avait ce genre de colère où elle disait tout un tas de choses injustes et puis elle revenait une heure après avec un nouveau projet, lui racontant une vie imaginaire qu’ils auraient, elle appelait ça leur projet commun. Il lui disait d’aller se faire foutre et il allumait un joint. C’était une dispute comme toutes les autres. Cette fois elle est partie. Depuis, Jérôme travaille chez France télécom. Il ne se dispute plus avec ses collègues. Il est encore plus taciturne qu’avant , mais les autres appellent ça de l’humour. Parfois, ils disent que c’est de l’humour noir. Le noir dans lequel il baigne n’a rien de drôle pourtant. Mais pourquoi ne pas en rire ? Quand il n’est pas trop triste il fait rire Manuella. Les autres soirs, il répète les plus tristes morceaux de guitare qu’il peut trouver. Ces soirs-là, il ne peut pas voir Manuella, il ne peut parler à personne. Il se rappelle des yeux d’Amélie quand elle attendait tout de lui. Quand il aurait décroché la lune pour elle. Quand elle avait dix-sept ans et qu’il en avait vingt, quand il était un héros dans ses yeux. Elle suivait, l’approuvait, l’applaudissait. Elle s’abandonnait dans ses bras et il possédait le plus grand trésor du monde. Quelques années plus tard, elle traçait son chemin, atteignait ses objectifs de vente, faisait des projets communs pour lui et le trainait comme un chien mort au bout d’une laisse. Il se contentait de la mordre lorsqu’elle venait lui donner une caresse. Il l’aimait encore, quand on a connu un grand amour, on ne peut pas l’oublier.
« Aide-moi »
Cette fois ça vient de la télé. Jérôme se précipite au salon et il trouve une jeune femme comme enfermée dans sa télé, elle l’appelle, le supplie.
« Aide-moi ! »
C’est effrayant, elle a les yeux terrifiés. Ses poignets sont mortifiés par des liens qu’elle a dû porter. Ses cheveux tout emmêlés, ses ongles sales, tout en elle est rebutant. D'un geste brusque, Jérôme éteint la télévision.
Ce n’est pas le genre de Manuella, les plaisanteries de si mauvais goût. Ça doit être ses connards de collègues de France télécom, ils passent leur temps à s’envoyer des vidéos dégueulasses. Mais cette vidéo-là, on dirait une vraie, elle était horrible. Était-ce vraiment une actrice ? Un tel souci du détail. Et ces poignets entaillés…
Avant de devenir complètement fou, le célibataire bourru tape deux coups sur le plancher. Il est temps que Manuella monte le rejoindre. Il est un faux solitaire, à quoi sert d’être désinvolte si l’on n'a personne à repousser. Manuella c’est son amante, son amie, sa mère, sa sœur, … mais c’est aussi sa voisine. Quand on a un bruit bizarre dans sa maison, on frappe chez la voisine. Normal.
« Allez, ramène-toi, Manuella »
Jérôme n’a jamais besoin de personne, il ne va pas la supplier quand même.
- Spoiler:
C'était un début d'histoire mais je ne l'ai jamais terminée, si ça inspire quelqu'un on peut la continuer!, le texte est à vous!
Invité- Invité
Re: sans titre
Amélie aime Jérôme. J’aime ces mots, c’est moelleux, crémeux, onctueux dans la bouche.
Amélie aime Jérôme, le fond est profond, au fond du cœur.
Jérôme n’a pas de qualités, que des défauts, Jérôme a tout raté, a tout fait échouer, tout brisé.
Mais peu importe, Amélie aime Jérôme, un mélange d’amour et de tendresse, une griffure dans la chair, une tache de vin sur la peau.
Amélie aime Jérôme, un mélange d'amour et de tendresse, une fatalité du destin.
Ce texte n’est pas un chant à la vie que tout le monde peut entonner de sa voix, c’est la vie qui chante un chant de la vie, un chant, un de ses chants, que seule l’auteure sait fredonner de sa voix.
Tatonga- Admin
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Date d'inscription : 11/11/2015
Age : 48
Re: sans titre
Meuuuh non.... Il n'a pas que des défaut ce Jérôme, c'est le héro de cette histoire, il va se révéler avec le temps. En fait j'ai déjà écrit un grand bout de cette histoire avant de la stopper. Il ne fait pas trop t'attacher à Amélie, parce que sans vouloir spolier la suite (qui n'existe qu'à moitié) à part dans la tête de Jérôme, on la voit pas beaucoup.
Bon comme ça n'inspire personne je poste un autre bout, Jérôme va avoir un peu de compagnie, la malheureux!
En fait j'avais envie d'écrire un livre qui fait peur, mais je crois que je ne sais pas faire ça... Enfin, je m’entraîne
Bon comme ça n'inspire personne je poste un autre bout, Jérôme va avoir un peu de compagnie, la malheureux!
En fait j'avais envie d'écrire un livre qui fait peur, mais je crois que je ne sais pas faire ça... Enfin, je m’entraîne
Invité- Invité
Re: sans titre
2- Manuella
Dans la vie de Manuella, les hommes ont toujours été de passage. Ses deux petites filles, elle les élève seule. Le père de Mina était violent, celui de Célia était coureur. Elle n’a gardé d’eux que le meilleur, deux petites merveilles qui s’endorment sur son canapé. Chaque fois qu’elle a quitté un homme, elle a dû changer d’appartement, de ville, de travail, d’amis… mais elle a toujours tout reconquis. A chaque départ, c’était une nouvelle liberté retrouvée. Et il s’ensuivait un grand vide, grand comme un puits sans fond.
Sa première rencontre avec Jérôme, c’est Célia qui l’a amorcée. Elle allait tomber de la rambarde de l'escalier et Jérôme, qui passait par là, l'a rattrapée de justesse. Il y avait partout des cartons dans le hall de l'immeuble, il y en avait devant la porte de l'ascenseur et à l'entrée de l'appartement. Manuella emménageait tout en surveillant ses filles. En voyant tout ce remue-ménage et les petites qui jouaient imprudemment dans l'escalier, devant ces monceaux de cartons qui encombraient tout l'espace et gênaient l'accès à l’ascenseur, Jérôme s'emporta :
« Et merde ! », dit-il, en reposant Célia qui se mit à le toiser du haut de ses deux ans et demi.
Il a attrapé tous les cartons qui trainaient partout et les a poussés dans l’appartement avec les petites.
« Voilà ! L’appartement c’est chez vous et l’escalier c’est chez tout le monde, ça veut dire chez personne, ça veut dire on ne vit pas dans l’escalier »
Et il a refermé la porte laissant Manuella perplexe avec l’envie de l’insulter pour sa grossièreté. Elle s’est dit, c’est un connard, les hommes le sont tous mais lui c’est une nouvelle sorte.
Puis il est parti, se disant que cette locataire encombrante avait des seins magnifiques et que c’était bien la seule bonne nouvelle de cet emménagement qui risquait de perturber sa tranquillité. Il s’est demandé si elle serait amie avec Amélie quand elle reviendra. Il s’est dit que non. Elle était trop bohème. Il a pensé une dernière fois à ses seins, parce que c’était le meilleur souvenir de sa journée insignifiante.
Ensuite, étaient venues pour Manuella ces longues soirées d'été où elle tombait dans ce puits qui ne termine jamais. Elle se sentait trop seule. Elle se mettait à la fenêtre pour fumer un joint, écoutant la musique trop triste qui lui venait de l'appartement de Jérôme un étage plus haut, regardant ses filles qui dormaient déjà, avant le coucher du soleil.
Un soir, elle a débarqué comme ça, le baby phone à la main, elle ne s’est pas donné la peine de mentir. Elle venait chercher ouvertement la compagnie de Jérôme sans se donner la peine de dissimuler son intention. Elle a toqué à la porte et elle est allée s’installer sur son canapé. Elle lui a raconté son nouveau job, un peu, pour meubler. Lui, l’a regardée entrer, rire, se balader dans son appartement, commentant l’aménagement, puis s’établir sur son divan, l’air de rien, attendant, sourire aux lèvres, qu’il assure la suite. Il lui a servi à boire, ne lui a pas parlé de son job, a refusé de jouer de la guitare pour elle. Il jouera de la guitare pour Amélie quand elle reviendra. Puis il a vu passer furtivement une ombre de tristesse dans ses grands yeux noirs, au moment où elle parlait de sa toute nouvelle vie, et des douces soirées dans son appartement. Elle ne voulait pas dissimuler que ces soirées douces amères lui serraient la gorge. De longs cheveux bouclés tombaient sur son visage. Jérôme les a dégagés pour mieux lire dans ses yeux noirs. Il l'a renversée sur le sofa, l'a prise tendrement dans ses bras et en a profité pour libérer ses seins. Ses yeux lui avaient dit « serre-moi fort dans tes bras car je tombe »
Quelques minutes plus tard, Mina avait demandé de l’eau dans le baby phone comme un soldat qui demande du ravitaillement dans un talkie-walkie. Manuella s’était envolée aussi légèrement qu’elle était arrivée.
La saison chaude s’est passée ainsi, quand Manuella se sentait seule, elle montait chez Jérôme, ils parlaient, se câlinaient, riaient… Une connivence s’était installée entre eux, ils avaient gardé cette habitude de veiller l’un sur l’autre en bons voisins, parfois amis, parfois amants, toujours complices.
Un nouvel été se profile. Manuella regarde une série télé en débarrassant sa table, elle attend que ses filles s’endorment pour monter chez Jérôme. Il s’impatiente ce soir, il frappe au plancher. Ça la fait rire. Mina est endormie et Célia tête sa tutute en regardant le plafond et en tortillant sa main dans ses bouclettes. La mère dépose délicatement le baby phone près des petites et file rejoindre Jérôme.
- T’as pas de problème avec ta télé ? demande Jérôme en voyant sa voisine entrer dans le salon.
Les portes sont toujours ouvertes quand il attend Manuella, il ne voudrait pas la voir sonner à la porte comme une visiteuse. Surtout qu’elle a toujours boudé la sonnette, elle frappe à la porte énergiquement, elle tambourine, ou joue une musique, bref, Jérôme laisse la porte ouverte c’est plus simple.
- Bonjour quand même, proteste Manuella.
Elle dépose une part de quiche pour lui sur la table basse du salon. Jérôme a cessé de protester qu’elle n’est pas sa mère et qu’il n’a pas besoin qu’elle le nourrisse. Manuella aime cuisiner et prendre soin de son monde, Jérôme en fait partie, il prend donc livraison des divers colis, souvent à manger, parfois une babiole qu’elle a trouvée en passant devant un rayon et dont elle a décidé que Jérôme avait un besoin vital.
- Y a pas de tapis pour la souris de ton ordinateur ?
Et un jour suivant.
- Regarde, j’ai trouvé ça ! Il va super bien avec les couleurs de ton bureau.
Elle installait sa trouvaille en bonne place, n’écoutant pas que Jérôme se contentait très bien de mettre une feuille de brouillon sous sa souris.
Elle n’a pas le temps de poser son baby phone à sa place habituelle que Jérôme l’a trainée devant son poste de télévision. Regarde, quand j’allume n’importe quelle chaine, je vois cette femme. Il met la télé en marche. Manuella voit le présentateur du journal télévisé qui parle. Jérôme commente :
- C’est vraiment une plaisanterie à la con.
Perplexe, Manuella lui fait remarquer que ce n’est pas une femme mais un homme, des plus banals.
- Tu ne vois pas une femme ? s’inquiète Jérôme.
- T’es sûr que tu vas bien ?
Il a l'air tellement perturbé que sa voisine en est impressionnée. Il déclare avoir besoin de repos et demande à son amie de prendre congé. Il y a des soirs où elle sait parfaitement pourquoi elle ne veut pas d’une relation suivie avec lui. C’est sûrement le gars le plus instable qu’elle n’ait jamais connu, pourtant elle en a connu de tous les genres.
Fâchée d’être ballottée, une fois appelée avec impatience, puis l’instant d’après renvoyée sans ménagement, elle quitte le salon, les yeux noirs encore plus sombres, et se dirige vers la sortie. Jérôme se précipite alors dans le couloir, il lui fait une queue de poisson pour la serrer contre lui.
- Attends, je ne t’ai pas dit au revoir
Il dégage les boucles brunes et embrasse tendrement Manuella sur la bouche. Elle voudrait protester mais comment ne pas fondre quand il la tient solidement dans ses bras.
- Tu ne m’as pas dit bonjour, non plus, rétorque-t-elle en l’embrassant à son tour.
- Il n’y a que toi Manuella, que toi que j’appelle, je n’aime pas le dire quand j’ai besoin de quelqu’un. Mais j’ai besoin de toi.
Cette fois, c’est elle qui l’embrasse, puis elle le regarde de ses yeux rieurs :
- C’est un bonjour !
- Reste un peu. Choisis le programme, que veux-tu qu’on fasse ce soir ?
- Un jour j’en aurai marre que tu me balades et je ne reviendrai plus.
- Alors reste avec moi avant que ce jour n’arrive.
Manuella choisit un partie de PlayStation, Jérôme la laisse allumer la télé, la machine l’effraye.
Jusque tard dans la nuit, les murs de l’appartement résonnent de leurs rires.
Et la jeune femme enfermée, attend, elle attend un peu de calme, pour l’appeler encore, il faudra bien qu’il vienne, il est le seul qui peut l’entendre.
Dans la vie de Manuella, les hommes ont toujours été de passage. Ses deux petites filles, elle les élève seule. Le père de Mina était violent, celui de Célia était coureur. Elle n’a gardé d’eux que le meilleur, deux petites merveilles qui s’endorment sur son canapé. Chaque fois qu’elle a quitté un homme, elle a dû changer d’appartement, de ville, de travail, d’amis… mais elle a toujours tout reconquis. A chaque départ, c’était une nouvelle liberté retrouvée. Et il s’ensuivait un grand vide, grand comme un puits sans fond.
Sa première rencontre avec Jérôme, c’est Célia qui l’a amorcée. Elle allait tomber de la rambarde de l'escalier et Jérôme, qui passait par là, l'a rattrapée de justesse. Il y avait partout des cartons dans le hall de l'immeuble, il y en avait devant la porte de l'ascenseur et à l'entrée de l'appartement. Manuella emménageait tout en surveillant ses filles. En voyant tout ce remue-ménage et les petites qui jouaient imprudemment dans l'escalier, devant ces monceaux de cartons qui encombraient tout l'espace et gênaient l'accès à l’ascenseur, Jérôme s'emporta :
« Et merde ! », dit-il, en reposant Célia qui se mit à le toiser du haut de ses deux ans et demi.
Il a attrapé tous les cartons qui trainaient partout et les a poussés dans l’appartement avec les petites.
« Voilà ! L’appartement c’est chez vous et l’escalier c’est chez tout le monde, ça veut dire chez personne, ça veut dire on ne vit pas dans l’escalier »
Et il a refermé la porte laissant Manuella perplexe avec l’envie de l’insulter pour sa grossièreté. Elle s’est dit, c’est un connard, les hommes le sont tous mais lui c’est une nouvelle sorte.
Puis il est parti, se disant que cette locataire encombrante avait des seins magnifiques et que c’était bien la seule bonne nouvelle de cet emménagement qui risquait de perturber sa tranquillité. Il s’est demandé si elle serait amie avec Amélie quand elle reviendra. Il s’est dit que non. Elle était trop bohème. Il a pensé une dernière fois à ses seins, parce que c’était le meilleur souvenir de sa journée insignifiante.
Ensuite, étaient venues pour Manuella ces longues soirées d'été où elle tombait dans ce puits qui ne termine jamais. Elle se sentait trop seule. Elle se mettait à la fenêtre pour fumer un joint, écoutant la musique trop triste qui lui venait de l'appartement de Jérôme un étage plus haut, regardant ses filles qui dormaient déjà, avant le coucher du soleil.
Un soir, elle a débarqué comme ça, le baby phone à la main, elle ne s’est pas donné la peine de mentir. Elle venait chercher ouvertement la compagnie de Jérôme sans se donner la peine de dissimuler son intention. Elle a toqué à la porte et elle est allée s’installer sur son canapé. Elle lui a raconté son nouveau job, un peu, pour meubler. Lui, l’a regardée entrer, rire, se balader dans son appartement, commentant l’aménagement, puis s’établir sur son divan, l’air de rien, attendant, sourire aux lèvres, qu’il assure la suite. Il lui a servi à boire, ne lui a pas parlé de son job, a refusé de jouer de la guitare pour elle. Il jouera de la guitare pour Amélie quand elle reviendra. Puis il a vu passer furtivement une ombre de tristesse dans ses grands yeux noirs, au moment où elle parlait de sa toute nouvelle vie, et des douces soirées dans son appartement. Elle ne voulait pas dissimuler que ces soirées douces amères lui serraient la gorge. De longs cheveux bouclés tombaient sur son visage. Jérôme les a dégagés pour mieux lire dans ses yeux noirs. Il l'a renversée sur le sofa, l'a prise tendrement dans ses bras et en a profité pour libérer ses seins. Ses yeux lui avaient dit « serre-moi fort dans tes bras car je tombe »
Quelques minutes plus tard, Mina avait demandé de l’eau dans le baby phone comme un soldat qui demande du ravitaillement dans un talkie-walkie. Manuella s’était envolée aussi légèrement qu’elle était arrivée.
La saison chaude s’est passée ainsi, quand Manuella se sentait seule, elle montait chez Jérôme, ils parlaient, se câlinaient, riaient… Une connivence s’était installée entre eux, ils avaient gardé cette habitude de veiller l’un sur l’autre en bons voisins, parfois amis, parfois amants, toujours complices.
Un nouvel été se profile. Manuella regarde une série télé en débarrassant sa table, elle attend que ses filles s’endorment pour monter chez Jérôme. Il s’impatiente ce soir, il frappe au plancher. Ça la fait rire. Mina est endormie et Célia tête sa tutute en regardant le plafond et en tortillant sa main dans ses bouclettes. La mère dépose délicatement le baby phone près des petites et file rejoindre Jérôme.
- T’as pas de problème avec ta télé ? demande Jérôme en voyant sa voisine entrer dans le salon.
Les portes sont toujours ouvertes quand il attend Manuella, il ne voudrait pas la voir sonner à la porte comme une visiteuse. Surtout qu’elle a toujours boudé la sonnette, elle frappe à la porte énergiquement, elle tambourine, ou joue une musique, bref, Jérôme laisse la porte ouverte c’est plus simple.
- Bonjour quand même, proteste Manuella.
Elle dépose une part de quiche pour lui sur la table basse du salon. Jérôme a cessé de protester qu’elle n’est pas sa mère et qu’il n’a pas besoin qu’elle le nourrisse. Manuella aime cuisiner et prendre soin de son monde, Jérôme en fait partie, il prend donc livraison des divers colis, souvent à manger, parfois une babiole qu’elle a trouvée en passant devant un rayon et dont elle a décidé que Jérôme avait un besoin vital.
- Y a pas de tapis pour la souris de ton ordinateur ?
Et un jour suivant.
- Regarde, j’ai trouvé ça ! Il va super bien avec les couleurs de ton bureau.
Elle installait sa trouvaille en bonne place, n’écoutant pas que Jérôme se contentait très bien de mettre une feuille de brouillon sous sa souris.
Elle n’a pas le temps de poser son baby phone à sa place habituelle que Jérôme l’a trainée devant son poste de télévision. Regarde, quand j’allume n’importe quelle chaine, je vois cette femme. Il met la télé en marche. Manuella voit le présentateur du journal télévisé qui parle. Jérôme commente :
- C’est vraiment une plaisanterie à la con.
Perplexe, Manuella lui fait remarquer que ce n’est pas une femme mais un homme, des plus banals.
- Tu ne vois pas une femme ? s’inquiète Jérôme.
- T’es sûr que tu vas bien ?
Il a l'air tellement perturbé que sa voisine en est impressionnée. Il déclare avoir besoin de repos et demande à son amie de prendre congé. Il y a des soirs où elle sait parfaitement pourquoi elle ne veut pas d’une relation suivie avec lui. C’est sûrement le gars le plus instable qu’elle n’ait jamais connu, pourtant elle en a connu de tous les genres.
Fâchée d’être ballottée, une fois appelée avec impatience, puis l’instant d’après renvoyée sans ménagement, elle quitte le salon, les yeux noirs encore plus sombres, et se dirige vers la sortie. Jérôme se précipite alors dans le couloir, il lui fait une queue de poisson pour la serrer contre lui.
- Attends, je ne t’ai pas dit au revoir
Il dégage les boucles brunes et embrasse tendrement Manuella sur la bouche. Elle voudrait protester mais comment ne pas fondre quand il la tient solidement dans ses bras.
- Tu ne m’as pas dit bonjour, non plus, rétorque-t-elle en l’embrassant à son tour.
- Il n’y a que toi Manuella, que toi que j’appelle, je n’aime pas le dire quand j’ai besoin de quelqu’un. Mais j’ai besoin de toi.
Cette fois, c’est elle qui l’embrasse, puis elle le regarde de ses yeux rieurs :
- C’est un bonjour !
- Reste un peu. Choisis le programme, que veux-tu qu’on fasse ce soir ?
- Un jour j’en aurai marre que tu me balades et je ne reviendrai plus.
- Alors reste avec moi avant que ce jour n’arrive.
Manuella choisit un partie de PlayStation, Jérôme la laisse allumer la télé, la machine l’effraye.
Jusque tard dans la nuit, les murs de l’appartement résonnent de leurs rires.
Et la jeune femme enfermée, attend, elle attend un peu de calme, pour l’appeler encore, il faudra bien qu’il vienne, il est le seul qui peut l’entendre.
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