Le permis d'enfanter
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Tatonga
gaston21
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Re: Le permis d'enfanter
septour a écrit:Ceci dit, il n'y a aucune erreur de ta part, tu peux avoir le rapport que tu veux avec ces enfants que tu crois malheureux.
Je ne parle pas de moi. Je me demande la responsabilité de nous tous, des professionnel aussi (moi ce n'est pas mon domaine, je ne travail qu'avec des adultes).
Mais je crois qu'avant il y avait toujours une grand-mère, une tante, une voisine, ou un voisin qui captait ce qui se passait et l'éducation de l'enfant ne revenait pas à la mère seule. La j'élimine volontairement le père car de nombreuses femmes en difficultés, sont en plus seule, ou accompagné de compagnons qui ne sont pas les pères de l'enfant, et ne prennent pas cette place, au contraire.
Invité- Invité
Re: Le permis d'enfanter
Le permis d’enfanter /La frontière
Voici encore un petit bout.
7-Kayan en est témoin.
Kayan, c’est une brave dame, la quarantaine, sa boite à sandwich bio dans les mains, elle les trouve plutôt attendrissant. Elle travaille la nuit, sa fille de 20 ans travaille le jour. Ça leur évite de payer une location à deux chambres. Cette fille qu’elle a eue seule, s’il y avait un père, elle l’a soigneusement effacé de sa mémoire. Un jeune journaliste du Monde Reconstruit était venu l’interviewer, il s’appelait Romain. Elle avait dit qu’elle était forte, que sa fille elle saurait l’élever seule, que ce n’était pas un accident qu’elle l’aimait et qu’elle en était fière. Il avait écrit : « A l’heure où élever un enfant relève du choix égoïste d’un couple inconscient, qui sont ces femmes qui bravent la morale et la raison ? Malgré une politique forte de dénatalité votée et appliquées depuis plus de dix-huit mois, sans éducation, sans perspective d’avenir, sans couple ni famille, qui sont ces femmes marginalisées qui mettent délibérément au monde des enfants que la société devra assumer à leur place. Qui sont ces femmes ? C’est Kayan » Il ne lui avait pas envoyé l’article, et elle était tombée face à sa photo en allumant son smartphone. Elle avait trouvé que la photo était bien prise. On est toujours belle à vingt ans, elle était encore plus belle avec la vie qu’elle portait dans son ventre. Elle avait ri, elle avait dit : ce mec est un con ! Il avait raison, c’était dur. Surtout depuis que l’aide financière n’était accordée qu’aux mères qui renonçaient à leurs droits parentaux. Elle avait gardé sa fille. Ce n’était pas grand-chose les colis qu’apportaient Guy Gillet. Quelques couches, quelques vivres. Et puis on a dit dans les journaux que ces associations promouvaient les grossesses à risque, qu’ils cachaient des migrants. Romain a écrit : « tant qu’on nourrit les cafards, il ne faut pas s’insurger qu’ils se multiplient. Commençons par mettre un couvercle sur la poubelle ». C’était devenu plus dur, mais elle avait élevé Sonnie.
Elle avait déjà croisé Marie-Amélie, elle l’avait trouvé belle comme une poupée, belle comme sa fille à elle. Elle n’avait jamais pensé que c’était la fille de JMI. De toute façon elle n’aimait pas les journalistes, surtout pas ceux du monde reconstruit. Kayan, son sandwich bio et Jason étaient arrivés en papotant du temps qu’il fait. Ils avaient traversé la salle commune en direction de la cuisine commune et s’apprêtaient à partager leur repas. En oubliant pas de se donner respectivement les points de socialisation associés à cette action tout à fait naturelle. Elle avait vu une fille dans ses yeux. Dans son regard qui cherchait dans tous les coins. Elle avait vu l’absence d’une fille et le regard qui espère. Kayan travaillait la nuit, elle aimait ça. Cette fille qu’elle avait eu seule, c’était Sonnie. Malgré le contrôle de l’accompagnement intensif, malgré les nuits en dortoir, malgré tout, elle n’avait pas lâché sa fille. Sonnie et elle avaient leur logement. Sonnie et Jason, ils s’étaient aimés mais c’était fini. Et Jason, c’était un peu son enfant aussi. Pourtant ça lui a fit un choc quand elle l’a vu : L’amour, a toujours le même visage. Ils ont fermé les cafés, évalué les échanges, optimisé les corps, mais l’amour, ils ne l’ont pas encore éteint. Jason partait, Marie-Amélie arrivait. Elle l’a vu de loin, a traversé la pièce filant droit sur lui. Kayan avait serré la boite à sandwich dans ses mains, comme pour éviter la catastrophe. Marie-Amélie s’est arrêtée brusquement, elle a dit « Bonjour Jason » Elle l’a dit comme ça. Et il s’est tourné vers elle. Kayan est témoin que tout s’est passé ainsi. Leurs regards se sont rencontrés et tout est revenue à l’esprit de Kayan. Comme si c’était hier, elle l’a reconnu : L’amour, cette catastrophe, ce cataclysme. Le gouvernement n’en viendra pas à bout, l’amour ravagera toujours tout. Kayan l’a vu, comme elle voit sa boite à sandwiche, elle pourrait le jurer. Il y avait Marie-Amélie et en face d’elle Jason a souri. Kayan s’est rappelé qu’il y a vingt ans elle avait aimé. Elle avait aimé un homme qui était parti en zone non-assainie. Un garçon qui ne savait pas baisser les yeux, un garçon qui ne l’avait pas emmenée, pas prévenue, qu’elle avait juré d’oublier. Elle avait oublié et n’avait plus aimé que Sonnie. Mais l’amour n’avait pas disparu. Il frappait encore et Kayan en était cette nuit le témoin. Marie-Amélie perdrait tout et Jason perdrait Marie-Amélie. Kayan a jeté sa boite à sandwich, comme s’il était encore possible de déjouer la prophétie. Elle a tremblé pour eux.
- Kayan ! Voyons, ne jeter pas cette jolie boite. l’a interrompu un travailleur qui passait par là. Elle peut encore servir, et puis il ne faut pas la mettre dans les ordures non recyclables.
L’homme l’a récupéré dans la poubelle et lui a tendu.
Voici encore un petit bout.
- 1-Kimberley, au sommet du monde. :
- De longues boucles rousses qui tombent en cascade sur une chute de rein tatouée. Kim trimballe sa silhouette nonchalante entre les murs de son appartement. Comme le soleil filtre à travers les rideaux pour éclairer ce tableau dans la douceur du matin, JMI se dit qu'il a réussi sa vie.
Une tasse de café à proximité, son ordinateur sur les genoux, de son balcon il regarde sa compagne choisir une robe légère et l'enfiler. Elle aime jouer à l'ignorer et il se ravit de la voir interpréter pour lui la diva magnifique.
- C'est prêt demande-t-elle en prenant place en face de lui.
La brise que la mer rapporte jusqu'à leur terrasse, la surprend de fraicheur. La fraicheur n'est pas le froid, le froid elle l'a connu dans les bas-fonds de son enfance. Et c'est dans l'appartement luxueux de JMI qu'elle combat la misère aujourd'hui. Elle n'aura plus jamais froid, elle voudrait qu'aucun enfant n'ait plus jamais froid.
- Il est prêt ton texte, redemande-t-elle.
Elle est vive, impatiente, parfois sanguine, il traine à répondre, réfléchit, modère ses propos et l'âge ne joue pas pour lui.
- Tiens, lis-le, dit-il en tournant vers elle l'écran de l'ordinateur.
- Oh, non ! Lis pour moi, j'ai à peine dormi cette nuit, je veux regarder la mer. Dans une heure je dois rejoindre mon équipe pour retravailler ma présentation du texte de loi prévue mercredi. Lis-moi ton texte que je sache un peu ce qu'en dit la presse.
Kimberley rit, et quand elle rit, sa voix tombe en cascade comme ses cheveux. Ses doigts vernis enlacent une tasse de chocolat chaud, son regard se perd très loin sur la mer. Elle écoute. Elle écoute toujours attentivement, c'est comme ça qu'elle a appris. Quand on l'a retirée de sa famille, elle avait treize ans. Elle est entrée en foyer pour enfant placé comme on sort la tête de l'eau. Elle avait un bureau, des feuilles que personne ne jetait à travers la pièce, des stylos qui écrivaient bien, et chaque matin, elle pouvait de nouveau partir à l'école. Elle a écouté et elle a appris. Certains enfants étaient durs, elle l'était plus qu'eux, certains faisaient peur, elle les effrayait encore plus, certains savaient mentir, elle le faisait toujours mieux. Petite elle avait dû être forte, plus grande, elle a appris à devenir instruite. Aujourd'hui elle est députée.
JMI est journaliste, ou bien il l'a été. Il est patron de presse, parce que c'est ici que le pouvoir se joue. Est ce qu'il aime l'argent ? Est ce qu'il aime se pavaner et se faire flatter ? Rien de tout cela. Ce qu'il aime, il le partage avec Kim. Il l'a aimée en un instant, quand il a vu dans ses yeux qu'elle brûlait du même feu. Ils ont le même combat, ils éradiqueront un jour la misère. Et ce combat se gagnera avec le Permis d’Enfanter.
- Alors tu me le lis l’édito de ton journal sur le PE!
- Je n'en ai fait qu'une relecture. Tu connais Romain, je lui dis oui ou je lui dis merde. Il ne retravaille jamais un texte à ma demande.
- Romain est un con, tu devrais écrire tes éditos toi-même, ils seraient bien meilleurs.
- Romain est un homme brillant avec un caractère de merde. Je suis content de l'avoir, c'est important de lui laisser sa liberté d'écriture.
- Tu ne crois pas toi-même à ce que tu dis, tu as déjà viré trois éditorialistes !
- Ils étaient mauvais, ils ne pensaient pas comme moi.
C'est JMI qui rit et tout de suite, le rendu est bien différent. Il incarne malgré lui la classe dominante, la satisfaction, l'homme blanc vieillissant, ce fameux pouvoir. C'est pourtant lui qui a accompagné Kim marche après marche, qui lui a donné la clef des portes trop dures à enfoncer.
Kim l'aime, aime le voir rire, aime le voir se battre, elle admire son aplomb, sa patience, sa tendresse aussi quand il est avec elle. Il fallait bien être le jour et la nuit pour mener un combat qui prendra des décennies et qui usera toutes leurs forces.
Alors demande Kim, tu le lis ce texte ? Ou bien je devrais utiliser mes armes pour l'obtenir...
- Edito : Le permis d'enfanter est-il une forme d'Eugénisme ? démarre JMI.
La douceur de cette matinée, la chaleur de la tasse entre ses mains, et la perspective d’un monde meilleur, Kim écoutait en silence.
Quelque pièce plus loin, dans le luxueux appartement, Marie-Amélie claquait une porte, un livre à la main, elle quittait le logement, loin du spectacle répugnant de son père et sa nouvelle maitresse trinquant sur le toit du monde.
- 2-Marie-Amélie, fille de JMI:
Ils s’étaient réunis dans un café. Personne n’était caché, ils étaient chez eux. Des boiteux, des trop grands, un trop petit, des binoclards, des dents tordues… La cour des Miracles. Elle est entrée et elle a pris une chaise. Elle a sorti un livre d’avant les réformes, un truc de Voltaire qu’elle avait piqué sur l’étagère de JMI avant de sortir. Candide. Ça devait être un truc pour les enfants, des histoires de guerre, avec un gosse qui raconte ça. Elle entrait bien dans son personnage, elle se surprit à plonger dans sa lecture sans garder l’œil sur son environnement. Mais elle n’était pas là pour lire ces inepties d’un autre âge, elle devait absolument infiltrer les réseaux des opposants, avec ça elle allait enfin faire un reportage qui marquerait les esprits et inscrire son nom dans la liste des journalistes qui comptent, ne plus être la fille à papa qui a obtenu sa place sans mérite. Après avoir terminé première de sa promotion, enfin eu son accréditation, elle avait prêté serment d’œuvrer pour le bien de l’humanité, elle et paradoxalement son parcours sans-fautes lui attirait les soupçons. Elle était près du sommet mais elle devait encore tout prouver. Elle allait rester en planque ici un moment pour qu’ils s’habituent à elle, quelqu’un finirait par lui parler de Tatonga, ou la conduire à lui, c’était une question patience.
Elle levait les yeux : alors c’était bien vrai, tous ces hommes étaient des opposants à la réforme et ils ne s’en cachaient pas. Certains avaient moins de trente ans, ils étaient nés après, c’était obligé. Pourtant ils avaient visiblement envoyé balader leur programme de santé. En face d’elle, un jeune homme avait gardé des marques d’acné sur son visage. Sa peau couverte de petites cicatrices semblait issue d’un manuel de la réforme, pour montrer ce qui arrive à ceux qui désactivent leur programme de santé. C’était si visible qu’elle se demandait si ce n’était pas une blague. L’autre en face de lui devait dépasser les deux mètres, le pic de croissance mal géré avait vouté son dos. Ces deux-là étaient pourtant si jeunes, une vingtaine d’années, quel genre de parents pouvait désactiver volontairement le programme de santé de leurs enfants ? Les exposants à toute sorte de malformations ? Les plus vieux, elle pouvait encore comprendre, le programme de santé s’était mis en place progressivement dans les années 70, les familles les plus pauvres ou les moins instruites avaient mis du temps à comprendre et appliquer les règles. Sa grand-mère lui raconte encore quand elle a téléchargé l’application pour les soins dentaires, ils ont été dans les derniers à le faire car son mari trouvait que c’était un abus de pouvoir de rappeler à la population l’heure pour se laver les dents. Avant ça, les gens décidaient de se les laver quand ça leur chantait. Parfois tous les trois jours, ou jamais ! On retrouvait des gens avec des dents trouées par les bactéries et même des gamins auxquels on arrachait les dents dans une souffrance indescriptible. Les vieux finissaient leur vie avec des fausses dents, sur pivots ou en dentiers. Manger devenait un calvaire pour eux. Marie-Amélie frissonna. Le lieu devait pulluler de microbes, peut-être même que des maladies éradiquées de la zone civilisée se trouvaient dans ce café. Non seulement ces gens mettaient leur santé et leur vie en danger mais en plus celle du reste de la population. S’ils n’aiment pas notre système de santé, nos avancées technologiques, notre paix et notre prospérité, ils n’ont qu’à rejoindre les zones non assainies, ils verraient si c’était mieux avant.
Personne autour d’elle n’avait sorti son ordinateur de bord, comme si personne ici n’avait de tâches journalières à accomplir. Marie-Amélie avaient plusieurs formations en cours, elle terminait toujours avant le délai estimé, que ce soit en développement de soi, en science, en histoire, ou pour son métier de journaliste. Que c’était agaçant ce livre sur ses genoux alors que la liseuse du journal de bord lui aurait donné le résumé et l’interprétation de Candide de Voltaire en en claquement de doigts. Sans user sa rétine grâce à un écran adapté parfaitement à son besoin de luminosité.
Eclat de rire, les gars qui jouent aux cartes comme une troupe d’enfants dans un bac à sable semblent trouver quelque chose de drôle. Marie-Amélie, happée par le bruit lève la tête vers eux. Du haut de ses vingt-cinq ans, elle les trouve puérils, crasseux…et pourtant elle sait qu’il faudra s’approcher d’eux pour en savoir plus. Ça devait arriver. Un jeu sans arbitre, une bande de caractériels qui ont surement craqué leur journal de bord pour ne plus suivre le programme d’acception de l’autre. Le cocktail était explosif.
- Mais vas-y !!! Dis-lui carrément d’aller à Pique ! Depuis le début vous jouez à la parlante, tu ne vas pas fermer ta gueule !
- Oh Dédé, tempère Gaston, de toute façon il allait y aller… Ne t’énerve pas comme ça !
- Ca y est, tu perds alors tu t’énerves répond un autre vieux. Alors on la finit ou tu vas encore faire ton mauvais perdant, demande Geveil. Plus intéressé par la psychologie humaine que par la couleur annoncée.
Beaucoup d’insultes. Un papy jette ses cartes, l’autre allume une cigarette. Une jeune femme en surpoids, avec un IMC au moins supérieur à 25 vient s’interposer.
- Eteins vite cette cigarette Gaston, on va encore avoir la police. Va dans la cour derrière pour fumer.
« Ah, il y a une cours à l’arrière » note Marie-Amélie. Elle décide de s’en aller avant que la nicotine atteigne ses poumons. Elle prend Voltaire sous son bras, son précieux sac dans l’autre avec son journal de bord à l’intérieur. Déploie ses longues jambes, dont elle joue à travers sa jupe fendue. Elle passe régler au comptoir à la serveuse trop grosse. La journaliste agite discrètement sa chevelure parfaite pour tenter d’accrocher le regard des jeunes gens autour. Mais personne ne lui prête d’attention, ils semblent préférer une bande de marginales, trois filles de mauvais genre qui rient trop fort, et se racontent des blagues douteuses. Marie-Amélie reviendra. Elle va se reposer, débriefer, réfléchir. De gré ou de force ce monde deviendra le sien. Elle veut tout connaitre d’eux. Les montrer comme personne ne les a jamais vus. S’ils ont des lieux de rencontres comme ce café, ils ont forcément du nombre, une structure, des finances, elle veut tout savoir sur eux.
Arrivée dans son espace de co-working, elle commence à écrire. Elle revoit Kim et son père, du haut de leur terrasse. Décidant du monde et se congratulant de ce qu’ils en ont fait. Et elle, elle voit tout ce qu’il reste à faire. Ces rebelles, leurs dents tordues, leur dos vouté, eux, ceux qui ne rentrent pas dans le moule, qui ira les chercher, elle ira, Marie-Amélie, elle n’avancera pas sans eux. Ce n’est pas dans sa chambre aux murs blancs, le regard perdu sur l’horizon qu’elle écrira son article, c’est ici. Entouré des travailleurs pauvres du co-working, ceux qui s’enferment dans les boites insonorisées pour démarcher les clients d’une boite qui n’a pas un coin de bureau à leur offrir. Ceux qui n’ont pas le temps de travailler leur module de développement personnel parce qu’ils atteindront leurs objectifs de vente à lourde peine. Ceux qui ne sont pas vifs d’esprit mais qui travaillent, ceux chez qui la bonne volonté est le dernier rempart avant l’exclusion. Quand elle pense à ces profiteurs, ces inconscients, qui fument, qui jouent, qui parlent mal, et ne se lavent peut-être même pas, il en faudrait peu pour qu’ils contaminent ceux dont la vie est si dure. Pour qu’ils viennent recruter ici des opposants en leur faisant miroiter les libertés faciles. On a atteint à lourde peine, un monde structuré, organisé, sécurisé. On doit le protéger.
- Pardon, j’ai lu par-dessus votre épaule, vous être Marie-Amélie ? La fille de JMI ?
- ….
- Je lis tous vos articles, moi c’est Jason.
Il a tendu la main, comme le font les gens simples, ceux qui s’appliquent à boutonner leur chemise blanche, ceux qui travaillent tard au co-working. Et elle a tendu la sienne. Il était simple, et parfait en tout point. Tout ce qu’il avait obtenu, c’était par lui-même. Elle avait surement pour lui plus d’admiration encore qu’il en avait pour elle.
- 3-Gaston a un secret. :
Papy Gaston a un secret. Un truc qu’il adore par-dessus tout. Et qui l’aide à pédaler. C’est pour ça qu’il vit si loin de tout. Ha la belle Italienne ! Il ne faut pas s’y tromper, ce n’est pas d’elle que l’on parle. Il y a donc la belle Italienne qui vit loin de tout avec lui. Et qui peste d’être si loin. Une heure et demie de vélo pour rejoindre son petit paradis reculé, car quand on vit auprès de ceux qu’on aime, c’est toujours le plus beau des refuges. Il rejoint donc La Belle, et son secret.
Entre 2020 et 2040, la population mondiale a été décimée de 90 pour cent. Ça en fait des logements vides et les campagnes n’étaient pas de ces lieux où il était prudent de trainer. Sans police, sans ordre, sans soin et pour finir sans nourriture, il valait mieux rester grouper, rester en ville. La Belle aux yeux de Gaston est belle depuis 60 ans, soixante ans qu’elle ne cesse d’être belle. En ces temps reculés et dangereux, vivait une belle Italienne, et Gaston avait vingt ans. C’était un peu la guerre, beaucoup la famine. Les hommes se cachaient ou bien luttaient, souvent les deux. Il était interdit de nourrir les animaux, et encore moins les humains non identifiés. Les premiers ayant rapidement disparus, parait-il mangé par les seconds.
Tout était arrivé très vite. La sècheresse avait frappé trois ans de suite, la troisième année, la reconversion était devenue obligatoire, plus d’élevage de bovin, puis dans la foulée, plus d’élevage tout court. La population n’avait pas eu le temps de se révolter contre les rayons vides des supermarchés privés de produits laitiers et de viande qu’ils n’avaient déjà plus de blé. Ces pauvres gens, en ces temps reculés ne savaient pas comment survivre sans les supermarchés qui tel le bon sein les avaient toujours nourris à satiété. Le gouvernement s’est mis à produire du pain et à le distribuer contre présentation de carte d’identité. Des voix populistes ont commencé à se faire entendre : Était-il normal de distribuer du pain en prison ? Donner aux criminels ce qui faisait défaut à nos enfants ? C’était le début de la fin. L’argent de valait plus rien. Le système de distribution de pain était prêt à s’écrouler, tout le monde hurlait dans les rues. On a réduit les rations de pain dans les prisons, fait sortir les assassins et fait entrer les leaders de ces mouvements de foule incontrôlables. Mais rien de les arrêtait plus. On a dû fermer les écoles, puis les hôpitaux. On disait aux familles, ramenez vos malades chez vous. Ici, on ne peut plus rien pour eux. Il aurait fallu enfermer tout le monde, plus personne ne suivait aucune consigne. Ça sentait le brulé partout, on ne relevait plus le nombre de morts dans les manifestations. On mettait des planches devant les fenêtres pour éviter les pillages. Chacun cachait ses petites provisions. Ils ont élu Delsey dans un chaos sans nom. C’était un monstre, on se déchirait dans les rues, ne fallait-il pas passer par là pour sortir du chaos. La rue voulait du pain, du lait et de la viande. Lui allait faire le tri et les braves gens seraient nourris. C’était très simple. Une carte d’identité pour les braves et pour les autres on la désactivait. Après trois ans de pire en pire, on avait touché le fond. Les évadés de prison, les clochards, les fous, les malades, les isolés, les trop faibles, ceux qui n’avaient simplement pas compris comment il fallait activer leurs droits, erraient comme des âmes en peine, le ventre creux. C’était arrivé à peu près comme ça mais chacun avait sa façon de le raconter.
Gaston a été bercé par ces histoires puisqu’il était né dans ces temps reculés. La Belle Italienne aussi, l’histoire était la même un peu partout. Ses parents étaient venus quand Delsey avait été élu. Il promettait une carte d’identité à toutes les infirmières diplômées. Les hommes disparaissaient, le gouvernement recrutait à tour de bras, on était avec ou on était contre. Avant le gouvernement unifié, c’était l’enfer sur terre. Delsey avait créé une nouvelle nation et la population y avait adhéré avec enthousiasme. Vive le gouvernement unifié !
Mais rien n’arrête la vie. La belle italienne avait 18 ans, elle marchait la tête haute. Son teint était mat. Les familles cachaient leurs filles, Gaston trainait les rues. Ca la faisait rire. Gaston disait : « camarades unifiez-vous » Il avait lu ça dans les livres poussiéreux de son pote Dédé. Et La belle italienne l’avait prédit : Vous ne changerez pas la nature de l’Homme.
Vingt ans de misère et de dictature, ça détruit un pays. Alors à l’échelle du monde entier, c’était horrible. Le despotisme s’était installé partout. Des plus pauvres aux plus riches, aucun pays n’était passé à travers les mailles de ce filet qui avait ratissé le monde. Il restait les livres parce que ça ne mange pas de pain. Et le web n’était pas encore sécurisé. On n’avait pas mangé les écrans, ils étaient toujours là diffusant des idées aussi diverses que variées. Dans ce marasme, Gaston avait été l’un des premiers à le soutenir, le gouvernement unifié, pour tous les peuples. C’était une belle idée. Il avait vingt ans et rien n’arrête la vie. En 2040 le gouvernement unifié a pris le pouvoir, ils criaient de joie, il a embrassé la belle italienne. Ils ne se sont plus quittés. Oui, le gouvernement unifié, il y a cru et il a participé à sa construction avant d’en toucher les limites et de rejoindre la rébellion. La Belle n’est donc pas le secret de Gaston. Le secret est ailleurs.
Il y a 10 ans, la belle Italienne était déjà belle depuis 50 ans, Gaston s’était lassé de courir derrière moins belle qu’elle et ils coulaient d’heureux jours dans leur maison à la campagne. Sur son Tableau de bord, La Belle n’avait que des bons points, tout le voisinage l’évaluait comme la plus gentille mamie du coin. Et elle avait rempli toutes les conditions pour un logement assisté en ville. Avec la climatisation, une assistante de vie 3 heures dans la semaine, une livraison à domicile de produits de première nécessité et tous ces avantages qu’elle s’usait à expliquer à Gaston.
- Si tu valides au moins trois modules de ce maudit tableau de bord, on aura une évaluation suffisamment positive pour obtenir un appartement grand âge pour nous deux !
A pas de souris, Gaston quittait la pièce, il n’osait pas dire non, il faisait trainer ses conditions. Il filait en douce dans la forêt. Comme autrefois.
Il y a déjà dix ans, il avait filé dans la forêt, accompagné de son vieil ami Geveil. Lui et son réseau avait l’habitude de secourir les non-identifiés. On n’avait pas renoué avec la prospérité mais tout le monde mangeait à sa faim. Geveil avait trouvé une portée de chiots dans la forêt. La population animale étant strictement réglementée, les chiens avaient quasiment disparu. Il y avait une équipe de gestion animalière qui allait passer pour les récupérer. Il avait signalé ça sur son ordinateur de bord.
- Regarde leurs yeux ! On ne peut pas leur faire ça. Il faut les planquer. Suppliait Gaston.
- Tu es fou, avait répondu Geveil, on ne va pas mettre en danger tout notre réseau pour une connerie pareille.
- Ils valent autant qu’un homme, avant il y en avait dans toutes les familles. Ils sont très intelligents et sensibles, incapable des horreurs que commet l’homme au quotidien.
- On recycle tous les déchets, tu vas les nourrir comment ces bêtes, ils vont crever au prochain été.
L’équipe de GA : « Gestion Animalière » était venue les prendre. Geveil avait su lui faire entendre raison, mais le soir même, il avait déposé Grenache chez La Belle. C’était un beau berger allemand. Il était là le grand secret, dans un carton dans la grande cour de la maison de La Belle. Et c’était pour lui que Gaston n’avait jamais quitté la campagne, jamais quitté les rangs de la rébellion non plus. Depuis dix ans, ils n’ont pas quitté la campagne. Il faut assez d’espace et des voisins fiables pour planquer Grenache. La Belle avait pourtant résisté à toutes les concurrentes qui avaient parsemé la vie trépidante de Gaston. Et maintenant, elle partageait son amour avec Grenache.
- 4-Jason et ses amis.:
Clac ! Le bruit du ballon qui rebondit sur le bitume du terrain. Parce qu’il n’y a rien de plus cool.
- Allez, la pause est finie, on y retourne, suffoque Azzi en bloquant la balle.
- Vas-y une dernière. Mort subite, celui qui marque remporte tout.
- T’es vraiment prêt à tout pour ne pas y retourner. T’as 10 paniers d’avance, c’est bon t’as gagné.
L’espace de co-working propose un petit espace relaxation, trois lits-banquettes, un sauna- douche et lampe solaire pour compenser le manque d’exposition aux rayons naturels. L’espace extérieur reste cependant recommandé, il dispose d’une cage de foot, un panier de basket et un panneau de rappel : « le sport est votre meilleur allié pour la santé – Jeux vidéos strictement interdits dans l’enceinte du co-working »
- On a dit une heure par jour, et une heure de jogging, ordonne Jason.
- On a joué plus d’une heure et tu m’obliges à venir travailler en courant. C’est bon, j’ai atteint mon objectif. Et toi, laisse tomber, ton corps d’athlète ne changera rien au problème.
- Je l’ai vue ! réaffirme Jason.
- Oui, il l’a vue. Confirme une fille assise sur un banc, son ordinateur de bord sur les genoux.
- Ok, tu l’as vue, concède Azzi.
Les deux complices se moquent gentiment de leur ami commun.
- Allez, va travailler, je vais lui envoyer les dix paniers qui te manquent dans les filets, tranche la fille en se levant. Il me reste vingt minutes d’activité physique intense. A moins que tu n’aies une autre idée à me proposer Jason….
Elle se lève, range son ordinateur de bord, arrache le ballon des mains d’Azzi, et marque un panier sous le regard perplexe de Jason. Sonnie est frêle et dynamique. Drôle, souvent furieuse, toujours première. Parfois méchante, parce que la vie l’est aussi.
- Laisse tomber Sonnie, il est envouté. Et puis tu sais bien que l’homme de tes rêves c’est moi.
- Evidemment, Jason n’a pas d’idée de toute façon, aucune qui n’entre pas dans son plan de développement. A force de développer ton intelligence, il n’y a plus de place pour l’esprit dans ta petite tête, dit-elle à Jason, en lui envoyant une balle comme un boulet de canon.
- Ouf ! expire Jason en encaissant le ballon de basket en plein ventre.
- T’as l’air d’un con planté comme ça. Parce que toi tu l’as vue, mais Marie-Amélie, elle ne t’as pas vu, continue Sonnie. T’es transparent pour elle. Elle vient surement faire un article sur ces braves travailleurs du co-working, comme la Gestion Animalière qui va filmer la réintroduction des moutons à la campagne. Elle s’en fout de toi et au mieux elle t’étudie.
Jason se met à dribbler et avance tranquillement vers le panier. Tel un ouragan, elle le rejoint, frappe le ballon de basket qui s’envole dans les airs. Il tente de le rattraper et d’une gifle bien placée elle l’envoie à Azzi. Ce dernier réceptionne le missile avec surprise et le pose au sol.
- Ca y est, vous m’avez gavé avec vos histoires. Je retourne à l’intérieur, je me fais encore 10 dépannages sur la hot line et je rentre. Bye ! J’en ai ma claque de passer mes journées ici. Et c’est la balle qu’il faut frapper Sonie, pas le pauvre cœur meurtri de Jason !
Sonie se marre.
- Le cœur meurtri de Jason, hahahhahahaha et tu le situes où ? Si on ouvrait sa cage thoracique, on y trouverait un trou béant. Gardez votre ballon, et t’as qu’à prendre mes clients Jason, moi je me barre, dit-elle en quittant la cour.
Devant lui, Jason fait rebondir la balle : Clac. Clac. Clac. Il fait frais. Clac. Clac. Clac. Sonnie est parti. Azzi s’est assis. Clac. Clac. Clac. Jason s’approche de lui.
- Tu crois qu’elle est partie les rejoindre ?
- Tu lui as brisé le cœur.
- Arrête tes conneries, c’est elle qui m’a quitté, se défend Jason. Et elle m’en a fait voir de toutes les couleurs avant ça… Et après aussi.
- N’empêche qu’elle t’aimait.
- Au début, peut-être, on a grandi ensemble, on a passé ensemble la porte de l’espace de co-working, putain, Azzi, t’étais avec nous, on était fous de joie, on était les plus forts, on était les seuls à venir des familles en accompagnement intensif, les seuls à rentrer dormir dans les dortoirs de l’état, les seuls à savoir où on allait parce qu’on savait où on ne voulait pas retourner. Avec Sonnie, on n’était pas juste des jeunes amoureux, elle était tout pour moi.
- Ce n’est pas elle qui a changé, c’est toi, répond Azzi en sortant une unique cigarette de la doublure de son jogging.
- Tu vas pas fumer ici, t’es fou !
- Tu vois qui a changé. Avant tu étais avec nous dans tous les plans. Les bons et les mauvais, on se moquait d’eux et leur système, on voulait tout décrocher pour arriver en haut mais ne jamais devenir comme eux.
- « Eux » c’est qui « eux », C’est Sophie, Louis, Kayan, les gars avec qui on travaille tous les jours, c’est « eux » que tu détestes ?
- Je n’ai pas dit que je les déteste, mais moi je sais que je ne suis pas comme eux. Et toi tu l’as oublié. Moi, je ne balance pas à la figure de Sonnie qu’elle n’arrive pas à la cheville d’une Marie-Amélie.
- Vous me saoulez ! T’as qu’à les rejoindre toi aussi. Vas-y. Je n’ai besoin d’aucun de vous. Vas-y, fume ta cigarette sous la caméra et ne viens pas me dire après que tu t’es fait viré du co-working parce que tu n’es pas comme « eux » Vas-y !
Jason baisse subitement d’un ton, il attrape le visage d’Azzi des deux mains. Il fait toujours aussi frais, la nuit tombe. Le ballon a roulé dans un coin de la cour.
- Vas-y, rejoins la résistance avec Sonnie, mais n’oubliez jamais que vous aviez tout, tout dans vos mains et c’est vous qui êtes partis. Moi j’ai mieux à faire, je ne gâcherai pas ma vie pour vos idéaux biaisés. On est plus fort, plus intelligent que personne ici. J’ai rien oublié, je sais où je vais, vous ne pouvez pas en dire autant.
Jason ramasse le ballon de basket et sans attendre la réponse d’Azzi, il prend la direction du vestiaire. Une bonne douche, c’est une douche chronométrée, car la consommation d’eau est réglementée. Il prend le temps de s’habiller impeccablement. Il ajuste son costume dont il prend un grand soin. Il brosse ses cheveux noirs et les discipline avec un gel composé de produits cosmétiques biologiques. Il coiffe ses sourcils noirs aussi, regarde longtemps ses yeux noirs dans le miroir. Il coche quelques cases sur son ordinateur de bord.
- 70 minutes de sport intensif
- 70 minutes d’exposition à la lumière naturelle du soleil
- 15 de socialisation avec ses collègues de travail. Sonnie. Azzi.
Evaluer votre rapport amical. Non, il décoche. Ils mériteraient un bon zéro chacun, voire même une signalisation pour mise en danger de la société. Il re-coche aussitôt la case. Il leur donne 4/5 à chacun. Sonnie est partie trop tôt, elle ne fait jamais ça. Elle n’a pas reçu tous ses appels de clients. Azzi est occupé à fumer sous la caméra. Il voudrait s’en foutre de tout ce talent gâché, s’en foutre de ses seuls vrais amis, ceux qui ont remplacé la famille qu’il n’a pas. Il leur envoie quelques étoiles.
- 1 douche journalière
- 1 brossage de dents
Jason sort du vestiaire, il va partager son repas du soir avec Kayan dans l’espace restauration du co-working. Un repas équilibré, bien évidement dont il détaillera la composition dans son journal de bord. Il travaillera jusque tard dans la nuit. Il croisera Azzi, ils ne se parleront plus. Le cœur lourd, mais le pas assuré, il reprend la marche vers ses objectifs.
Il est déjà 2h du matin. Jason est au bout des objectifs de sa journée. Azzi et Sonnie sont partis depuis longtemps. Il s’apprête à remplir son ordinateur de bord et quitter le co-working quand une voix le fait sursauter.
- Bonsoir Jason.
C’est elle. Marie-Amélie.
- 5-Romain, le rédacteur en chef du journal de JMI:
- Edito : Le permis d'enfanter est-il une forme d'Eugénisme ?
Romain est le genre d’homme qui arrive en retard à la réunion mais que personne ne signale sur son journal de bord. La débriefe du matin a déjà démarré mais ce n’est que lorsqu’il aura donné son avis que l’équipe prendra note de la direction à suivre pour la journée.
- La députée Kimberley Jovichey donne une interview sur le permis d’enfanter, on couvre ? demande la responsable du département politique du journal.
- Pas question, répond un collaborateur de la rubrique people, tout le monde connait sa relation avec JMI, on va se faire lyncher, le journal est déjà accusé de servir le gouvernement, c’est un coup à perdre définitivement notre crédibilité.
Ils sont trop sages, insipides, s’il fallait attendre ces gens pour faire un journal, il serait plus intéressant de lire le dictionnaire. Et ça parle encore… Romain n’est pas arrivé assez en retard. Il va falloir les supporter encore un peu.
- On ne peut pas faire l’impasse, se défend la responsable du département politique, le permis d’enfanter, c’est la révolution à la fois sociale et politique, c’est le grand changement de notre époque. Si Kimberley Jovichey fait passer cette loi, toute notre société aura pris un virage capital. Romain, qu’en penses-tu ?
Voilà, c’est l’heure à laquelle il aurait dû arriver. 9h27. Cette équipe d’incapables a pu se passer de lui 27 minutes. Le Monde Reconstruit est un journal historique, le plus grand, le seul indépendant. Les autres lèchent tous la patte du gouvernement. Avant 2040, avant l’arrivée au pouvoir du gouvernement unifié, ils ont été les premiers à se remettre debout. On raconte que ce sont eux qui ont rétabli la connexion internet pour pouvoir diffuser leur premier numéro. Après la crise de 2020, il n’y avait plus rien, plus d’internet, à peine quelques générateurs qui marchaient à l’essence. Et le gouvernement ultra-répressif de Delsey en France n’avait pas internet comme priorité. Il diffusait quelques bulletins de propagande papier qu’il avait le culot d’appeler journal. Les Chinois et les Indiens avaient été les premiers à rétablir la connexion internet. Le gouvernement quasi dictatorial de Delsey faisait barrage pour empêcher qu’internet reprenne vie en France. Le père de JMI était dans l’équipe qui a rétabli internet, et lui a fondé son journal : La reconstruction. Ils offraient même une tablette, l’ancêtre du journal de bord, à toute personne qui s’abonnait un an au journal. C’était audacieux de donner une tablette à un homme qui demande du pain. Tous les gars du gouvernement unifié venaient de cette équipe. Une bande d’idéalistes qui s’imageaient que l’unification était la clé pour s’en sortir. Personne avant eux n’avait envisagé que la France serait la première à relever la tête. Il y a 100 ans personne n’aurait pu imaginer un gouvernement pour tous les pays d’Europe et encore moins que la Russie, la Chine et l’Inde les rejoindraient. Quand il a fallu fixer la frontière, tout le monde voulait être dedans. Mais qui avait fait ça ? Un miracle de volonté commune de paix et de prospérité ? Qui était le lien entre les Chinois et la France ? Qui passait ses nuits à traduire en anglais les infos qui inondaient l’Inde ? La plume talentueuse, la force de cette entreprise ce n’était pas les barricades qu’on déplaçait de notre jardin à une lointaine frontière. C’était eux qui galvanisaient les foules, promettaient du pain en échange d’un petit programme sur leur tablette. Quelques informations pour qu’on réapprenne à vivre ensemble. Ils allaient tous s’y mettre, signaler les points d’eau potable au début, puis qui a des légumes dans son jardin, et au milieu on nous disait que la Chine allait nous rejoindre. Une femme de confiance dans chaque quartier pour garder les enfants de celles qui réparent les usines, des cœurs et des étoiles pour nos bons soldats qui partaient à la frontière. Les Chinois étaient les premiers à avoir su remettre leurs usines et leur réseau internet en route, ils avaient des applications pour toutes les questions. Et les jeunes français avaient des réponses pour toutes les remplir. Quand le gouvernement unifié est arrivé au pouvoir, c’était l’euphorie dans la rue. La fin de toutes les guerres, des pillages, des famines, la fraternité retrouvée. Ils avaient imaginé une frontière flottante qui engloberait le monde en entier avec le temps. Mais ça personne ne l’a retenu. Elle a été si dure à fixer que plus personne n’y toucherait. Aujourd’hui, les habitants de l’unification pensent que l’Histoire n’est qu’une matière rébarbative, ils croient que tout est certain et acquis. Ils oublient qu’il y a 100 ans, ici, on mourait de faim, c’était la guerre, et personne n’était à l’abri. Les contenus politiques on s’en désintéresse, et un tuto de maquillage fait plus de vue que son édito sur le permis d’enfanter. Romain sait où il va, parce qu’il sait d’où il vient.
- Alors Romain ? T’en pense quoi ? insiste le collaborateur de la rubrique people.
Le rédacteur en chef, éditorialiste, successeur de JMI, lui, Romain, lève les yeux de son tableau de bord.
- N’appelez plus ça le permis d’enfanter. C’est la loi Jovichey. Non appelez là, la loi Kimberley, c’est plus glamour, ça marquera mieux les esprits. On couvre l’interview mais laissez parler les autres. Un petit encart, ça suffira. Laissez-la aller au feu, faites la une sur une autre question. Un sujet qui intéresse tout le monde mais vous le traitez façon intello.
- Les applis de rencontre ? Propose la sociologue.
- Ah non, pitié, on nous colle ça à toutes les sauces, soupire Romain. Au fait où est la fille de JMI ?
- Marie-Amélie ? Elle n’aime pas qu’on l’appelle la fille de…
- Ok, je m’en fous. Elle est où ?
- Elle est sur un projet, je ne sais pas quoi, mais de toute façon elle n’est pas responsable d’un département du journal, elle n’a aucune raison d’être ici, elle n’est même pas convoquée.
- Bon, tu n’as pas de réponse à ma question pour résumé. Dites-lui d’arrêter son projet et je la veux ici tous les matins à 9hOO pour la débriefe. On part sur le célibat, on le traite en transversale : socio, people, politique…
- J’avais un projet à soumettre sur les applis de rencontre, le système est discriminant jusque dans son algorithme. Une personne issue d’une famille en accompagnement intensif se voit proposer trois fois plus de profils de célibataires issue de la même situation. démarre la sociologue
- On s’en fout, la question du célibat c’est : Pourquoi un couple longue durée donne accès à de précieux points de sociabilité ?
La sociologue monte le ton :
- Parce qu’un couple stable augmente l’accès à une vie stable, à une santé plus surveillée, à un plus grand souci d’autrui et de la communauté.
Elle déteste Romain qui se croit tout permis. C’est à se demandé comment il n’a pas un bon 0/20 en sociabilité. Et elle ne se demande pas pourquoi il n’a pas le statut en couple.
- Bravo, vous avez déjà la thèse, vous me chercherez l’antithèse. Il doit bien avoir moyen de considérer la valeur d’un individu au-delà de sa capacité à se coller par deux.
Romain se retourne vers son seul allié. Un ami de JMI qui refuse de partir à la retraite : le responsable environnement et écologie. Marc, tu as ton sujet principal pour la journée ?
- Je pars à la brigade de Gestion Animalière, ils envisagent de réintroduire quelques chiens, chats, oiseaux, dans les campagnes. J’avais envie de faire une rétro sur l’époque où les chiens vivaient parmi les hommes. Et puis je suis sur une piste, ils vont faire une perquisition chez un couple de vieux qui auraient planqué un chien chez eux.
- Et ben voilà, tu ne les lâches pas d’un mètre et tu nous tires une jolie photo du vieux qui pleure quand on lui prend son chien.
- Ça reste à vérifier, je ne crois pas que les chiens après tant d’année de vie sauvage soient capable de vivre dans une maison, ni que des personnes âgées puissent en tenir un en captivité. Mais la brigade de gestion animalière a reçu plusieurs témoignages, enfin, je couvre l’affaire et je te maile un premier retour dès que l’intervention est passée. Au pire, je ferais un petit shooting dans le coin, des maisons à l’ancienne, des routes non-homologuées, je devrais avoir de quoi tirer quelques clichés et je colle ça avec une retro chien et homme.
- C’était les symptômes d’une société très malade où les citoyens en manque de sens et de cohésion, reportaient un amour maladif sur leurs animaux de compagnie, précise la sociologue.
- Bon, vous voyez si vous pouvez faire quelque chose ensemble. On boucle la réunion, vous m’envoyer les premiers jets dès que c’est au point et ce soir on clôture avant minuit. Je dois encore trouver l’âme sœur pour remonter ma cote de sociabilité.
Romain sort, son journal de bord à la main. Il laisse sa chaise de travers, sa tasse de café sur la table, ne salue personne et quitte la pièce. Le reste de l’équipe se regarde un instant.
- C’est vraiment un con ce mec, pense la sociologue.
- Quel con, se dit la responsable du département politique.
- Sale con, murmure le collaborateur de la rubrique people.
Son seul allié prend la parole.
- Ce n’est pas un simple journal « le Monde Reconstruit », c’est le dernier à ne pas dépendre du gouvernement, et le dernier à pouvoir peser sur l’opinion publique.
- Ah oui ? Demande la sociologue, en l’alimentant avec la rubrique des chiens errants !
- Il sait comment faire tourner ce journal, on a besoin de lui, même si c’est un con.
Voilà, tout le monde est d’accord. Romain est un con.
Marc se lève, range la chaise de Romain et met sa tasse dans le lave-vaisselle. Il se tourne vers la sociologue : tu viens avec moi ? Je voudrais rencontrer la brigade de Gestion Animalière avant leur intervention.
- 5-Grenache, le chien de Gaston, :
L’odeur du café flotte dans la pièce, le bruit des tasses que l’on débarrasse, cette maison qu’il adore, il est temps d’aller promener son compagnon. Il lui fait signe, et c’est à jurer qu’il l’a compris ! Comme si, sans parole, leurs cœurs se répondaient. Grenache en est certain, les hommes sont tout à fait capables de ressentir et d’aimer comme n’importe quel animal. Ils sont seulement limités par leurs sens qui sont peu développés. L’homme doit faire analyser toutes les situations par son cerveau, c’est son seul moyen pour comprendre ce qui se passe. Comme son cœur et son instinct sont très peu utilisés, l’homme se trompe souvent, ce qui explique les nombreuses catastrophes qui sont arrivé à travers lui dans le monde.
Mais Grenache pourrait le jurer, quand il plonge son regard dans celui de Gaston, il sait que l’homme est un animal comme les autres, il est capable d’aimer aussi et son instinct n’est pas mauvais, juste dénaturé par des millénaires de mauvaise utilisation. C’est à tout cela qu’il pensait regardant La Belle laver les tasses que Gaston essuie. Ils sont si mignons ces humains, on s’y attache.
Le chemin pour rejoindre la forêt n’est plus vraiment sûr, parfois des jeunes de la ville voisine s’y aventurent. Grenache a habitué Gaston à ne pas crier, par sécurité. Dès que le portail de la cour s’ouvre, il part, ventre à terre, et l’attend à la lisière de la forêt. Il a fallu éduquer Gaston correctement pour qu’il ne se mette pas à courir derrière lui, pauvre humain, à son âge, si vous l’aviez vu, courir derrière Grenache, hurlant son nom, il était tout perturbé. Et après on dit que les hommes n’ont pas de cœur… Bref, il s’est habitué, Gaston, maintenant accepte que Grenache aille se mettre en sécurité et le rejoint paisiblement au point de rencontre. Il n’est pas facile d’apprendre à un homme à reconnaitre un arbre, ou un territoire, mais Gaston a quelque chose d’animal, c’est surement pour ça qu’il est si attachant.
Ce jour-là, comme chaque matin, Grenache attendait Gaston, une centaine de mètres plus au nord. Son odeur familière approchait lentement. Museau dans le vent, Grenache humait l’air histoire de s’assurer qu’ils ne seraient pas dérangés par la brigade de GA, mais le chagrin flottait dans l’air. Au loin il entendait le sanglot d’une jeune humaine et le sol avait été foulé par une femelle en fuite. Gaston arrivait à pas tranquille, impossible d’expliquer à ce pauvre homme que l’un de ses congénères était en difficulté. Il avait été dressé à reconnaitre quelques aboiements ou mouvements, l’humain comprenait au moins que quelque chose clochait. Il fallait le conduire jusqu’à la jeune humaine en le devançant suffisamment pour qu’il ne puisse pas lui passer une laisse autour du cou, en restant suffisamment près pour qu’il le voie et le suive. Comme à chaque fois, il confondait avec la brigade de GA, il comprenait le danger mais était incapable de l’identifier. Et comme toujours Gaston s’inquiétait et tentait d’obliger Grenache à rentrer à la maison pour le mettre à l’abri.
- Reviens là ! Bougre d’idiot ! criait l’homme. Au pied ! Tu vas voir, c’est fini les balades sans laisse ! Grenache ! Je n’ai plus vingt ans pour te courir après.
C’est vrai que les hommes sont mignons, comme si à vingt ans il avait eu une chance de gagner Grenache à la course. Enfin, l’homme ne sentait rien, ne comprenait rien et il fallait le mener jusqu’à elle. Ça n’a pas été facile, mais Gaston est un brave homme et malgré son grand âge et il a bien suivi. Evidemment, les voyant approcher, la jeune humaine a pris peur et a commencé à courir. Les humains savent pourtant que les chiens courent plus vite qu’eux mais leur instinct n’a pas d’autre option, ils ne savent plus se cacher correctement ni se mettre à l’abri. Donc elle court. Grenache lui part après, et elle se met à hurler. Voilà, puisqu’on en parle, ce que Grenache voudrait expliquer à l’homme. Soit on fuit, discrètement et silencieusement, ce qui n’est pas la plus mauvaise des solutions, à condition d’être le plus rapide. Soit on crie, aboie, brame, croasse, hurle ou hulule, on fait face comme on peut. Mais l’homme, part en hurlant, très mauvaise stratégie, avec un fonctionnement pareil, c’est à se demander comment ils ont survécu jusque-là.
Au loin, Gaston essaie encore de rappeler Grenache. La jeune fille a fini par tomber toute seule et elle hurle toujours autant. Ses hormones atteignent directement le cerveau de Grenache en traversant ses narines, elle attend un bébé. Grenache recule, elle est terrorisée et désespérée, il a peur de prendre un coup tant elle se débat. Gaston arrive enfin.
Les humains parlent beaucoup pour échanger peu d’informations, ou en tout cas une grande quantité d’informations inutile. Quand la jeune fille semble calmée, Grenache va faire son petit tour, confiant l’humaine à l’humain, il est temps pour lui de se détendre. Il va fouiner un peu autour pour voir qui est passé par là ces derniers jours, il adore faire ça. Il a toujours l’espoir de humer le passage d’une jolie chienne sur son territoire. Hélas, elles sont plus rares que les grosses bottes en caoutchouc de la brigade de GA. Ah oui, les humains, que se disent-ils ? Un seul parle, c’est Gaston, il essaie de relever la jeune humaine, qui le repousse. Il pose de nombreuses questions auxquelles elle ne répond pas. Il tourne autour d’elle tout inquiet. Ça dure longtemps, il négocie pour gagner sa confiance. Elle finit par le suivre.
Qu’on est bien chez soi. A peine le portail ouvert, Grenache file dans sa cabane. Il lape sa gamelle d’eau et s’offre un sommeil bien mérité. Mais les humains eux, ils sont tout en ébullition. Par la fenêtre ouverte, Grenache entend tout, cette tension le dérange un peu dans son sommeil. Ils disent des choses comme ça :
D’abord La Belle a crié : « Mon Dieu ! D’où sort cette gamine ! Elle est blessée ! » Elle a de petites écorchures sur les mains, mais les humains paniquent à la moindre goutte de sang.
La Belle et Gaston se sont ensuite disputés devant la « gamine » muette et en larme. La Belle voulait la cacher, Gaston lui disait qu’elle était folle. Puisqu’elle n’avait pas de tableau de bord c’était surement une non-identifiée. Gaston a répondu qu’elle avait pu le perdre dans sa fuite et que de toute façon il n’y avait plus de non-identifié depuis des années, que les derniers avaient été expédiés hors de la frontière ou intégrés par le gouvernement. Les frontières sécurisées et infranchissables, plus personne ne passe à travers depuis longtemps. Gaston disait que cette petite fille devait avoir des parents morts d’inquiétude. Les humains font ça aussi, ils considèrent leurss jeunes comme des enfants très longtemps, celle-là avait déjà un petit en route dans son ventre, et eux ils en parlaient comme d’un enfant.
A ce moment-là, La Belle n’a pas été très gentille, elle a dit
- Ca fait des années qu’on cache ton clébard et tu voudrais livrer cette pauvre gamine au gouvernement ? Tu sais qu’ils la renverront mourir de l’autre côté.
Elle a fait les mêmes yeux que Grenache quand Gaston dit que la balade est finie mais que le chien veut se promener encore. Mais ce n’était quand même pas gentil de s’en prendre au clébard, qui n’avait rien demandé et dont la sieste était déjà fort perturbée.
Voilà, c’est ainsi que s’est passée la balade de Grenache ce jour-là. Le premier jour, la gamine a dormi dans la chambre de La Belle, à la place de Gaston qui a dormi dans le canapé. Et le matin suivant, La Belle a déménagé toute la cabane, le peu d’outils qui restait à Gaston, et toutes les traces de Grenache. Elle a décidé que la gamine se cacherait ici si quelqu’un venait à entrer.
- Et Grenache ? a demandé Gaston.
- A la cave, a répondu La Belle.
La cave c’était vraiment nul. Mais comme La Belle était très à cran, Gaston et Grenache n’ont trop rien dit. Le soir même Gaston a appelé Tatonga, histoire de se renseigner sur d’éventuels non-identifiés qui auraient passé la frontière récemment. Il y avait bien quelques passages dont il avait entendu parler. Mais ce n’était que de jeunes hommes, il allait leur parler et il passerait voir Gaston dans la semaine.
De son côté La Belle avait appelé Geveil, il avait encore ses amis au gouvernement, et il allait voir si des jeunes filles avaient fugué ces derniers temps.
Et Grenache savait déjà tout, il leur aurait bien expliqué s’ils avaient su écouter. Grenache savait bien pourquoi elle se cachait et il savait bien qui elle attendait. Heureusement, ça n’allait pas tarder, parce qu’il en avait marre d’être envoyé à la cave à chaque fois que quelqu’un bougeait dans le quartier, sa cabane lui manquait.
- 6-Jason et Marie-Amélie. :
Ce n’était pas pour lui. Et ce n’était pas non plus à cause d’eux. Marie-Amélie n’était pas venu pour revoir Jason. Et ce n’était pas non plus à cause de Kim et son père, ce n’était pas parce que la présence de cette femme la rendait malade au point de ne plus supporter de voir son propre père. Et puis elle avait les images de ce café, ces gens… Ils étaient combien ? Combien de ces gens vivaient dans notre ville, crasseux, vulgaires, rebelles, dangereux. Ah ce café, elle ne pouvait fermer les yeux sans que son imagination l’y renvoie. Elle voulait travailler, travailler pour tout comprendre, elle allait disséquer la question, et l’étaler sur un papier, aucun problème n’est insurmontable.
Elle l’aimait bien son espace de co-working. Elle aimait, anonyme, se faufiler parmi ceux qui n’ont pas de bureau de travail dans leur habitat mais qui se battent pour vivre mieux. Elle aimait bien ces jeunes travailleurs qui avaient monté une boite de dépannage à distance. Ils avaient un succès fou, ils prenaient une bulle insonorisée chacun, et ils étaient partis. Ils atteignaient les objectifs de ventes, parfois tard dans la nuit. Elle les regardait de loin, elle ne les regardait pas trop, elle entrait dans sa bulle pour travailler en paix. Elle était au maximum de socialisation depuis sa naissance, son planning de petite fille modèle, élaboré par sa mère attentive et son père influent, avait toujours su cocher les bonnes cases. Elle n’avait jamais dû glaner ces fameux points de reconnaissance, à la fois appliquée et assurée, elle ne s’en souciait pas. Jamais elle n’approchait les autres pour un repas partagé ou une séance de sport.
Elle n’est pas venue pour lui. Mais ça lui a fait drôle quand elle l’a trouvé dans la salle commune. Elle était face à cette salle, parcourant toutes ces alcoves de son regard, cet horrible café en mémoire. Quand elle s’est retournée, elle l’a trouvé parfait. C’était la bonne personne au bon moment. Sa politesse, sa façon de se tenir, les traits de son visage. En un instant elle a tout aimé chez lui. Elle n’était pas revenue pour lui. Ses pas l’avaient conduite ici, pour elle, parce qu’il n’y avait qu’ici qu’elle pouvait être bien. Il était là. Le regard fixé sur l’écran de son tableau de bord. Il allait partir. Elle voulait lui crier stop mais elle a retenu son cri, ranger ses cheveux, respirer une grande bouffée d’air, elle lui a dit seulement :
- Bonsoir Jason.
Il a levé les yeux vers elle et elle y a vu des étoiles. Elle était le meilleur truc de sa journée, le meilleur truc de sa vie. Et cette fois, il en était certain, il l’avait vu. Il la voyait, et elle le regardait.
7-Kayan en est témoin.
Kayan, c’est une brave dame, la quarantaine, sa boite à sandwich bio dans les mains, elle les trouve plutôt attendrissant. Elle travaille la nuit, sa fille de 20 ans travaille le jour. Ça leur évite de payer une location à deux chambres. Cette fille qu’elle a eue seule, s’il y avait un père, elle l’a soigneusement effacé de sa mémoire. Un jeune journaliste du Monde Reconstruit était venu l’interviewer, il s’appelait Romain. Elle avait dit qu’elle était forte, que sa fille elle saurait l’élever seule, que ce n’était pas un accident qu’elle l’aimait et qu’elle en était fière. Il avait écrit : « A l’heure où élever un enfant relève du choix égoïste d’un couple inconscient, qui sont ces femmes qui bravent la morale et la raison ? Malgré une politique forte de dénatalité votée et appliquées depuis plus de dix-huit mois, sans éducation, sans perspective d’avenir, sans couple ni famille, qui sont ces femmes marginalisées qui mettent délibérément au monde des enfants que la société devra assumer à leur place. Qui sont ces femmes ? C’est Kayan » Il ne lui avait pas envoyé l’article, et elle était tombée face à sa photo en allumant son smartphone. Elle avait trouvé que la photo était bien prise. On est toujours belle à vingt ans, elle était encore plus belle avec la vie qu’elle portait dans son ventre. Elle avait ri, elle avait dit : ce mec est un con ! Il avait raison, c’était dur. Surtout depuis que l’aide financière n’était accordée qu’aux mères qui renonçaient à leurs droits parentaux. Elle avait gardé sa fille. Ce n’était pas grand-chose les colis qu’apportaient Guy Gillet. Quelques couches, quelques vivres. Et puis on a dit dans les journaux que ces associations promouvaient les grossesses à risque, qu’ils cachaient des migrants. Romain a écrit : « tant qu’on nourrit les cafards, il ne faut pas s’insurger qu’ils se multiplient. Commençons par mettre un couvercle sur la poubelle ». C’était devenu plus dur, mais elle avait élevé Sonnie.
Elle avait déjà croisé Marie-Amélie, elle l’avait trouvé belle comme une poupée, belle comme sa fille à elle. Elle n’avait jamais pensé que c’était la fille de JMI. De toute façon elle n’aimait pas les journalistes, surtout pas ceux du monde reconstruit. Kayan, son sandwich bio et Jason étaient arrivés en papotant du temps qu’il fait. Ils avaient traversé la salle commune en direction de la cuisine commune et s’apprêtaient à partager leur repas. En oubliant pas de se donner respectivement les points de socialisation associés à cette action tout à fait naturelle. Elle avait vu une fille dans ses yeux. Dans son regard qui cherchait dans tous les coins. Elle avait vu l’absence d’une fille et le regard qui espère. Kayan travaillait la nuit, elle aimait ça. Cette fille qu’elle avait eu seule, c’était Sonnie. Malgré le contrôle de l’accompagnement intensif, malgré les nuits en dortoir, malgré tout, elle n’avait pas lâché sa fille. Sonnie et elle avaient leur logement. Sonnie et Jason, ils s’étaient aimés mais c’était fini. Et Jason, c’était un peu son enfant aussi. Pourtant ça lui a fit un choc quand elle l’a vu : L’amour, a toujours le même visage. Ils ont fermé les cafés, évalué les échanges, optimisé les corps, mais l’amour, ils ne l’ont pas encore éteint. Jason partait, Marie-Amélie arrivait. Elle l’a vu de loin, a traversé la pièce filant droit sur lui. Kayan avait serré la boite à sandwich dans ses mains, comme pour éviter la catastrophe. Marie-Amélie s’est arrêtée brusquement, elle a dit « Bonjour Jason » Elle l’a dit comme ça. Et il s’est tourné vers elle. Kayan est témoin que tout s’est passé ainsi. Leurs regards se sont rencontrés et tout est revenue à l’esprit de Kayan. Comme si c’était hier, elle l’a reconnu : L’amour, cette catastrophe, ce cataclysme. Le gouvernement n’en viendra pas à bout, l’amour ravagera toujours tout. Kayan l’a vu, comme elle voit sa boite à sandwiche, elle pourrait le jurer. Il y avait Marie-Amélie et en face d’elle Jason a souri. Kayan s’est rappelé qu’il y a vingt ans elle avait aimé. Elle avait aimé un homme qui était parti en zone non-assainie. Un garçon qui ne savait pas baisser les yeux, un garçon qui ne l’avait pas emmenée, pas prévenue, qu’elle avait juré d’oublier. Elle avait oublié et n’avait plus aimé que Sonnie. Mais l’amour n’avait pas disparu. Il frappait encore et Kayan en était cette nuit le témoin. Marie-Amélie perdrait tout et Jason perdrait Marie-Amélie. Kayan a jeté sa boite à sandwich, comme s’il était encore possible de déjouer la prophétie. Elle a tremblé pour eux.
- Kayan ! Voyons, ne jeter pas cette jolie boite. l’a interrompu un travailleur qui passait par là. Elle peut encore servir, et puis il ne faut pas la mettre dans les ordures non recyclables.
L’homme l’a récupéré dans la poubelle et lui a tendu.
Invité- Invité
Re: Le permis d'enfanter
9- La fille trouvée dans la forêt.
Samedi 29 mai 2121 9h30
L’odeur du café flotte dans la pièce, le bruit des tasses que l’on débarrasse, cette maison qu’il adore, il est temps d’aller promener son compagnon. Grenache lui a fait signe, et il pourrait vous jurer qu’il comprend ce chien.
- Allez ! Vient mon vieux.
Gaston aime rappeler à Grenache qu’il est vieux, ça lui donne un instant le sentiment de ne pas être seul. Une journée comme celle d’hier qui s’annonce.
- Cette fois tu ne nous ramènes pas une gamine à la maison, parce qu’à mon âge, on n’a plus l’âge de pouponner. Et puis la Belle, ça lui fait trop d’émotion, ce n’est pas bon non plus pour elle.
Gaston arrive au bout de son jardin, ouvre le portillon et Grenache part à toute vitesse en direction du bois. « Que va-t-on faire de cette gamine » se demande Gaston en marchant le long du chemin. Soudain Grenache réapparait ventre à terre, plus rapide qu’à l’aller. Il dépasse Gaston sans s’arrêter, il fonce vers la maison, saute le portillon du jardin et se précipite dans sa cabane.
- Ben nom de Dieu ! s’exclame Gaston. Qu’est-ce qu’il t’arrive encore ?
Bien longtemps après son chien, Gaston entend enfin le bruit du moteur. C’est une voiture de la Brigade de Gestion Animalière qui arrive. La fameuse GA. Misère. Ils vont trouver son chien… Et la petite clandestine ! Gaston reste figé. De toute façon, il ne sait plus courir comme à l’époque. Il savait qu’ils viendraient un jour mais là, ils ont vraiment mal choisi leur jour. Il s’avance vers eux pour les accueillir. Son journal de bord sonne. Il n’aime pas cette machine. Il regarde l’écran.
« Retiens-les, on fait le ménage. Geveil »
« Geveil ? Mais que fait-il chez moi ? » se fâche un peu Gaston, « vieille canaille ! Il se pourrait bien qu’il courtise la Belle pendant que je fais ma promenade journalière avec ce brave Grenache. Ah vraiment, ni ami, ni amour, rien sur cette terre ne veut Grenache. Il n’y a que son chien de fidèle en ce bas monde. » Papi Gaston va au-devant d’eux.
C’est de la terre et des cailloux. Simplement. Sur le bord du chemin il y a quelques fleurs, c’est un miracle, le retour de la nature. Gaston pensait mourir sans revoir une fleur. Il pensait aussi qu’on le laisserait finir sa vie en paix, avec Grenache et la Belle, avec Geveil aussi pour penser le monde et le contester encore un peu. Il ne pensait pas revoir les brigades enter chez lui, il ne pensait pas qu’ils chercheraient un chien et il ne pensait pas qu’il cacherait une fille. Ça lui en rappelle des souvenirs, quand il aidait les non identifiés à se procurer des faux papiers. Quand il dormait en planque avec eux dans la forêt et quand il a connu le tout jeune Tatonga. Ça fait longtemps, il savait déjà qu’il changerait le monde ce Tatonga.
- Hé ! Messieurs ! crie Gaston en levant les bras. Que faites-vous ?! et il se plante devant la voiture de la Gestion Animalière.
- Poussez-vous, nous avons une mission à accomplir dans cette maison. Répond un agent par la vitre baissée.
- Eh bien messieurs ! Ce chemin n’est pas accrédité pour les véhicules, il y a une autre entrée par la façade de la maison. Vous faites un bruit assourdissant. J’ai vu ici messieurs un insecte de grande rareté, et je comptais vous le signaler avec mon magnifique ordinateur de bord. C’est une coccinelle voyez-vous. Et le bruit de votre moteur l’effraie. J’ai acheté cette maison il y a vingt ans et une simple fourmi, c’était déjà un miracle d’en trouver une. Alors grâce à votre merveilleux travail, les insectes reviennent et il faut être méticuleux. Venez-vous pour la coccinelle ? demande ingénieusement Gaston.
C’en est trop. L’agent sort de sa voiture.
- Donne-moi immédiatement ton ordinateur de bord vieillard.
- Oh ! Vieillard ? Monsieur j’ai à peine 87 ans, j’ai encore toute une vie devant moi, je ne vous permets pas.
L’agent saisi la machine et ça fait « clic ». Clic ? Se demande Gaston. Derrière l’agent de le GA, un homme plus tout jeune, le prend en photo. Puis il avance et lui tend la main.
- Bonjour, je suis Marc du Monde Reconstruit. Je suis la GA pour une journée, je me permets de prendre quelques photos de votre cadre de vie, c’est très beau par ici.
- Ah ! Répond Gaston. Le Monde Reconstruit. Je l’achète toujours. J’aime sa version papier. C’est le seul qui parle encore de politique, la vraie. Pourriez vous prendre en photo cette brigade qui roule sur un chemin protégé. C’est honteux. C’est tout de même un délit qui mérite d’être signalé. Et ce gamin en uniforme m’a appelé vieillard. C’est irrespectueux. Je ne suis pas si vieux.
Marc sourit, il n’est pas dupe. Mais il a bien envie de voir le chien, il préfère ne pas faire capoter la perquisition. Pourtant cette vieille fripouille lui est sympathique.
- Laissez-moi monter dans votre auto, je vais vous monter par ou passer. Et puis ça fait une éternité que je n’ai pas dépassé la vitesse d’un vélo, ça me manque.
L’agent parle à son tableau de bord :
- Chef, je vais mettre Gaston Déclose en état d’arrestation pour refus d’obtempérer. Je procède à son embarcation dans notre véhicule.
- Et vous le journaliste, vous ne protestez pas ? Vous le laisser m’embraquer comme ça ?
Marc approche de Gaston, il prend une magnifique photo de lui, tout souriant, les mains en l’air, comme lors d’un braquage. En fond il y a un grand ciel bleu et le vert des arbres. Il a le sourire de l’homme qui se fait embarquer pour en protéger un autre. Le sourire de celui qui sait pourquoi il vit. Tout ça pour un chien… Marc savait que ça ferait une belle photo.
Geveil était arrivé en trombe dans la maison de Gaston. « Ils arrivent », avait-il annoncé sans crier. La Belle n’avait pas daigné le regarder, alors il l’avait attrapé par le bras. « Tu fais quoi avec ta gamine ? Tu les laisses la prendre en charge ou tu continues à la cacher ? »
- Tu plaisantes ! avait repris la Belle. Jamais sous mon toit on a donné un clandestin au gouvernement.
- Elle est mineure, ils en prendront soin. Ce n’est plus l’époque de la chasse aux non-identifiés.
- Jamais ! répond la Belle.
- D’accord. Répond Geveil.
La brigade arrivait par le jardin, impossible de filer. Geveil prévient rapidement Gaston de les retenir s’il le peut. Mais il a peu d’espoir, Gaston ne regarde jamais son journal de bord, il envoie un message à effacement automatique. Un truc que lui a fournit le réseau de Tatonga.
Geveil et la Belle se précipitent dans la chambre, la jeune fille dort. Elle se réveille en sursaut.
- La cabane, dit la Belle, c’est la meilleure planque.
La jeune fille ne comprend pas tout, la Belle lui explique vite, et l’aide à mettre une paire de pantoufles. Geveil est déjà parti à la cabane. Il voit alors Grenache sauter par-dessus le portillon, tel un cheval à l’hippodrome. Majestueux. Puis il dévale dans sa direction. Geveil ouvre rapidement la porte et la bête se précipite à l’intérieur de la cabane du jardin. Grenache se jette sous une planche et disparait.
- Et corniaud ! Comment tu as fait ça ?
En s’approchant, Geveil découvre que Grenache s’est fait un trou sous le plancher. Il a rongé une latte, et s’est creusé une véritable niche sous le bois. Grenache s’y faufile et se terre, silencieux.
- Ma parole ! Tu es la réincarnation de l’un des notre toi ? Tu as déjà fait de la résistance Grenache ? Mais il va falloir laisser ta cachette à plus fragile que toi mon brave.
Geveil essaie d’appeler le chien, de le faire sortir. Impossible. La Belle arrive avec la fille.
- Voilà, j’ai pris une couverture, elle se cachera dessous, mais s’ils viennent jusque-là, ils la trouveront.
- Il faudra les occuper dans la cuisine ou le reste de la maison. Elle pourra filer dans le bois, avant qu’ils arrivent au garage. Sauf s’ils entrent par le jardin… Regarde, il y a une entrée pour se glisser sous le plancher.
- Non … Dis la jeune fille qui est effrayée par Grenache.
- Enfin, tu parles se réjouit la Belle.
Grenache s’enfonce encore plus profondément dans son terrier.
- Allez, viens, insiste Geveil pour faire sortir le chien.
Ils entendent la voiture sur le sentier. Et décident de laisser tomber cette plaque. Ils l’aident à monter sur le toit. Il y a une plateforme, elle s’y allonge et ils la recouvrent avec la couverture. C’est sommaire mais ça marche parfois.
Geveil descend péniblement du toit, rattrapé à l’atterrissage par la Belle qui suit la manœuvre d’en bas. A ce moment, le portillon du jardin s’ouvre.
- Salaud ! s’écrie Gaston. Que fait il avec ma femme dans ses bras !!!?
Derrière lui, le jeune policier de le GA et derrière le policier, l’appareil photo qui cache Marc. Gaston sert les poings, prêt à en découdre.
- Mais enfin, vous êtes de vrais sauvages, s’indigne le jeune policier qui n’a jamais vu une bagarre de sa vie.
- Geveil ! s’exclame Marc, qui reconnait un vieil ami.
- Ciel, mon mari, répond la Belle d’un ton blasé, tu vas me rejouer un vaudeville ?
- Qu’est ce que tu fais dans les bras de Geveil.
- C’est lui qui était dans mes bras ! réponds la Belle sans se laisser démonter.
Le policier ne comprend rien à cet imbroglio. La Belle ne peut expliquer comment elle se retrouve dans cette situation, ne pouvant justifier pourquoi Geveil aurait sauté du toit.
- Calmez-vous ! se fâche le policier. Je cherche un chien. Et vous ? demande-t-il à Marc le journaliste, qui est cet homme et comment le connaissez-vous ?
- Ah ! Cet homme a fait de moi un journaliste. Et s’il est là vous aurez de la chance de trouver un chien, si ce n’est pas un groupe entier de combattants hors frontière qu’il a infiltré dans cette cabane de jardin.
Marc éclate de rire. Gaston se fige, il pense à la gamine. Tout le monde y pense. Geveil et la Belle tentent alors de faire diversion.
- Tu ne dis rien toi ! Se fâche la Belle en regardant Geveil. Ils ont roulé sur mon chemin, un lieu de réintroduction d’insecte hautement protégé. Ah ! Il est beau le gouvernement réunifié, il ne respecte pas ses propres règles !
- Marc, s’il te reste un peu de te vocation de journaliste, j’espère bien que tu ne manqueras pas de faire éclater cette vérité au grand jour, proteste Geveil.
- Je ne suis pas dupe de votre manège, interrompt le policier, ça a assez duré, ouvrez ce garage.
- Il est toujours ouvert, répond la Belle, vous n’y trouverez rien, dans le défis de son regard, Gaston revoit comme la Belle est Belle et l’a toujours été.
Le sang de Gaston ne fait qu’un tour. Son Grenache, son fidèle ami, son meilleur ami, ils vont l’attraper avec un collier électrique et le faire finir sa vie dans une cage. Plutôt mourir que perdre l’un des siens. Quand ils se cachaient dans la forêt c’était ça la devise. Savez vous combien de force peut mobiliser un papi de 87 ? Et bien ce jour Geveil a pu en avoir une idée très précise. Oh, bien sur pas autant qu’autrefois, mais assez pour envoyer un bon coup de poing en pleine poire à son vieux pote.
- Qu’as-tu fait à ma femme ? Crie Gaston en frappant.
Il pense plutôt à son chien qui risque de finir sa vie en cage, et ça lui a donné des ailes. Geveil est tout sonné mais pas assez pour se laisser dire n’importe quoi.
- TA femme ! TON fils, TA propriété, tu penses pouvoir posséder un humain avec un adjectif possessif ! Aimer n’est pas posséder. Se fâche l’autre vieux. Pas vraiment fâché pour le coup mais ses valeurs, il ne faut pas y toucher.
La diversion marche un temps puis le regard du policier tombe sur une caisse contre le mur de la cabane. Vous êtes monté faire quoi sur le toit demande le jeune homme. C’est qu’ils sont intelligents tous ces jeunes élevés avec des ordinateurs de bords, ils en ont passé des heures à étudier les énigmes et les planques. Il pousse la caisse et monte dessus, il va se hisser sur le toit. A ce moment, Un grand facas provient du garage, Grenache sort en courant. Le policier de la GA saute de la caisse et lui part après. Grenache saute par-dessus le portail et part rapidement au loin.
- Ca va vous couter une fortune ! crie le policier furieux à Gaston.
- Je n’ai jamais vu ce chien, répond le vieux, l’air d’un innocent.
- Et moi ! ajoute la vieille, je n’aurais jamais voulu de ça chez moi.
- Je n’ai pas de temps à perdre avec vous, mais je reviendrai très bientôt.
Le policier appelle ses collègues de la GA à battre toute la campagne autour de la maison, a chercher Grenache partout. Et il s’en va. Marc fait un clin d’œil à son ancien prof. Et monte en voiture aussi. Ils partent.
Une larme coule sur la joue de Gaston.
- Mais pourquoi il est sorti cet idiot, ce bourge d’idiot sanglote Gaston.
- Il s’est sacrifié pour la petite, répond Geveil. C’est l’un des nôtres ton chien, c’est un brave.
- Ça c’est vrai ajoute la Belle, c’est un des nôtres et on va le récupérer. Quoi qu’il en coute.
- Et puis tu sais Gaston, ajoute Geveil, la Belle elle m’a juste aidé à descendre du toit.
- Je le sais bien, se fâche Gaston, que voudrais tu qu’elle fasse d’un vilain comme toi. MA femme !
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