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L’homme qui n’avait pas de bras, ma mère, Arte, … et moi.

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L’homme qui n’avait pas de bras, ma mère, Arte, … et moi.  Empty L’homme qui n’avait pas de bras, ma mère, Arte, … et moi.

Message par Invité Mar 23 Nov - 1:25

L’homme qui n’avait pas de bras, ma mère, Arte, … et moi.

Ma mère est folle. Mais elle se soigne. Souvent elle n’est pas folle. Donc du coup, elle m’a élevée à peu près normalement. Donc ma mère était folle ce jour là et à son retour, elle a demandé à se faire hospitaliser. Mon père a dit : « C’est mieux. Parce que ça ne va vraiment pas bien. A Paris, elle a attaqué la mafia roumaine. » Moi je n’ai rien répondu parce que j’étais tenue par mon secret professionnel de femme « les femmes gardent des secrets, à plusieurs » et ma tante m’avait téléphoné il y a quelques jours pour me dire que ma mère avait attaqué un vendeur de chez feu vert. Afin de ne pas alourdir cette histoire, je n’expliquerais pas pourquoi cet homme avait bien mérité que ma mère lui prenne son ordinateur portable des mains et le jette à travers le hall d’accueil du garage. Surtout que j’ai encore une histoire de Syrien qui mériterait d’être secouru par ma mère et que je lui réserve ma conclusion. N’ayez pas peur, je semble confuse mais à la fin de ce récit, vous comprendrez tout. Si je ne m’essouffle pas avant l’épilogue, j’y caserait le vendeur de chez Feu Vert, parce que c’est léger et rigolo. Pas comme le reste de cette histoire.

Revenons donc à Paris. Mon père était venu de province pour trois jours afin d’assister à des réunions très importantes. Ma mère faisait des emplettes aux Galerie Lafayette. Enfin, elle se baladait émerveillée, ma mère sait s’émerveiller, surtout quand elle est folle, ça développe sa sensibilité. Vous constatez à ce niveau du récit que, comme le dit si bien le proverbe : La misère n’est pas que chez les riches. En face des galeries, il y avait un homme. Sans bras, sans pull, sans tee-shirt. Devant les Galeries, il y avait une équipe de journaliste qui tournait un reportage. C’était le mois de décembre. Donc ma mère va voir l’homme sans bras et lui demande s’il a besoin d’aide. Il ne parlait pas français. Ma mère ne fait pas ce que font les gens normaux, elle ne renonce jamais. Le gars qui mendiait sur son carton, elle essaie de lui expliquer qu’il ne peut pas rester à demi-nu dans le froid. Que c’est dangereux pour sa santé, qu’il doit se faire aider. Elle repère au loin un autre homme qui les observe et qui semble être un genre de proxénète pour mendiant. Donc elle va le voir et le dispute. Comme il avait une grosse veste, elle lui dit de quitter sa veste pour la donner à son ami. Lui aussi il fait semblant de ne pas parler français, et surtout il ne répond pas et se recule, effrayé. Il avait bien raison d’avoir peur, ce mec-là, il sait quand une femme est capable de lui prendre son ordinateur pour le faire voler. Il n’aurait pas été aussi stupide que le vendeur de chez Feu vert. Voilà, l’agression de la Mafia ne fut que verbale. Je vais poursuivre avec les journalistes. Ma mère croyant très fort en Dieu, va voir les journalistes, affolée, inquiète pour l’homme à demi-nu. Elle leur dit, venez m’aider, il faut filmer cela, il faut interpeller la police, les gens, il faut qu’ils sachent. Il y a un homme sans manteau, et sans bras. Les journalistes ont répondu que ce n’était pas ça le thème de leur reportage. Ma mère les a insultés, accuser d’abandonner le monde, et tout un tas de propos que je ne vais pas rapporter ici. Mon père est arrivé récupérer ma mère au point de rendez-vous. Elle lui a dit fait quelque chose. Mon père a dû être malheureux. Pour ma mère plus que pour l’homme. Mais il n’a rien pu faire parce qu’il … Il était dépassé, bref, il était normal, comme nous tous. Pas comme ma mère. Ma mère, elle ne peut pas s’en remettre et pour lui faire lâcher l’injustice du monde quand elle y a planté ses crocs, il faut la bourrer de médicaments. Moi je pleure quand j’écris ça, mais ce n’est pas bien grave parce que j’ai un bon pull et j’ai deux bras aussi. Et j’ai aussi des papiers français donc l’assurance d’avoir toujours un pull si je n’ai plus de bras pour l’enfiler.
Je suis tellement fière de ma mère.

Parfois j’entends des gens normaux. Ils disent, « Oh, ces mecs, ils roulent en Mercedes ». Ils disent aussi que ce n’est pas vrai qu’il y avait un homme qui n’a pas de bras qu’ils les cachent dans leurs manches. Alors l’homme, il quitte son pull. Pour qu’on puisse le voir. Mais comme on est très fort, nous les gens normaux, on arrive à ne pas le voir quand même. On dit : « Ils n’ont qu’à travailler, ces fainéants » Il y a aussi des gens qui ne sont pas méchants. Ils disent juste « On ne peut rien y faire » et moi, je suis juste normale, pas trop méchante. La folie n’est pas toujours congénitale.

Après ma mère elle ne dort plus, parce qu’elle ne peut pas savoir qu’elle est au chaud quand il reste encore quelqu’un dehors. Alors vous voyez la taille du monde. Avant qu’on ait rentré tout ce peuple, il vaut mieux qu’elle prenne un cachet.

Un jour la télé a dit ceci : « On parle souvent des mafia Roumaine mais qu’en est-il vraiment ? Nous avons remonté la filière de la mendicité » Eux, c’était le sujet de leur reportage. Moi je me suis assise, et j’ai attendu la suite. J’ai vu des gens pauvres, j’ai vu comment ils s’organisaient, combien ils gagnaient, ce qu’il faisait avec leurs sous. C’étaient des hommes, des femmes, et des enfants aussi. Je n’en revenais pas. Ils voyageaient parfois à plusieurs, comme nous. Ils réfléchissaient à ce qui rapporte et comme si c’était moi, ils avaient conclu qu’il valait mieux emmener avec soi une personne incapable de travailler pour qu’on ne lui reproche pas d’être fainéant. Il y a des pays pauvres, il y a des gens pas dégourdis, il y a des situations infernales, il y a … Tout ça qui fait qu’il ne suffit pas de prendre une pioche et taper le sol pour sortir de la misère. J’ai pensé à ma mère. Et j’ai encore pleuré. Je me suis demandé si ceux qui n’ont pas connu ma mère ne pleurent pas. Parce que les mendiants, ça ne leur fait penser à rien. Quand on me demande de l’argent dans la rue. Je réponds d’un air distrait : « non merci » et je pars. Je suis très normale le reste du temps. Mais quand je pense à ma mère je pleure parce que personne ne lui a jamais dit qui sont les vrais fous. Et on s’est tous mis d’accord pour dire que c’était elle. Ce n’est pas plus juste que la distribution des manteaux sur la terre.

Il est tard, et en ouvrant « courrier international » j’ai lu ceci : A 15 ans, Mohammad Makhzoum a oublié l'enfance. Cet orphelin de la guerre en Syrie a abandonné l'école et travaille 12 heures par jour comme ferrailleur pour nourrir ses deux plus jeunes frères et sa soeur. Chaque matin à six heures, il se rend au travail où il fait fondre toute la journée le métal dans un large chaudron en plein air. Le soir, il revient chez lui s'assurer que ses frères et sa soeur ont fait leurs devoirs et leur préparer un repas.
Ca m’a fait mal et j’ai pensé à ma mère. Elle ne pourra pas. Il est trop loin. Personne n’ira voir Mohammad Makhzoum pour lui demander s’il a besoin d’aide. Et lui ne pourra pas venir ici pour être aidé car on a mis des policiers entre les pays pauvres et les pays riches. Et c’est bien normal. J’ai mal à ma mère, il est tard. Que Dieu protège Mohammad. Il devrait faire ça pour ma mère, parce qu’elle est la dernière sur cette terre à croire encore Lui et Il lui doit bien ça.
Moi je vais me moucher, me coucher, tout oublier et aller travailler demain. Bonne nuit le monsieur qui n’avait pas de manteau. Bonne nuit Mohammad. Bonne nuit celui qui m’a lu. Bonne nuit le journaliste d’Arte qui répond à ceux qui disent que c’est la mafia. Toi t’es un homme bien. Bonne nuit maman. C’est nous les fous. Toi tu es merveilleuse. Comme ton rire.


Epilogue : Je ne sais plus comment je voulais raconter cette histoire de Feu vert. Dans ma tête c’était drôle. Et quand j’y pense en général je souris. Mais là comme je pleure… ça rendra moins bien que dans mon souvenir. Ma mère avait accroché sa voiture, et elle avait décidé de la faire réparer en cachette de mon père. Donc elle va avec sa sœur déposer la voiture et au retour la voiture n’était pas réparée, ils demandaient un prix trop cher et elle a refusé la transaction. L’homme a dit d’accord vous me devez x euros pour le devis. Ma mère n’a pas voulu car il avait été impoli avec le client précédent. Ma tante, qui n’est pas folle, a dit que le vendeur était un con et qu’il avait été odieux avec le client précédent. Je me répète mais je sais d’expérience qu’on ne croit pas toujours les fous. Elle a dit au vendeur de chez Feu Vert, de lui rendre sa clé pour partir et il a refusé. Elle a pris son ordinateur portable et l’a jeté à travers la pièce. Il s’est éclaté au sol. Et tous le monde est resté sans voix. Le vendeur a voulu frapper ma mère. Ma tante l’a prise dans ses bras et a dit au vendeur « Je vous interdit de toucher ma sœur, elle est malade, elle prend des médicaments » Ma mère a pleuré. Ma tante m’a appelé. Quand on est toutes les trois quelquefois on dit « Le gars de chez Feu vert » et on rit. Ma Tante dit « La tête qu’il a fait » et si ma mère s’assombrit, elle ajoute : « Il l’avait bien mérité ».

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