Les Enquiquineurs.
Page 1 sur 1
Les Enquiquineurs.
Dieu avait créé un petit monde tout mignon, une Terre plate et, tout autour, un soleil, une lune, et c’était à peu près tout. Il y installa ses hommes, leur envoya un messager avec un livre qu’ils devaient lire, et c’était à peu près tout. Ces hommes, tous fils de Dieu et faits à son image, vivaient heureux, aimaient leurs femmes, cultivaient leurs champs et, l’été, lisaient leur livre en se promenant à l’ombre des platanes.
Ils vivaient en paix en rêvant souvent au jour où Dieu les accueillerait les bras ouverts avant de leur ouvrir les portails incrustés de pierres précieuses de son vaste paradis.
Tout allait donc bien dans le meilleur des mondes jusqu’au jour où affluèrent les enquiquineurs, des emmerdeurs, pour tout dire, qui allaient troubler cette douce quiétude.
Vint, en premier ou en dernier, peu importe l’ordre, celui qui déclara que la Terre n’était pas plate, mais ronde. Vinrent aussi, l’un après l’autre, ceux qui affirmèrent que la Terre n’était pas le centre du monde et qu’elle tournait, oui, qu’elle tournait, que le monde était grand, beaucoup plus grand, tant que même la lumière en le parcourant semblait avancer à la vitesse d’une tortue boiteuse, que l’apparition de l’homme et du monde datait de beaucoup plus loin pour être mesurée en minables milliers d’années, que le ciel n’était pas une voûte en dur, faite de parpaings ou de plexiglas. Arrivèrent même certains avec des livres prétendant tous être messagers, dépêchés par Dieu pour montrer la bonne vraie voie.
Sacrilège !
C’en était trop et les prêtres ne pouvaient en supporter davantage : ce n’est pas ce que disait leur livre. Certains devinrent rouge tomate, d’autres rouge sang, d’autres jaune citron, d’autres ont pris une teinte olivâtre, signe d’une crise imminente.
Mais le pire était à venir.
Un imposteur, se disant savant, a osé écrire un livre et dans le livre une phrase, une petite phrase de quelques mots. Elle a suffi pour faire tonner le tonnerre, provoquer des tempêtes, soulever des ouragans, faire tomber le ciel sur la Terre.
Toutes les espèces vivantes descendent d’un ancêtre commun. Telle était la phrase dans toute sa simplicité.
C’était un fou, nul doute. Un fou dangereux. En termes incivils ou non civilisés ou non policés ou vulgaires, cela signifiait que tous les hommes étaient frères, que chacun avait pour cousins et pour cousines les alligators, les figuiers, les poireaux, les poules, et que la fable du bel Adam et de la sublime Ève ne pouvait être par conséquent qu’un désopilant canular. En clair, une blague.
C'était une déclaration de guerre, une guerre intergalactique qui allait impliquer Dieu.
Un lourd silence plana sur la planète, les lézards se faufilèrent sous les pierres, le jour hâta le pas pour aller se cacher, une gazelle au loin leva son fin museau pour humer l’odeur de poudre que charriait l’air chaud du désert.
Jamais Dieu ne fut autant malmené !
Un farouche évêque, Samuel Wilberforce, piqué au vif, bondit de sa chaire tel un diable. Un physiologiste, Thomas Huxley, surnommé le Bouledogue de Darwin, lui fit aussitôt face. Un duel à mort allait s’ensuivre dans un débat public.
Sept cents personnes assistèrent aux joutes.
L’évêque : dites-moi donc cher ami, est-ce par votre grand-père ou par votre grand-mère que vous entendez descendre du singe ?
Réplique du Bouledogue : je préfère de loin avoir un singe pour ancêtre plutôt qu’un évêque imbécile qui refuse de regarder la vérité en face.
Comme vous voyez, le ton était donné, je vous fais grâce de la suite.
Ils vivaient en paix en rêvant souvent au jour où Dieu les accueillerait les bras ouverts avant de leur ouvrir les portails incrustés de pierres précieuses de son vaste paradis.
Tout allait donc bien dans le meilleur des mondes jusqu’au jour où affluèrent les enquiquineurs, des emmerdeurs, pour tout dire, qui allaient troubler cette douce quiétude.
Vint, en premier ou en dernier, peu importe l’ordre, celui qui déclara que la Terre n’était pas plate, mais ronde. Vinrent aussi, l’un après l’autre, ceux qui affirmèrent que la Terre n’était pas le centre du monde et qu’elle tournait, oui, qu’elle tournait, que le monde était grand, beaucoup plus grand, tant que même la lumière en le parcourant semblait avancer à la vitesse d’une tortue boiteuse, que l’apparition de l’homme et du monde datait de beaucoup plus loin pour être mesurée en minables milliers d’années, que le ciel n’était pas une voûte en dur, faite de parpaings ou de plexiglas. Arrivèrent même certains avec des livres prétendant tous être messagers, dépêchés par Dieu pour montrer la bonne vraie voie.
Sacrilège !
C’en était trop et les prêtres ne pouvaient en supporter davantage : ce n’est pas ce que disait leur livre. Certains devinrent rouge tomate, d’autres rouge sang, d’autres jaune citron, d’autres ont pris une teinte olivâtre, signe d’une crise imminente.
Mais le pire était à venir.
Un imposteur, se disant savant, a osé écrire un livre et dans le livre une phrase, une petite phrase de quelques mots. Elle a suffi pour faire tonner le tonnerre, provoquer des tempêtes, soulever des ouragans, faire tomber le ciel sur la Terre.
Toutes les espèces vivantes descendent d’un ancêtre commun. Telle était la phrase dans toute sa simplicité.
C’était un fou, nul doute. Un fou dangereux. En termes incivils ou non civilisés ou non policés ou vulgaires, cela signifiait que tous les hommes étaient frères, que chacun avait pour cousins et pour cousines les alligators, les figuiers, les poireaux, les poules, et que la fable du bel Adam et de la sublime Ève ne pouvait être par conséquent qu’un désopilant canular. En clair, une blague.
C'était une déclaration de guerre, une guerre intergalactique qui allait impliquer Dieu.
Un lourd silence plana sur la planète, les lézards se faufilèrent sous les pierres, le jour hâta le pas pour aller se cacher, une gazelle au loin leva son fin museau pour humer l’odeur de poudre que charriait l’air chaud du désert.
Jamais Dieu ne fut autant malmené !
Un farouche évêque, Samuel Wilberforce, piqué au vif, bondit de sa chaire tel un diable. Un physiologiste, Thomas Huxley, surnommé le Bouledogue de Darwin, lui fit aussitôt face. Un duel à mort allait s’ensuivre dans un débat public.
Sept cents personnes assistèrent aux joutes.
L’évêque : dites-moi donc cher ami, est-ce par votre grand-père ou par votre grand-mère que vous entendez descendre du singe ?
Réplique du Bouledogue : je préfère de loin avoir un singe pour ancêtre plutôt qu’un évêque imbécile qui refuse de regarder la vérité en face.
Comme vous voyez, le ton était donné, je vous fais grâce de la suite.
Tatonga- Admin
- Messages : 7391
Date d'inscription : 11/11/2015
Age : 48
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous pouvez répondre aux sujets dans ce forum